CITE DES SITES : Internet en deçà de la frontière luxembourgeoise.

Voyage en ligne en Alsace-Lorraine, avec le Républicain Lorrain qui a connu sa version allemande, et même luxembourgeoise, en passant par le futur Centre Pompidou de Metz, qui craint de viellir !

C’est le site de la prestigieuse

école de Lille qui nous le rappelle : « Le Républicain Lorrain. Créé par Victor Demange, le quotidien de Metz a été lancé en juin 1919, année de la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France, en langue allemande sous le titre Metzer Freies Journal. Il deviendra le Républicain Lorrain, en français, le 13 septembre 1936.» Ainsi donc, pendant 17 ans le grand quotidien messin conservait la langue qui avait été imposée à la Moselle de 1870 à 1918. Il n’en fut pas de même en 1945, quand il reparut. Toutefois une édition en langue allemande parut jusqu’à ces dernières années sous le titre France-Journal. Ce journal s’éteignit faute de lecteurs germanophones : la langue française était revenue. Elle s’est maintenue au Luxembourg, principauté vouée à l’Europe, où l’on parle beaucoup de langues et peut-être un peu le luxembourgeois. Le site archives.republicain-lorrain.fr nous raconte qu’existait naguère une édition luxembourgoise du Républicain lorrain : « – Est-ce qu’on doit alors s’attrister de la mort d’un journal ou se réjouir de la création d’un nouveau journal (Le Quotidien) ? «Victor Weitzel: En fait, la question ne se pose pas dans ces termes, de vie et de mort. Nous reprenons tout simplement l’édition luxembourgeoise du Républicain Lorrain pour la perpétuer sous une autre formule (?) De la formule Républicain lorrain, nous allons reprendre ce qui fait le succès du journal : son indépendance, la forte personnalisation de l’actualité, sa façon très vivante de raconter l’actualité, la vie politique – une caractéristique typique du journalisme à la française. (?) « Nous nous adressons à des citoyens émancipés qui vivent et travaillent au Luxembourg, et nous avons choisi le français pour le faire. Ils ont leurs raisons. Avec une équipe de 34 personnes, dont une vingtaine de journalistes – et une forte volonté d’expansion – cela compte énormément. (?) « Si nous écrivons en français, c’est pour créer une communauté d’information et le français est la langue comprise par la plus grande partie de la population. L’idée du «partage de l’information » est pour moi essentielle : nous nous adressons à tous ceux qui veulent savoir ce qui se passe au Luxembourg et veulent entendre un autre discours que dans la majorité des journaux au Luxembourg. Pour nous, il ne s’agit pas de reproduire des communiqués de presse, mais de traiter l’information à notre manière, ce qui implique aussi une hiérarchisation de l’information, une différenciation entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Le tout présenté de manière claire, pour que tout le monde puisse comprendre. « – Il y a quelques années, lors de l’avènement d’Internet, les analystes des médias s’inquiétaient de la concurrence de ce nouveau média face à la presse écrite, craignaient même que c’était «la fin du journalisme» ou que les médias classiques allaient devenir superflus. En lançant un nouveau journal en 2001, avez-vous pris en compte ce nouvel outil d’information ? Est-ce que vous avez réagi à Internet, adapté votre projet à la nouvelle donne ? « – Contrairement aux prévisions de ces analystes, ce ne sont pas les journaux classiques qui ont des difficultés aujourd’hui mais la presse ‘online’ et toute la nouvelle économie. Il s’avère que dans la récession actuelle, la presse écrite ne s’en sort pas mal. « Je crois qu’il peut y avoir interactivité entre la presse écrite et Internet, la première pouvant renvoyer à des services offerts sur la Toile par exemple. Mais dans un premier temps, nous allons nous consacrer au journal. Nous débutons sans site Internet.» Déclaration faite en 2001. Eh bien il n’y a toujours pas de site Internet dédié au Quotidien. Alors que le site de Tagelblatt fait florès. Le site du Républicain lorrain est en revanche généreux. Il y a l’intégralité du quotidien sur plusieurs jours et un ensemble d’archives dont certaines sont savoureuses. Ainsi ce texte sur l’influence allemande en matière de carnaval : «Le royaume de carnaval se situe dans l’Est mosellan où les festivités suivent le modèle rhénan depuis les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. En ce temps-là, le peuple du Saint Empire germanique singeait les troupes françaises. En jonglant avec les initiales L.E.F (Liberté, Egalité, Fraternité), il obtenait le chiffre 11 (elf en allemand). Un chiffre qui est devenu un symbole, la fête de carnaval débutant le onzième jour du onzième mois à onze heures onze. « En 1870, cette coutume s’implante à Sarreguemines et, en 1947, la cité aux faïences voit le sacre d’un Prince de Carnaval. Depuis d’autres communes ont suivi le mouvement comme à Creutzwald, Metz, Hombourg-Haut… le couple princier qui se voyant remettre les clés de la ville où se déroulent les festivités par le premier magistrat. Pendant des semaines, jusqu’au Mardi Gras se succèdent alors diverses manifestations aux quatre coins de Moselle-Est : «Balla-Balla», cavalcades, « Kappensitzungen» où les orateurs peuvent se moquer des hommes politiques et autres personnalités de la commune. Autour du Mardi Gras, où ce jour-là, est organisée une cavalcade, américanisée et mécanisée depuis les années 60. Les majorettes, les danseurs, les groupes folkloriques et les fanfares accompagnent les chars décorés, avec le char princier et les figurants masqués. Aujourd’hui, dans la vallée de la Moselle, ne subsistent que deux carnavals qui ne sont pas rhénans : Hagondange et Yutz.» Dans le même site, on retrouve ce rappel des années noires 40-45 ; «Le tribut payé par les Mosellans en 67 mois d’occupation nazie tient du cauchemar. Annexion, germanisation, déportations, spoliations, service militaire obligatoire, bombardements, morts violentes : ils en auront vu de toutes les couleurs, nos parents, nos grands-parents, nos grands-oncles et tantes pendant ces années noires. « A l’espoir, allumé le 6 juin 1944, succéda une douloureuse attente. Cramponnés à des territoires qu’ils croyaient appartenir au «Reich millénaire», les Allemands se sont battus jusqu’au bout : devant Metz puis le long de cette frontière, que 6 ans auparavant, les Français disaient imprenable, grâce à la ligne Maginot. On connaît la suite. Douloureuse attente faite de peurs et de deuils. Il fallut 100 jours pour libérer le Pays de Bitche ; 105 jours de siège pour que tombe Forbach. Une très longue attente au cours de laquelle 130 civils furent tués. Afin de retarder la guerre et de remporter une victoire psychologique, Hitler lança l’opération Nordwind le 31 décembre. Synonyme d’un nouveau drame pour la Moselle et l’Alsace. « La victoire a un prix : 10 489 soldats et aviateurs américains tombés durant les combats dans les régions frontalières reposent à Saint-Avold ; le plus grand cimetière américain de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Ces croix blanches rappellent à tout jamais la mémoire d’hommes venus d’un autre continent pour combattre l’ennemi et qui donnèrent leur vie en échange de notre liberté. G.O.» En 1940, les envahisseurs chassèrent de Moselle les familles au patronyme français. Quant aux personnes qui portaient un nom de consonance germanique, elles devenaient allemandes et étaient soumises aux obligations militaires. Beaucoup de Mosellans «réfractaires» fuirent en zone libre. Parmi eux, Paul Bentz, qui devenait devenir longtemps rédacteur en chef du Républicain lorrain. J’organisais des conférences littéraires et il me proposa un sujet plutôt inattendu : « Rilke, poète français ». Le grand poète autrichien né à Prague vécut en effet à Paris où il écrivit beaucoup, directement en français. Quelques jours après la conférence, un co-organisateur, Paul Carrière, futur critique au Figaro, fut arrêté par la Gestapo. «Comment pouvez-vous m’arrêter, dit-il, alors que j’ai organisé une manifestation en l’honneur de Rilke ?» Paul Carrière fut libéré dans la nuit, les Allemands considérant que Rilke leur appartenait ; il n’en aurait peut-être pas été de même si Carrière avait ajouté « poète français» ! Pour mémoire, précisons que notre cycle de conférences fut interdit par Philippe Henriot soi-même et que, juste retour ces choses, nous organisâmes, notamment avec Paul Bentz, un grand hommage à Jean Giraudoux le jour même où Henriot tombait sous les balles de la Résistance? La Lorraine a deux métropoles qui se regardent en chiens de faïence : Nancy et Metz. L’une resta française, l’autre fut annexée deux fois. Que de problèmes quand il fallut faire l’autoroute ! Que de difficultés encore quand le TGV Paris-Strasbourg fut décidé ! Passerait-il par Metz ou par Nancy ? Eh bien il passera par un endroit tiers et à mi-chemin des deux, qui s’appellera Lorraine. Ajoutons qu’il y aura sans doute une gare TGV à Nancy et une autre à Metz ! Un point d’accord tout de même. L’Église de Nancy et celle de Metz se sont entendues et ne forment leurs prêtres qu’à Metz. La moitié sont concordataires, les autres non : Dieu reconnaîtra les siens? Nancy restaure à grands frais sa place Stanislas, un des plus beaux lieux du monde. Metz n’est pas en reste, qui va accueillir un Centre Georges Pompidou associé à celui de Paris. Les archives du Républicain lorrain s’inquiètent du vieillissement des matériaux : « Soucieux de mesurer l’avancée des études de Pompidou-Metz, qu’il cofinance à hauteur de 8 MEur (pour une enveloppe globale réévaluée à 51 MEur) le conseil général de la Moselle vient d’effectuer une étape à Beaubourg. Conduits par Philippe Leroy, le patron du Département, les conseillers généraux ont eu les honneurs de la visite en compagnie de Bruno Racine, l’actuel président du Centre Pompidou. Outre la visite des collections du Musée d’art moderne présentées par Alfred Pacquement, directeur, et la rétrospective consacrée au couple de photographes Bernd et Hilla Becher, dont le Frac Lorraine possède deux séries, la délégation a eu droit aux explications techniques concernant le dossier Pompidou-Metz. Jonathan Thornyl a tenté de rassurer les visiteurs les plus sceptiques. L’occasion pour l’architecte de faire admettre à ses interlocuteurs la dimension innovante d’un projet dont l’inconnue majeure reste liée au vieillissement des matériaux. » S’inquiéter de ce vieillissement alors que rien n’est édifié encore est une preuve de la prudence lorraine et de son souci de pérennité.