CITE DES SITES: ‘Lire’ est Webophile

Avis de recherche? Mais bon sang, mais c’est bien sûr… Le Web donne la clé. Pourtant, quel décalage parfois!

Lit-on « Lire »? La question mérite d’être posée car qui a relevé le fait suivant? Dans la rubrique ‘Avis de recherche’ du magazine Lire (octobre 2003) figure cette perle inimaginable:

«Une résidente de la maison de retraite (…) se souvient de quelques vers d’un poème qui aurait pour titre Les beaux endormis«Et Ruth demandait, endormie à moitié sous ses voiles(?)». Un lecteur pourrait-il lui confirmer le titre de ce poème et le citer dans son entier?»

Comment une blague aussi saugrenue a-t-elle pu se glisser dans une telle revue bien présente et présentée. Le vieux Booz a dû s’en réveiller dans sa tombe! Celui qui a reçu cette lettre aurait pu simplement téléphoner à son expéditrice sans permettre de faire penser, en l’insérant, que les lecteurs de « Lire » étaient des analphabètes…

La réponse de Pierre Assouline

Bref, pourquoi ne pas utiliser Internet pour répondre à la plupart des questions d’Avis de recherche?… Questionné par e-mail, Pierre Assouline, directeur de « Lire », esprit fin qui nous a donné, entre autres, d’excellentes biographies de Georges Simenon ou de Gaston Gallimard, nous a répondu:

«Merci infiniment de cette suggestion frappée au coin du bon sens, cher lecteur. Nous allons l’étudier, étant entendu que « Lire » préfère servir de relais entre lecteurs plutôt que de se transformer en centre de recherche et de documentation, ce qui, en période de concours de journaux et d’examens, serait envahissant».

Quand il s’agit de vers très connus de Victor Hugo ou d’Alfred de Musset ou de choses moins sommaires mais très facilement trouvables dans Internet, le jeu en vaut la chandelle. D’autant que les questionneurs n’accusent pas forcément réception aux répondeurs de la solution de leur requête. J’aurais toutefois mauvaise grâce à ne pas évoquer la réponse d’une charmante jeune fille du midi qui, m’appelant tout de suite par mon prénom, me souhaita entre autres «une vie remplie de soleil, d’amitiés vraies, de joies diverses?». J’avais résolu son problème en quelques secondes grâce à Google.

« Lire »: un site Web copieux

Toutes les critiques de livres depuis 1995, portant sur quelque 8.000 ouvrages sont classées et disponibles. J’ai eu ainsi plaisir à me remémorer « La langue de Babel« , d’Umberto Eco :

«Tout commence avec la tour de Babel. Après le Déluge, nous dit la Bible, «toute la terre avait une seule langue et des mots identiques», mais l’orgueil conduisit les hommes à vouloir construire une Tour qui montât jusqu’au Ciel.(…)

Et comment ne pas se délecter de ces phrases de Jean Blain sur « Le dico des mots de la couleur« :

«Comment nommer cette couleur qui dépasse le bleu, recule les limites du violet, provoque la pourpre dans un domaine qui est plus mental qu’optique…», s’interroge Colette qui tente dans « Prisons et paradis » de décrire le plumage d’un paon. L’ouvrage de C. Guillemard répond à cette question et à d’autres. L’auteur a recensé quelque 2.000 mots définissant une couleur. Beaucoup sont nés sous la plume d’un écrivain. Ainsi, dans « Les filles du Calvaire« , Pierre Combescot évoquait de «grosses mouches d’un bleu zoulou». Aucun dictionnaire ne fait état de cette nuance de bleu, mais la onzième édition de l’Encyclopaedia Britannica atteste que la peau de certains Zoulous est soit sépia, soit d’un noir bleuté. Tout s’explique…»

Du temps de Bernard Pivot…

Lire qui, au moment de sa création par Bernard Pivot, était essentiellement composé d’extraits de livres venant de paraître, est devenu une véritable revue littéraire et qui ne néglige pas, bien au contraire, le Web. Nous avons ainsi en ligne un véritable catalogue commenté des différents sites se voulant littéraires.

On le sait, il y a encore plus de poètes du dimanche que de peintres du dimanche et ces «poètes» se faisaient naguère édités à compte d’auteur ; maintenant ils participent à un site ou en ouvrent un. C’est ainsi que Christel Balzacq (qui ne semble pas descendre d’Honoré) consacre un texte à Huguette Bertrand, poétesse pionnière du Web :

«Il y a sur le Net des lieux de rencontres, carrefours virtuels d’esprits. L’espace poétique de Huguette Bertrand est l’un de ces carrefours. Piquée par le virus de la poésie, elle publie un premier recueil en 1985 et s’implique, depuis, dans la vie poétique francophone. En 1995, elle se lance un autre défi : celui de l’Internet.(…)»

Je n’ai pas, malheureusement été très convaincu?

Heureusement sont cités aussi d’excellents sites sur Victor Hugo, Jean Cocteau que je ne connaissais pas. Et puis quelque chose de nouveau:

«? l’ambassade de France tient un « salon » de la poésie sur le Web et regroupe dans le « Florilège » des poèmes en ligne consultables par auteur, par période, par thème?. « Le coin des érudits » nous parle de théorie tandis que « Les vingt mille lieux sous les vers » nous dirige vers d’autres sites de poésie toutes catégories.»

J’étais ravi: Chateaubriand, Claudel, Saint-John Perse, Morand furent ambassadeurs? Mais, hélas!, en cliquant on tombe inexorablement sur «Impossible de trouver le serveur spécifié?»

En poursuivant ma quête, je suis tombé sur le site d’une Ambassade de France d’un lointain pays. Devinez: il proposait la vente en souscription d’un recueil de poèmes à compte d’auteur!…