Cash Investigation : Huawei, Nokia et Samsung empêtrés dans le bad buzz

Après l’émission Cash Investigation de France 2, les fabricants de smartphones mis en cause peinent à apporter des réponses convaincantes. Et sont pris à partie sur les réseaux sociaux.

Un peu plus de 24 heures après le reportage de Cash Investigation, émission de France 2 qui met sévèrement en cause leurs pratiques, les fabricants de téléphones portables mis en cause – au premier chef Huawei, Samsung et Nokia – n’ont toujours pas trouvé la parade au bad buzz créé par l’émission. Sur les réseaux sociaux, les commentaires assassins se multiplient sur ces marques.

Apparaissant dans une séquence où il refuse de répondre aux questions d’Elise Lucet sur la responsabilité de son entreprise – et où il se contente de demander à la journaliste sa carte de presse -, François Quentin, le président de Huawei France, a justifié sa réaction en expliquant qu’il ne connaissait pas Elise Lucet (sic). Présent hier aux Assises de l’Industrie, il a déclaré à nos confrères de l’Usine Digitale : « j’ai activé tous mes réseaux et Madame Lucet n’aura plus aucun grand patron en interview, sauf ceux qui veulent des sensations extrêmes ou des cours de Media Training ! » Pas sûr qu’il s’agisse là de la meilleure manière d’éteindre l’incendie, même si l’ex-directeur de la division aéronautique du groupe Thales a évidemment de l’entregent.

Pas vraiment une découverte

Mis en cause pour un de ses sous-traitants chinois faisant travailler des enfants (sur le contrôle de qualité des écrans), Huawei assure qu’il avait identifié le problème dès mai 2014, soit un mois avant la rencontre entre son dirigeant français et Elise Lucet. Toute collaboration avec cette entreprise située à Nanchang aurait immédiatement cessé, assure François Quentin. Huawei ne prévoit pas d’autre communication sur le sujet, mis à part un message à destination de ses salariés voué à les rassurer sur les pratiques du groupe.

Signalons que les conditions de production des téléphones en Chine sont régulièrement dénoncées par l’organisation China Labor Watch. En juillet, cette dernière pointait, parmi toute une série de violation de la loi chinoise, le travail d’enfants chez un sous-traitant de Samsung, Shinyang Electronics Factory, montrant selon China Labor Watch l’inefficacité des contrôles du Coréen en la matière. Le géant ayant été plusieurs fois alerté sur le sujet. Samsung France n’a pas réagi officiellement à l’émission, le patron Europe de la marque coréenne profitant du brouhaha entourant le lancement d’un nouveau produit pour esquiver les questions d’Elise Lucet.

Minerais : « des questions complexes »

De son côté, Nokia a publié une réponse officielle – quasi-identique à celle fournie aux journalistes de Cash Investigation – dans laquelle le groupe affirme : « bien que Microsoft n’extraie pas directement de matières premières minérales telles que l’étain, le tantale, le tungstène ou l’or, la société s’engage à user de pratiques d’approvisionnement responsables sur l’ensemble de sa chaîne logistique ». Car, au-delà du travail des enfants dans les usines d’assemblage chinoises, Cash Investigation dévoile un autre scandale, lui aussi déjà connu, mais exposé cette fois via des images rares et particulièrement choquantes : les conditions d’exploitation des minerais entrant dans la fabrication des terminaux mobiles. En particulier le tantale (ou coltan) exploité dans des mines de République Démocratique du Congo (RDC) et utilisé dans les condensateurs des terminaux mobiles et des ordinateurs portables. Un minerai extrait dans des conditions apocalyptiques (emploi d’enfants, nombreux accidents mortels…) et qui alimente la guerre en RDC. Cette dernière, opposant une armée régulière à des groupes rebelles, a déjà fait entre 3 et 5 millions de morts. Selon Cash Investigation, qui a démonté tout un circuit économique où fleurissent les sociétés écran, Blackberry, Motorola et Nokia se fournissent auprès de la société exploitant les mines que les journalistes du service public ont pu filmer.

Pour Nokia France, « il s’agit là de questions complexes qui touchent l’ensemble de notre secteur. C’est pourquoi nous pensons qu’un effort concerté des industriels, des gouvernements et des organisations de défense non gouvernementales est crucial pour progresser dans ce domaine. » Peut-être. Sauf qu’il n’y pas loin entre l’attente d’un « effort concerté » et l’inaction…

Au final, seul Apple sort à peu près indemne de l’enquête menée par Cash Investigation, hormis une mise en cause au conditionnel sur la provenance des minerais utilisés dans ses terminaux. Signalons toutefois, qu’en septembre, China Labor Watch dénonçait dans deux rapports (ici et ici) les conditions de travail chez des sous-traitants de la première capitalisation mondiale. En cause notamment : le besoin d’augmenter les cadences en raison de la forte demande pour l’iPhone 6.

Le Français Wiko échappe lui aussi au jeu de massacre sur les réseaux sociaux ; son dirigeant ayant accepté de s’expliquer (et de faire amende honorable) face à la caméra d’Elise Lucet.

Environ 1,8 milliards de téléphones portables se vendent chaque année. L’émission de France 2 a été regardée par 3,6 millions de téléspectateurs (elle est disponible en replay ici).

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