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Les carnets de campagne numérique de Guy Mamou-Mani : le cas Benoît Hamon

Quand on tape « Benoît Hamon » et « Numérique » sur un site de recherche, on est surpris du nombre impressionnant d’occurrences le concernant (221 000 résultats). Ce n’est pas rien, même si son statut d’outsider, de « troisième homme » permettant de dépasser le clivage Valls-Montebourg compte beaucoup dans le succès médiatique qu’il rencontre désormais et l’intérêt qu’il suscite sur les réseaux sociaux.

Me suis-je donc trompé dans le premier volet des carnets de campagne dans lequel j’affichais ma crainte que les élections de 2017 ne soient « un remake de celles de 2012 avec des programmes faméliques pour ce qui concerne le numérique » ?

A-t-on enfin trouvé parmi les sept candidats à la primaire de la Belle alliance populaire, organisée par le Parti socialiste, l’homme politique qui s’intéresse au numérique autrement qu’en paroles et comprenne véritablement ses enjeux ?

Chômage : la faute au numérique ?

C’est en tout cas ce que le candidat à la présidentielle revendique face à ses adversaires du moment. Il se veut un homme « moderne dans ses solutions », « tourné vers le futur ». C’est déjà le portrait qu’en brossait Léa Salamé qui l’interviewait sur France Inter le 4 octobre 2016, et c’est toujours en ces termes qu’il se présentait devant les Français lors du 1er débat des primaires citoyennes de la Gauche le 12 janvier 2017.

En allant un peu plus loin dans ma lecture des propos de campagne de Benoît Hamon me voilà rassuré. Enfin, façon de parler ! Sous des dehors de « modernité », je découvre en fait un homme qui n’est moderne qu’en apparence.

C’est en effet le même homme qui déclare qu’il a pris conscience de la transformation numérique de notre pays qui conclut que le travail va se raréfier, voire qu’il n’y aurait plus de travail et donc qu’il faut le partager, « taxer les robots » qui vont progressivement se substituer aux hommes comme vecteurs de production de richesses.

Ce qui m’a le plus interpellé dans ce florilège de banalités et d’idées reçues que j’ai pu glaner de-ci de-là, c’est cette déclaration qui lui tient lieu d’idée programmatique et qu’il décline à l’envi : « la révolution numérique qui provoque une raréfaction du travail conduit à ce que se développe un chômage de masse ».

La mort de l’emploi, pas celle du travail

Il est consternant qu’un candidat à la Présidence de la République puisse sérieusement penser que le numérique va faire disparaître le travail. C’est tout le contraire qui va se passer : grâce au numérique, ce qui va disparaître, ce sont les emplois les plus pénibles, les plus répétitifs qui seront remplacés par des emplois humains à plus forte valeur ajoutée tout comme les tâches les plus ingrates, le plus souvent asservissantes, le seront par des robots qui rendront les hommes et les femmes plus autonomes et épanouis par un travail plus enrichissant.

Benoît Hamon confond en fait le travail – qui ne se partage pas – et l’emploi. Il aurait pu dire, se souvenant du titre de l’article prémonitoire de Bernard Stiegler, « L’emploi est mort, vive le travail ». On aurait dés lors mieux compris son propos, même si sa conclusion reste consternante : puisque le travail se raréfie sous l’impact de la révolution numérique, partageons-le, ramenons le temps de travail à 32 heures !

On est en plein dans l’idéologie, très loin en tout cas d‘une bonne compréhension de la transformation numérique de la société qui voit l’emploi se transformer complètement pour aller vers plus d’autonomie, plus de liberté individuelle, moins de contraintes géographiques et temporelles. Il sera possible demain de choisir ses plages horaires, de travailler 20 heures une semaine, 50 heures la suivante, en fonction des tâches à réaliser (ou des missions à accomplir) à l’endroit où nous le souhaiterons, chez soi ou au bureau, et quand nous le voudrons. Bien sûr, il ne faut pas avoir de vision angélique et cette transformation nécessitera une régulation sociale, fiscale, réglementaire mais quelle différence avec la vision aliénante du travail de Benoit Hamon.

Ce dernier a au moins le mérite d’approfondir ce sujet : c’est mieux que d’autres candidats qui, à défaut d’en parler de manière inadéquate, n’en parlent pas ou, à ce stade de la campagne, ne font que l’évoquer.

Par Guy Mamou-Mani,coprésident de l’ESN Groupe Open et ancien président de Syntec Numérique (de 2010 à 2016). Guy Mamou-Mani est également vice-président du Conseil National du Numérique (CNNum).

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