Le cerveau s’adapte au web, pour le meilleur… mais peut-être aussi le pire

Le cerveau s’adapte au web, pour le meilleur ou le pire ?

Le cerveau des internautes est mieux capable de gérer des flots massifs d’informations, au détriment de la capacité à se concentrer sur un sujet précis. Bonne chose ou monumentale erreur ?

Internet rend-il idiot ? Telle est la question que pose, non sans raison, Nicholas Carr, écrivain américain, dont le sujet de prédilection est l’influence qu’a Internet sur notre cerveau.

« En termes simples, nos cerveaux recherchent l’efficacité, indique M. Carr sur le site Internet Evolution. Ils s’adaptent, au niveau cellulaire, à la façon dont nous les utilisons, en renforçant les modes de pensée fréquemment utilisés, au détriment des modes que nous n’exerçons pas. »

Le fonctionnement du cerveau n’est pas modifié en profondeur : l’homme continuera longtemps à favoriser les aliments sucrés et gras, poussé en cela par des instincts datant des temps les plus reculés. C’est en fait la plasticité du cerveau qui lui permet de s’adapter efficacement à une tâche donnée. Ici, l’utilisation d’Internet.

Nicholas Carr considère ce changement comme étant le résultat d’une réaction adaptée de la part du cerveau (qui apprend à être plus efficace), et non le signe d’un trouble (de l’attention ou autre), et donc d’un dysfonctionnement qu’il faudrait traiter par des voies médicales. Si changement il y a, il est la résultante et non la cause d’une présence excessive sur le Net.

Le phénomène de la zappette

Qu’induit une utilisation régulière d’Internet ? En bref, une meilleure capacité de traitement, mais aussi une moindre capacité de concentration. Les internautes sont ainsi en mesure de traiter en simultané un grand nombre d’informations (pages web, messagerie instantanée, etc.) et de les parcourir en diagonale. En contrepartie, il leur est difficile – voire impossible – d’accorder plus de quelques instants à une page donnée.

« Mon esprit ne s’en va pas – pour autant que je sache –, mais il change. Je ne pense plus de la façon dont j’avais l’habitude », constatait ainsi dès 2008 Nicholas Carr, paraphrasant alors avec humour la scène de la mise hors fonction de Hal (Carl dans la bande son française) dans 2001 l’odyssée de l’espace (“my mind is going”).

Tout ceci ne vous rappelle rien ? C’est exactement le même phénomène, en plus marqué, que celui qui a touché les téléspectateurs lors de l’apparition de la télécommande et la multiplication des chaines : une propension à survoler plusieurs programmes simultanément, sans se fixer sur aucun d’entre eux. Bref, zapper. Une conséquence directe de notre curiosité ?

Désapprendre à zapper ?

Peut-on apprendre d’une masse d’information telle qu’il n’est plus possible que de la survoler ? Cette question cruciale, beaucoup se la posent aujourd’hui, en particulier avec l’émergence des réseaux sociaux, où le volume d’information explose, mais où le temps pour l’analyser (et encore plus pour l’exploiter) fait défaut aux utilisateurs.

D’autre part, la perte de capacité à se fixer sur un sujet pendant une longue période a des effets aujourd’hui mesurables, telle cette propension qu’ont les personnes à abandonner les longs livres et longs métrages, au profit d’œuvres plus courtes (romans de gare et maintenant simples billets. Séries et maintenant web-séries). Les formats réduisent en taille… sous notre impulsion.

In fine, zapper est-il une bonne façon de s’informer ou d’apprendre ? C’est ici que la question de Nicholas Carr prend tout son sens : en modifiant notre façon d’approcher l’information, Internet nous rend-il stupides, via l’adoption de mauvaises méthodes de réflexion et d’apprentissage ? Ne réduit-il pas également notre capacité à lire entre les lignes et donc notre esprit critique ?

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