CITE DES SITES : Les Variétés, Théâtre tout Internet

Bien que n’étant plus, et de loin, la plus grande capitale du monde, Paris compte davantage de théâtres que toutes autres villes. Des grands, des petits, et le théatre des Variétés, que l’Internet nous révèle

Il y en a de toutes les ambitions et de toutes les dimensions. Le théâtre de l’Orme compte vingt places et, en affichant La Cantatrice chauve, va sur les traces d’un autre petit théâtre, la Huchette qui joue la même pièce d’Ionesco depuis des dizaines d’années ! Il existe – au moins – deux styles de théâtre, le théâtre disons noble et le théâtre de boulevard. Qui ne se jouent pas dans les mêmes salles. On ne verra jamais de boulevard à Hébertot ni de pièces littéraires aux Nouveautés. Un théâtre est situé géographiquement boulevard Montmartre, dans ce quartier de Paris où subsistent encore des passages pleins de vie, ainsi le passage des Panoramas où est comme enchâssé ce théâtre des Variétés. Il est la seule salle privée pourvue d’un

site Internet digne de ce nom, dans lequel il ne manque rien, depuis les origines. On découvre comment tout vint de la Montansier qui sut, jouant de tous ses talents et artifices, devenir comme la surintendante des théâtres parisiens. «Elle approchait de quatre-vingt-dix ans lorsqu’elle tomba malade. Elle s’éteignit le 13 juillet 1820, alors qu’aux Variétés on jouait Marie Jobard, de Scribe et Dupin. Née sous Louis XV, elle mourait sous le règne de Louis XVIII après avoir connu trois rois, un empereur, une république, mais surtout le succès, la fortune, la célébrité, l’amitié des grands et de grandes amours. Elle avait rayonné pendant plus d’un demi-siècle sur le monde du théâtre, formant des centaines d’acteurs, encourageant les auteurs et les musiciens, les décorateurs et les peintres, laissant un souvenir où se mêlait l’admiration et l’envie.» Les Variétés sont un des derniers grands théâtres de boulevard. Le fait qu’elles aient été achetées, murs compris, par Jean-Paul Belmondo, les ont préservées de tout opération immobilière du genre de celle qui transforma l’Ambigu en tristes bureaux et parkings. « Bébel », lit-on dans l’organigramme, est Président Directeur Général, son fils Paul est Directeur Général et l’Administrateur n’est autre qu’Alain Belmondo, frère du premier. J’apprécie le côté bonapartien de cet empereur du théâtre. On ne sait pas trop ce que veut dire « variétés », mot féminin pluriel qu’ignore Furetière. En 1935 sortit un film ainsi intitulé où Annabella, Jean Gabin et Fernand Gravey étaient un trio d’acrobates. Le même sujet fut tourné à nouveau en 1956, avec Gina Lollobrigida, Burt Lancaster et Tony Curtis sous le titre plus justifié de Trapèze. Je suppose que la magnifique salle à l’italienne du boulevard Montmartre s’appelle Variétés parce que le projet, tout simplement, était de monter des spectacles variés? La variété c’était souvent n’importe quoi et le succès n’était pas toujours au rendez-vous. Une anecdote au passage qui parle d’un auteur célèbre au 19ème siècle, « Marie-Emmanuel Théaulon. Son nom mérite de rester à la postérité car c’est lui qui est à l’origine de l’expression « faire un four« . En effet, après avoir connu de nombreux succès, peut-être un peu lassé d’écrire, le pittoresque Théaulon inventa un procédé nouveau pour élever des poulets ! Il loua un hangar (faubourg Saint-Honoré, s’il vous plaît !), construisit un four d’incubation, y enfourna des centaines d’oeufs de poule et le chauffa doucement en permanence pendant vingt et un jours. Malheureusement, lorsqu’au jour dit, il ouvrit sa couveuse, il ne récolta que des oeufs durs… L’affaire fit le tour de tous les théâtres de Paris : – Vous connaissez la nouvelle oeuvre de Théaulon ? C’est un four ! Et l’expression resta vivante pour désigner un échec.» Le site des Variétés ne nous fait grâce – et rendons – lui en grâces ! ? d’aucun des innombrables spectacles qui firent les beaux et les mauvais soirs du théâtre. Ainsi La Belle Hélène : « Aussitôt Paris s’enflamme. Napoléon III fait jouer la pièce aux Tuileries et l’ex-roi Jérôme en fait autant. Les deux personnages Patachon et Girafier deviennent si populaires qu’ils sont parodiés dans la rue. Ce fut un immense succès. La critique se déchaîna pour et contre. « Merveilleuse Hortense !« , « Misérable Offenbach !« , nul ne reste indifférent. Les uns s’indignent, accusant Meilhac et Halévy de ridiculiser Homère, les autres rient et chantent aux accents de la marche des Rois. Qu’importe, le « divin trio » triomphe et Offenbach peut s’écrier : « En la Trinité que je forme avec Meilhac et Halévy, je suis sans doute le Père, mais chacun des deux est mon Fils et plein d’Esprit! » « La Belle Hélène est une pièce importante à plus d’un titre. D’abord c’est une véritable opérette, c’est-à-dire une oeuvre musicale, bâtie comme un opéra, mais sur un ton léger, joyeux, allègre, et non pas une comédie seulement mêlée de couplets, comme des illustrations « hors-texte » dans un livre. D’autre part, pour la première fois avec La Belle Hélène, on inaugure sur la scène des Variétés un spectacle qui demeurera plusieurs mois sans quitter l’affiche, alors qu’auparavant, chaque quinzaine voyait surgir un nouveau titre. En mai 1865, Paris souffre d’une terrible canicule restée célèbre, qui porte un coup mortel aux théâtres désertés, sauf à La Belle Hélène qui se moque non seulement des dieux mais des rigueurs des climats. « Il fallut se rendre enfin, écrivit Francisque Sarcey, mais ce furent les acteurs qui tombèrent les premiers de fatigue. » (?) « en janvier 1867, on annonçait déjà un « nouvel Offenbach » qui allait faire courir, non plus Paris et la Province, non plus les souverains voisins, mais le monde entier et qui devait éclipser tous les autres spectacles de l’époque, bien qu’il ne s’agisse que d’une simple bouffonnerie bien troussée : La Grande Duchesse de Gerolstein. (?) Le 24 avril Napoléon III assiste à la représentation. Il y reviendra quelques jours plus tard en compagnie de l’Impératrice. Début mai on vit M. Thiers dans une baignoire. Le 15 le Prince de Galles, fils de la Reine Victoria, occupait le fauteuil n° 18 de la loge gauche du balcon. Le 1er juin, c’est le Tsar de toutes les Russies et le Grand Duc Wladimir. « Les jambes de Mlle Schneider paraissent avoir produit beaucoup d’effet sur le prince Wladimir…  » note Prosper Mérimée le 6 juin. Plus tard on put voir Bismarck dans une avant-scène, avec de Moltke et Mac-Mahon. Et encore Ismail Pacha, vice-roi d’Egypte, qui vint presque chaque soir durant son séjour parisien, tant il était épris de la belle Hortense. Puis vint le vieux roi de Bavière, le roi du Portugal, celui de Suède et l’Empereur François-Joseph… » « C’est Mme Sarah Bernhardt qui, en 1889, prend possession du Théâtre des Variétés qu’elle a loué pour quelques mois à Eugène Bertrand, le temps de l’Exposition. Elle a quarante-cinq ans, elle est au sommet de sa gloire et joue avec le plus grand succès La Dame aux Camélias» (?) « Alors la troupe des Variétés était incomparable : Jeanne Granier, Éve Lavallière, Diéterle, Mistinguett, Mme Simon-Girard, Mme Tariol-Baugé, MM. Albert Brasseur, Prince, Guy, Numès, Max Dearly. C’était vraiment « la Belle Epoque« , non seulement pour le Théâtre des Variétés, qui devait en connaître bien d’autres, mais pour l’ensemble du théâtre parisien qui restait le grand leader des modes, du goût et de l’esprit.» Éve Lavallière devait faire parler d’elle pour des raisons extra-théâtrales. Paul Claudel écrivit Trois figures saintes pour le temps actuel, qui étaient Thérèse de Lisieux, Charles de Foucault et, à côté de ces « grosses pointures », Éve Lavallière. « Dans Le Sire de Vergy, de Claude Terrasse, il ne faut pas oublier Éve Lavallière (Mitzy) qui triomphait chaque soir en exécutant la danse du ventre et le pas du dromadaire.» Eh bien, cette comédienne déchaînée on la retrouve sur ce site : « Mgr Lemaître rencontra Éve Lavallière à Lourdes, en 1919. Cette entrevue fortuite poussa Éve Lavallière vers le Primat d’Afrique; nous la voyons entreprendre, en effet, un voyage de dix-huit heures, de Guéthary à Marseille, debout, en troisième classe, pour suivre une retraite prêchée dans cette dernière ville par l’Archevêque de Carthage. Mgr Lemaître dissuada Éve Lavallière d’entrer dans un couvent; son intention était de la placer à la tête d’infirmières laïques, ayant une profonde formation religieuse, et destinée à soigner les femmes musulmanes non seulement de la ville mais aussi du bled. A cet effet Éve Lavallière est admise dans le tiers-ordre de St François: elle peut ainsi revêtir la robe de bure, mais continuer sa vie laïque. Éve Lavallière durant son séjour en Tunisie se serait rendue au Kef, à Zaghouan. Ce furent ses seuls déplacements, car sa santé chétive I’empêcha de se livrer à une vie active; il lui fut impossible d’affronter le sud, le désert, comme elle l’espérait et comme l’aurait désiré Mgr Lemaître: la lancer sur les traces du Père de Foucauld. Elle fut obligée, la plupart du temps de garder le lit; son état maladif la contraignit de quitter la Tunisie, où elle laissa à ceux qui l’approchèrent, le souvenir d’une pécheresse (sic) repentante, d’une réelle sincérité, dont la figure émaciée était illuminée par des yeux très grands, très beaux, au regard profond et fascinateur.» Lorsque Marcel Pagnol envoya Topaze, cette pièce toujours d’actualité puisqu’elle a pour sujet la prévarication, à plusieurs théâtres parisiens, tous, affirme la légende, l’acceptèrent mais André Antoine, fondateur du Théâtre Libre, dit au jeune auteur « Apportez-la aux Variétés» et Topaze y fut un énorme succès. Il est impossible de citer tous les spectacles qui se succédèrent depuis à l’affiche des Variétés mais je me souviens encore, parmi les innombrables succès, de Faisons un rêve, le chef-d’oeuvre de Sacha Guitry, avec la (toujours) ravissante Danielle Darrieux, Louis de Funès et Robert Lamoureux qui n’avait peut-être pas tout à fait le côté détaché du personnage. Je me souviens aussi de de Funès dans cette merveilleuse réalisation de Robert Dhéry, La Grosse Valse qui se joua du 15 octobre 1962 et au 12 janvier 1964. Les Variétés sont l’archétype du théâtre de boulevard. En fait l’équivalent de la Comédie-Française ou de l’Opéra, pour ce genre qu’on avait trop facilement appelé « théâtre de digestion » et qui sait survivre en dépit des facilités qui l’assaillent. Et surtout en ce qui nous concerne les Variétés donnent l’exemple de ce que peut apporter Internet à l’histoire du spectacle. Les citations que nous faisons ne sont qu’un faible extrait de ce que représente ce site, véritable encyclopédie vivante.