CITE DES SITES : un site Suisse menacé de disparition

Histoire d’un site Suisse condamné, ou comment Madame de Sévigné nous invite à voyager dans la Confédération Helvétique

Internet est aussi vaste que le cosmos et infiniment plus déchiffrable. Je m’ingénie à utiliser une infime partie de ses possibilités. Ainsi j’ai plusieurs adresses, les domestiques certes d’abord mais aussi d’autres, que j’ai réussi à faire admettre : victor-hugo@?fr, la.fontaine@?fr, jean-baptiste-poquelin@?fr (on m’a refusé méchamment moliere@;fr !) J’ai aussi madamedesevigne@?fr et c’est là que ça se corse. Par la force des choses cette adresse n’est qu’en position destinataire. Madame de Sévigné, que la ville de Paris désigne comme écrivain sur la plaque de sa rue, alors qu’en réalité elle était au sens littéral femme de lettres, attire sur sa seule adresse des centaines de mails et voyez à quelle cadence : Limited Prom… Enjoy a Free Sony Vaio Laptop! 02/04/05 à 08h25 3.3 ko Complimentar… Claim your Complimentary Photo 02/04/05 à 08h10 8.3 ko The Miracle … Shape your body where you want… 02/04/05 à 07h48 5.1 ko Lorraine Lon… bewitch bakery 02/04/05 à 06h25 2.0 ko The Right On… We May Have Found Your Match 02/04/05 à 02h20 1.9 ko Marcella Printer Ink, Up-to-80 Percent … 02/04/05 à 02h06 1.3 ko Legal Music … Experience Unlimited Free Musi… 02/04/05 à 01h58 5.1 ko Ringtones Hook your cell phone up with a… 02/04/05 à 01h20 2.7 ko AirService Courier Travel-The World’s Bes… 02/04/05 à 01h16 4.1 ko Don Quintana Hi 02/04/05 à 00h59 1.3 ko And so on ! And so on ! And so on ! Dans la conjoncture on peut légitimement se perdre en conjectures : peut-on croire que les responsables de ces divers correspondants américains fassent un lien entre le nom de la plus célèbre épistolière de tous les temps et le fait qu’elle doive être préférée à tous pour être la bénéficiaire d’autant de messages ? J’ai écrit au serveur : «

Je suis Madame de Sévigné et je suis inondée de mails, que faire ?» « Changez de nom !», m’a-t-on répondu en substance. J’ai lu sur silicon.fr, le 13 avril 2004 : Selon nos confrères de SwissInfo, des experts, à Berne, ont imaginé qu’une telle taxe serait le seul moyen de lutter contre le «spam». « Il s’agirait d’une petite somme, indolore pour les utilisateurs normaux, mais efficace contre les envois en masse. » Il est question d’une taxe de l’ordre du centime. « Elle n’aurait guère d’impact sur les dépenses des particuliers ou des entreprises. Mais, multipliée par plusieurs millions dans le cas d’un envoi en masse, une telle taxe serait suffisamment élevée pour dissuader les spammeurs. » En somme, nos amis helvètes seraient donc prêts à traiter les courriels comme du bon vieux courrier postal traditionnel… Le point délicat serait précisément de gérer la relation entre l’expéditeur et le destinataire, et donc, de bloquer les mauvais payeurs ou les petits malins qui contourneraient ou détourneraient le système. Il reste que cette idée de taxer les e-mails n’est pas aussi incongrue qu’on peut le croire. D’autres que des experts bernois y ont songé. Dernier en date: le big boss de Microsoft en personne, Bill Gates, l’a préconisé il y a quelque temps. Mais tout le monde a oublié, semble-t-il…» Je ne connaissais pas SwissInfo à l’époque et je me suis donc aussitôt abonné. Moins d’un an après je reçois ce mail : «Cher M. Fournier, « Cette semaine, notre sélection hebdomadaire ressemble un peu, malheureusement, à un faire-part de décès. « La Société suisse de radio et télédiffusion a décidé de restructurer, voire de démanteler, swissinfo. Exit les langues autres que l’anglais. Quant au contenu dans les langues nationales, il sera réalisé à Genève, Zurich et Lugano. « A swissinfo, dans cette maison que nous avons construit, le choc est profond et douloureux. Et de son côté, le Conseil des Suisses de l’étranger s’insurge. Si vous souhaitez également manifester votre soutien, n’hésitez pas à nous écrire. » Que se passe-t-il donc en Suisse ? L’autre nuit, sur France 3, j’ai entendu un « lobbyiste» spécialisé dans les affaires d’otages : « Non, non, je ne m’installe pas en Suisse, mais à Malte !» La Suisse bouge, même si cela semble dérisoire. La Suisse finira bien par entrer dans l’Europe, les helvètes francophones le souhaitent depuis longtemps. «Le 23 juin 1974, il y a trente ans, le peuple jurassien choisissait de se séparer du canton de Berne, constituant ainsi le 23e canton suisse. Un plébiscite d’autodétermination qui concluait des décennies de lutte et de tensions, mais du même coup, faisait éclater l’unité jurassienne. Des décennies de psychodrame. « Pourquoi? Pour le simple remodelage de frontières intérieures à la Suisse. A l’heure de l’Europe des 25, la fameuse «Question jurassienne» peut paraître aujourd’hui anodine. Et pourtant, elle fut extrêmement symptomatique d’un certain mode de pensée helvétique. «Depuis 1848, plus rien n’avait changé en Suisse. Tout s’était figé. L’affaire jurassienne remettait donc en question beaucoup de choses », constate Alain Pichard, auteur du livre «La Question jurassienne». « Le Jura historique, ancien Évêché de Bâle, avait été offert au canton de Berne lors du Congrès de Vienne en 1815. Ainsi le peuple jurassien, francophone (à l’exception du district de Laufon) et catholique, passait aux mains d’un Etat germanophone et protestant. Aujourd’hui, le Canton du Jura est un Etat dont personne ne songerait à contester la validité. Mais ceux qui ont vécu les années 60 et 70 se souviennent de la violence de la polémique qui régnait alors. Dans certaines bouches, «Séparatiste!» avait alors valeur d’injure. Il faut dire qu’au-delà des causalités historique, linguistique, religieuse et économique, d’autres éléments sont venus se cristalliser sur le combat jurassien. Ainsi le rejet de l’armée (qui souhaitait imposer une place d’armes dans le Jura Nord), l’indépendantisme régional (à l’image du Québec, mais aussi de la Corse ou de la Bretagne) le goût de l’autogestion (mai 68 est passé par là). « Et celui de la provocation? Car si les actions menées par le FLJ (Front de libération jurassien), à la limite du terrorisme, n’ont jamais fait rire personne, l’activisme du mouvement «Bélier», constitué par les jeunes séparatistes, jouait la carte de l’irrévérence. Et cela jusqu’au point d’oser porter leur revendication hors des frontières nationales.» En fait, et c’est peut-être pour cela que la Suisse dans son ensemble ne se rapproche pas de l’Europe ; elle lui ressemble trop : https://www.lexilogos.com/suisse_langues.htm précise : «La Suisse a quatre langues nationales : l’allemand, le français, l’italien et le romanche et… trois langues officielles : l’allemand, le français et l’italien, le romanche a un statut de langue officielle dans les Grisons. En Suisse alémanique, on parle plutôt des dialectes alémaniques que la langue allemande proprement dite. Un Allemand qui voyage en Suisse ne comprendra pas (ou alors très difficilement) ces dialectes alémaniques ! En Suisse romande, on parle le français… avec l’accent suisse plutôt que les dialectes de la famille du francoprovençal. On peut ajouter une cinquième langue, le Swiss English, qui devient, dans les faits, la langue intercantonale de la Suisse.» Il faut compter aussi avec les patois. « A l’occasion de son 50ème anniversaire, relève la TSR, la Fédération valaisanne des Amis du Patois édite un livre, accompagné d’un CD audio. Ce livre met en lumière une vingtaine de patois du Valais romand. Il a été écrit collectivement, avec l’aide des sociétés de patois de la Fédération. Pour chaque patois, on trouve un historique, mais aussi un conte ou une légende, une anecdote de la région.» Cet autre canton est menacé d’éclatement, le Valais qui est francophone à 80 % et germanophone à 20 %. « Certains Valaisans caressent l’idée de scinder leur canton bilingue en deux demi-cantons pour résoudre les problèmes de la cohabitation culturelle. « Pour Thomas Fleiner, spécialiste du fédéralisme, la Suisse a tout à perdre en calquant les frontières cantonales sur les limites linguistiques. « Ce qui a permis à la Suisse de survivre, c’est le fait que les découpages cantonaux ou politiques ne recoupent pas les frontières linguistiques et donc que la multiculturalité concerne la Confédération comme les cantons. « Récemment, il est vrai, la minorité germanophone du Haut-Valais s’est plainte d’une certaine discrimination «ethnique», notamment au sein du parlement cantonal. « Il est vrai que la majorité francophone des deux tiers est parfois pesante pour les germanophones du Haut-Valais, reconnaît Michel Clavien, porte-parole du canton. Mais cela fait partie du jeu politique traditionnel de notre canton.» «Thomas Fleiner ne nie pas non plus qu’il y ait des malaises et des malentendus. «Mais il y en a aussi ailleurs, comme dans le canton (bilingue) de Fribourg, où la question est aussi très sensible.» « Le juriste fribourgeois estime que, plutôt que d’opter pour des solutions radicales, mieux vaut réfléchir et proposer éventuellement de nouveaux modèles de cohabitation. « Michel Clavien est également convaincu qu’il faut être très attentif: «Que ce soit au niveau fédéral ou cantonal, il est indispensable de soigner les minorités linguistiques.» Dans la vitrine d’une boutique du Valais j’ai lu un jour : « Achetez francophone, n’allez pas dans les cantons germanophones, c’est mieux ici !» Dans les swissinfo Newsletters Français que j’ai sauvegardées il y a des informations sympathiques qu’il faudrait presque toutes citer. Ainsi : «En Suisse, les deux tiers des heures de travaux domestiques, de prise en charge des enfants et de travail bénévole sont assumées par les femmes. Pour la première fois, l’Office fédéral de la statistique a quantifié le travail non rémunéré. Il parle de 8 milliards d’heures et de 250 milliards de francs par an.» (Et le franc suisse vaut plus de 4 francs français) Une idée à soumettre à M.Douste-Blazy : « Pour freiner la hausse des primes de l’assurance maladie, certains proposent de récompenser les assurés qui ont une bonne hygiène de vie. « L’idée peut séduire, mais elle est difficilement réalisable et elle mettrait fin au principe de solidarité sur lequel est basé le système suisse de santé.» J’ai gardé pour la bonne bouche le constat que beaucoup d’étudiants francophones maîtrisent très mal le français : « Le constat n’est pas simple à faire», a déclaré à swissinfo François Piccand, recteur du Collège (gymnase) du Sud à Bulle, dans le canton de Fribourg. « On remarque de grandes différences, explique-t-il. Il y a des gens avec des compétences en français vraiment excellentes et d’autres parfois vraiment faibles. Il n’est pas facile d’en trouver les raisons.» (?) « Je verrais notamment les questions liées à l’apprentissage de la langue,poursuit le recteur. J’ai le sentiment que l’on est en train de voir les effets de la méthode globale de lecture (?)» Enfin, last but not least, la diffusion des nouvelles technologies de communication peut aussi avoir un effet sur la langue. « La moins bonne maîtrise du français est peut-être aussi un effet de la génération SMS pour qui l’essentiel est de faire passer un message et non les règles d’orthographe», souligne le recteur.(?) « L’apprentissage des langues étrangères est important,relève François Piccand, Mais il vaudrait mieux ne pas avoir trop de langues trop tôt si l’on entend pouvoir se concentrer sur la langue maternelle. Il ne faut pas surcharger la barque.» Voilà qui est matière à réflexion…