CITE DES SITES : L’esprit Vian aux filles via Internet

Un conte fort leste d’un certain Jean de La Fontaine s’intitule «Comment l’esprit vient aux filles». La décence, si je puis dire, m’interdit de le reproduire mais…

Vous êtes grand amateur de Jean de la Fontaine, bien sûr: alors, vous vous délecterez en ouvrant 17emesiecle.free.fr/Esprit_vient_aux_filles.html

Contentons-nous ici de poser la question : comment les prénoms viennent aux filles ? Réponse: il y a des modes. Dans les années 30, combien de filles s’appelaient Jeanine ! Maintenant ce sont les héroïnes de séries télévisées qui sont «à l’honneur», hélas ! Parfois un poète dote un de ses personnages d’un prénom exemplaire. Ainsi Paul Claudel a imaginé Violaine dans l’Annonce faire à Marie et, d’après prenoms.linternaute.com, 5.204 personnes ont été prénommées Violaine en France depuis 1940. Eh bien le nombre passe à 74.548 pour le prénom Chloé dont on nous précise, d’une part, qu’il ne peut être donné comme nom de baptème qu’accompagné d’un prénom « reconnu » et, d’autre part, que sa fête est le 1er novembre : les bons apôtres ! C’est la fête de… tous les saints, alors un de plus, un de moins? Si l’on regarde la courbe des Chloé, on voit qu’elle commence en 1968, l’année de toutes les contestations. Et pourtant ce prénom remonte au 3ème siècle . Il est dû à Longus, dont on ne sait pas grand chose sinon que, né à Lesbos, il est l’auteur d’une adorable pastorale, Daphnis et Chloé, que Paul-Louis Courier révéla au grand public et qui inspira un chef-d’oeuvre à Maurice Ravel. A relire sur: agora.qc.ca/biblio/longus.html Et extasiez- vous comme moi sur cette merveilleuse description de l’amour : «De fois à autre elle tomboit en une sorte de rêverie, et toute seulette discouroit ainsi:  » A cette heure je suis malade, et ne sais quel est mon mal. Je souffre, et n’ai point de blessure. Je m’afflige, et si n’ai perdu pas une de mes brebis. Je brûle, assise sous une ombre si épaisse. Combien de fois les ronces m’ont égratignée! et je ne pleurois pas. Combien d’abeilles m’ont piquée de leur aiguillon! et j’en étois bientôt guérie. Il faut donc dire que ce qui m’atteint au coeur cette fois est plus poignant que tout cela. De vrai Daphnis est beau, mais il ne l’est pas seul. Ses joues sont vermeilles, aussi sont les fleurs; il chante, aussi font les oiseaux; pourtant quand j’ai vu les fleurs ou entendu les oiseaux, je n’y pense plus après. Ah! que ne suis-je sa flûte, pour toucher ses lèvres! Que ne suis-je son petit chevreau, pour qu’il me prenne dans ses bras! O méchante fontaine qui l’as rendu si beau, ne peux-tu m’embellir aussi? (..) Ainsi disoit et soupiroit la dolente jouvencelle, cherchant en soi- même que c’étoit d’amour, dont elle sentoit les feux, et si n’en pouvoit trouver le nom.» Une enfant prénommée Chloé a failli naître chez moi, précisément le 1er janvier 1968. Je viens de la retrouver, légère et court vêtue mais pas Perrette pour un sou. Elle m’a rappelé ce que ses parents m’avaient dit à sa naissance: son prénom a été emprunté à Boris Vian. Chloé est son héroïne dans l’Écume des Jours. Le livre est paru en 1947, mais dans un certain silence. Il faudra attendre 1967 pour que l’édition de poche le rende populaire au bon sens du terme. Si vous n’avez pas lu ce roman, précipitez-vous sur www.alalettre.com/vian-ecume.htm ou vous trouverez un analyse qui vous incitera à le faire : « Le mariage de Colin et Chloé se « déroule avec faste, dans les effluves de l’hiver finissant. » « Mais au cours du voyage de noces, Chloé prend froid et tombe malade . Le professeur Mangemanche diagnostique la présence d’un nénuphar dans le poumon droit. Pour éviter que ce nénuphar ne lui ronge le poumon , il faut l’entourer d’une myriade de fleurs dont elle doit inhaler le parfum.» Vous y découvrirez aussi un grand écrivain nommé Jean-Sol Partre ! Un site est consacré à notre ouvrage : ecume.jours.online.fr/perso.html dans lequel il y a de tout et même un courrier où on trouve des messages signifiants : celui-ci, de Calais : «Comment des jeunes banlieus sans éducation peuvent juger un chef d’oeuvre pareil ? j’ai essayé de comprendre cette vie dans la cité mais je commence à perdre espoir…comment peut-on rester insensible à ce livre, au destin de Colin & Chloé ?» ou cet autre, signé François : « ouuaaiiii ce site m’aide bien pour mon exam de français excellent…. n’esxiste t’il pas le m^me pour madamee Bovary» Né en 1920, Boris Vian est mort en 1959 en laissant une oeuvre considérable. On aurait dû célébrer cette année le cinquantenaire de sa chanson la plus justement célèbre, Le Déserteur, qui exprime la désespérance des jeunes devant les guerres coloniales. Cette chanson très vite interdite sur les ondes parce que dérangeante a été plusieurs fois remaniée, par Mouloudji qui l’avait mise à son répertoire et par Boris Vian lui même. Il avait d’abord écrit : « Si vous me condamnez Prévenez vos gendarmes Que j’emporte des armes Et que je sais tirer.» puis, jugeant que l’agressivité n’était pas de mise, et suivant le conseil de Mouloudji, il corrige : «… Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que je n’aurai pas d’armes Et qu’ils pourront tirer.» Ce qui a fait entrer Le déserteur dans la légende? En vous branchant sur borisvian.free.fr, vous pouvez essayer d’entendre Boris Vian chanter Le déserteur, qui eut combien d’interprètes, de Serge Reggiani à Jacques Marchand. Boris Vian, mort donc à 39 ans, était un auteur prolifique. On se souvient aussi du dramaturge avec les Bâtisseurs d’Empire que le cher Jean Négroni avait monté au TNP-Récamier. Je ne sais pas si Boris Vian l’a su mais, tous les soirs, une charmante soubrette au nez retroussé était attendue à la sortie, fût-ce sous la pluie, par un longiligne Académicien de droite. www.rfimusique.com/siteFr/biographie/biographie_9012.asp publie une excellent biographie de Boris Vian, «Non seulement le jeune Boris maîtrise la langue française, la littérature et la manipulation des mots, mais il se passionne dès ses 16 ans pour la musique et en particulier le jazz, forme musicale encore peu écoutée en France. Il acquiert très vite une connaissance pointue du genre et devient membre du Hot Club de France. Il se met alors à la trompette à 17 ans. A la veille de la Guerre, Boris est un jeune homme qui partage son temps entre l’écriture, la musique et l’organisation de soirées mémorables dont il est un des piliers avec ses frères. Parfois jusqu’à 400 personnes se pressent dans la salle de bal construite au fond du jardin de la villa de Ville-d’Avray. Célèbre pour son sens de la fête et son goût du canular, il est maître es-réjouissances en tous genres. « En 1939, il évite la mobilisation en raison de sa santé défaillante et intègre l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures à Angoulême, où elle a déménagé pour cause de guerre. Il en ressort en 42 bardé du diplôme d’ingénieur, section métallurgie. « Vers 44, Vian publie ses premiers textes sous des pseudonymes tels Bison Ravi (anagramme de Boris Vian) ou Hugo Hochebuisson. Sous le nom de Bison Ravi, il écrit un poème qui évoque l’interdiction du jazz américain par les Allemands. A cette époque, il se lance aussi dans l’écriture de ses premières chansons comme « Au bon vieux temps », texte écrit sur une musique d’un de ses amis, Johnny Sabrou. Mais cette activité, qui prendra toute son ampleur dans les années 50, est encore marginale dans son travail. « En 45, il signe un contrat chez Gallimard pour son roman « Vercoquin et Plancton ». 1946 est l’année de parution de son plus célèbre roman, « L’Ecume des jours ». C’est à ce moment-là qu’il rencontre le couple Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, piliers du gotha littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Quelques mois après « L’Ecume des jours », Vian publie « J’irai cracher sur vos tombes », pastiche des romans noirs américains. Il le signe Vernon Sullivan et fait alors passer Vian pour le traducteur. L’ouvrage fait scandale par son contenu un tantinet iconoclaste. Mais c’est un best-seller dès 47. Idem avec « Les morts ont tous la même peau » en 47 et « Et on tuera tous les affreux » en 48. Scandale et réussite.» Boris Vian fait une carrière inimaginable . Il était tout et partout et jamais pour autant dispersé. Toute son oeuvre demeure et je souhaite très vivement que Gallimard songe à faire entrer Boris Vian dans son paradis de la Pléiade où il serait si bien aux côtés de son ami, de son frère Raymond Queneau.