Michel Calmejane, Colt : « Je suis 100 % sûr qu’Orange respecte la loi sur les écoutes »

Pour le directeur général France de l’opérateur pour entreprise Colt, la révélation de la proximité entre Orange et la DGSE ne constitue pas une surprise. Et s’avère même rassurante pour la défense des intérêts nationaux.

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Michel Calmejane, DG France de Colt

Silicon.fr : La semaine dernière, un article du Monde mettait en évidence la grande proximité d’Orange avec les services techniques de la DGSE. Est-ce que cet article vous a surpris ?

Michel Calmejane : Non bien sûr. Il faut bien comprendre que nous vivons déjà en état de cyberguerre. Ne pas penser que c’est le cas, c’est être soit naïf, soit stupide. Quand on comprend ce qui se passe sur nos réseaux et la fragilité de nos économies où tout est chaîné et dépendant de réseaux de télécommunications, on ne peut que trouver sain que l’Etat se préoccupe du sujet. Par ailleurs, la France est une démocratie avec des règles très claires. Les écoutes notamment sont conditionnées à des réquisitions judiciaires. Je suis persuadé que ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec la NSA ne peut pas se produire en France.

L’article du Monde explique pourtant que l’opérateur collecte des données en masse, sans réquisitions préalables…

A ma connaissance, Orange n’a pas pris de position officielle là-dessus. Mais tous les opérateurs sont extrêmement vigilants sur la légalité des actes qu’ils entreprennent. Tout simplement parce que notre métier consiste à transporter de manière confidentielle des données. Pour un opérateur, ne pas respecter les règles en la matière s’avère extrêmement dangereux.

Pour prendre notre exemple, Colt, opérateur 100 % voué aux entreprises, véhicule une image d’indépendance. La survie de la société dépend de cette capacité à garantir l’indépendance et la sécurité maximale des données que nous véhiculons.

Précisément, vous pourriez exploiter la collusion supposée entre Orange et la DGSE comme argument commercial auprès des grandes entreprises, notamment étrangères, soucieuses de leur indépendance vis-à-vis des services français ?

Je ne le ferai pas. D’abord par que je pense que les pratiques attribuées à Orange ne sont pas avérées. Je suis 100 % sûr qu’Orange respecte la loi en matière d’écoutes. Ensuite, parce que je juge le sujet de la sécurité du territoire extrêmement important. Toute la profession bénéficie aujourd’hui du travail mené par Orange et par l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information). Sans ces deux acteurs, le pays serait aujourd’hui confronté à des problématiques très graves.

On confond protection des données privées – et encore une fois, un opérateur ne se remettrait pas de toute entorse en la matière – et défense des intérêts nationaux. La question ne réside pas dans les données qui sont conservées, mais dans l’exploitation qui en est faite. Je rappelle par exemple que tout opérateur conserve ses logs.

Est-ce que ces questions d’indépendance vis-à-vis des services de renseignement de tel ou tel pays sont devenues un sujet de préoccupation des entreprises ?

Sauf cas spécifique, ce n’est pas le cas en matière de réseaux. Même si des réponses existent : l’emploi d’une connectivité Ethernet permet, par exemple, une plus grande flexibilité car l’entreprise est en mesure de déployer les solutions de sécurité qu’elle souhaite. Mais la question se pose systématiquement en matière d’hébergement de données. Disposer de la capacité à géolocaliser les données est devenu un élément clef pour l’industrie, un différenciateur qui permet de remporter des affaires.

A condition de bien gérer l’hétérogénéité des réglementations en Europe. Pour Colt, qui exploite 20 datacenters dans 13 pays, c’est le second sujet de préoccupation majeur, derrière la sécurité de nos réseaux. Et, en la matière, la France est loin d’être le pays le plus contraignant : elle se situe au 8ème rang sur 13 dans le classement que nous avons établi, l’Allemagne se situant à la 7ème place. De loin, le pays le plus contraignant est l’Espagne, devant la Belgique et l’Italie.

Vous parlez d’un état de cyberguerre. N’est-ce pas un peu exagéré ?

Je ne crois pas, non. Nos économies sont réellement très dépendantes des réseaux et des systèmes d’information. Le problème, c’est que nos politiques n’en ont pas conscience ou ont choisi d’ignorer ce point. Heureusement, certains industriels ont beaucoup plus le souci de la défense des intérêts nationaux.

En complément :

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