CITE DES SITES : Vichy ne se souvient pas des années 40/44 (suite)

La suite de notre Cité des Sites : VICHY, Vichy ne se souvient pas, même sur Internet, des années 40/44 (sauf une mention discrète). Vichy II qui ne deviendra pas III comme Napoléon !

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Régime de Vichy, précise ce site, est un terme impropre car ses protagonistes n’étaient pas originaires de la ville. On lui préfère généralement le nom de Régime de l’État français. Ce fut le régime politique de la partie sud de la France et d’un certain nombre de colonies françaises de juin 1940 à août 1944.» Mais le site déraille quelque peu en énumérant « Quelques personnalités du Gouvernement de Vichy : * Philippe Pétain * Pierre Laval * François Darlan * Jean Giraudoux (ministre de l’information ; informa discrètement aussi la Résistance ; tué en 1944, peut-être par la Gestapo) * Fernand de Brinon * Joseph Darnand (secrétaire général au maintien de l’ordre)» En effet, Giraudoux n’avait aucune fonction à Vichy, n’avait jamais été ministre de l’Information. Il était souvent à Vichy parce que sa maman allait mourir à Cusset, la ville voisine. Son ancienne amitié avec Ribbentrop aurait pu être certes très utile au gouvernement, mais il ne participa à aucune opération et n’avait aucune fonction. En revanche, il y avait beaucoup d’écrivains à Vichy : l’immense Valery Larbaud, aphasique pour quelques années encore ; son cousin Maurice Constantin-Weyer, prix Goncourt pour Un homme se penche sur son passé et qui fut le premier à la Libération à publier un livre sur le passé, tout le passé de Vichy ; Fernand Gregh, futur académicien à l’endurance, et son épouse juive (j’ai un jour fait connaissance chez lui de son gendre, Maurice Druon); Frédéric Lefèvre, rédacteur en chef des Nouvelles Littéraires, qui s’était casé dans quelque bureau ; René Bruyez, homme de théâtre plein d’esprit qui, chargé de l’organisation du Noël du Maréchal, déclarait fin 1943 «Je ne le fais pas cette année car c’est lui qui, cette fois, est dans ses petits souliers» ; André Demaison, spécialiste de l’Afrique, qui dirigea la Radio ; Maurice Martin du Gard, alors correspondant de la Dépêche de Toulouse, qui écrivit une irremplaçable Chronique de Vichy. Les ministères étaient installés à la va-comme-je-te-pousse dans des hôtels qui gardèrent leur nom : les Colonies étaient à l’hôtel Britannique et, à l’Hôtel d’Angleterre, Pierre Schaeffer, Jean Thévenot, Daniel Lesur entre autres animaient Jeune France pour un avenir qui n’avaient rien de pétainiste. Cependant, à ce qu’on appelait Radio-Vichy, des jeunes s’animaient dans le même esprit : Jean Fontaine, Pierre Cour, Jacques Sallebert. On avait croisé Mireille, Emmanuel Berl, Claude Roy, René Barjavel. Et combien d’autres ! Jacques Laurent (Cecil Saint-Laurent) travaillait à l’Information. Il y avait Yvan Audouard et Armand Lanoux. Et aussi le poète Paul Chaulot, commissaire de police résistant. Quant à Christiane Rochefort, futur auteur du « Repos du Guerrier », elle parlait cinéma dans l’Opinion, un hebdomadaire interdit début 1944, dirigé en sous-main par un membre du cabinet du Maréchal, Paul Estèbe, futur député de la Gironde, l’Opinion où la charmante secrétaire était juive et où les collaborateurs (qui ne l’étaient pas du tout, collabos) étaient francs-maçons, proches de la Résistance, etc. Le secrétariat à la Propagande était logé à l’Hôtel de la Cloche (cela ne s’invente pas ! l’endroit s’appelle maintenant Hôtel de la Cloche d’Or ) et François Mitterrand venait parfois y saluer son vieil ami Jean Delage (il mourut à cent ans !) qui s’occupait du Bulletin des Chantiers de la jeunesse où parurent des articles du futur Président. On lit dans Jim : «?qui donc a bien pu écrire, alors qu’il résidait à Vichy en avril 1942 : « Vichy est une ville affreuse (pas désagréable, pas ennuyeuse : laide), rien qui arrête le regard, des hôtels mafflus ou sottement linéaires, des villas prétentieuses plantées là selon le goût douteux de grosses femmes. On devrait raser les villes d’eaux. Nos imbéciles de petits enfants les trouveront belles parce que anciennes », avant d’ajouter : « Vichy aujourd’hui me déroute. Cette cuvette où l’air incite à la torpeur, chargé qu’il est d’humidité mauvaise, où les hommes vivent éloignés des souffles de l’extase, je ne puis en faire ma demeure… » ? François Mitterrand, alors âgé de 25 ans, peu de temps avant d’être chargé des rapports avec la presse du commissariat des prisonniers.» Ces propos me déçoivent d’autant plus que Vichy lui fut très utile. En 1994, Mitterrand régnant, j’aurais aimé que la Ville de Vichy célébrât le cinquantenaire de sa libération, en sa présence et sous sa présidence. Cela ne s’est pas fait parce que Vichy tenait sans doute à passer sous silence ces quatre années noires. J’ai quand même trouvé dans Vichy-tourisme.com une mention discrète : « Visite guidée pédestre « Vichy capitale de l’État Français 40/44 » « Vichy est devenue Capitale. Le Grand Casino, le Petit Casino, le Pavillon Sévigné, l’Hôtel du Parc sont autant de lieux marqués par ce passage et qui nous invitent à redécouvrir cette période troublée de l’histoire de France. Une intense agitation règne alors à Vichy : du faste de la vie diplomatique jusqu’aux privations les plus pénibles, tout se mêle dans ce Vichy saturé. * Tarif groupe : 4,00 ? par personne avec un minimum de 78,00 ? par visite en semaine. * Tarif groupe : 5,00 ? par personne avec un minimum de 94,00 ? dimanches et jours fériés. * Départ : Office de Tourisme de Vichy – 19, Rue du Parc. * Durée de la visite : 1 H 30 environ. Sur réservation 15 jours à l’avance» Jim souhaite que Vichy ne fasse plus table rase de 40/44. « Combien de temps encore cette défroque collera-t-elle à cette capitale malgré elle, mais qui ne s’en accommoda pas si mal ?» L’histoire et l’opinion jugeront. Pour Jean-Pierre Azéma, « il faut assumer son passé, y faire face. Oui, ici, à un musée de la période 40-44 à Vichy et dans l’Allier. Le refuser, c’est avoir peur de son ombre. A Vichy, il y a l’eau minérale, le thermalisme, maintenant les produits cosmétiques. Et le régime« , sur lequel il ne reste guère d’ambiguïté, car tout a été écrit, « du moins sur l’essentiel« . Hitler, hélas ! a toujours des adeptes ; Franco est encore quelque peu vénéré en Espagne où il est mort dans son lit, Caudillo ; Mussolini est toujours admiré par beaucoup d’Italiens. Pour Pétain il n’y a aucune vénération particulière. Il est bien fini le temps où son portrait était dans toutes les boutiques de Vichy et qu’il plastronnait même, le portrait, au bordel municipal. La gloire de Verdun a été ternie par les exactions du gouvernement qu’il a couvert. Ce Musée ne serait donc pas le tabernacle de son souvenir mais le récit de tout ce qui s’est passé à Vichy de 40 à 44. Raymond Tournoux qui écrivit tant sur la 4ème et même la 5ème Républiques s’était aiguisé la plume avec les Jeudis du Maréchal qu’il signa Noël d’Ornans. Il y raconte tous les cadeaux qui étaient acheminés vers Vichy. De somptueux fauteuils marqués de la francisque furent utilisés par les magistrats de la cour de justice d’épuration qui siégea à l’hôtel du Parc à l’automne 44. Un film de Jean Marb?uf, Pétain, où le maréchal, était interprété par Jacques Dufilho et Laval par Jean Yanne, nous rappelle Jim, n’eut aucun succès. Il était ?je suis un de ses rares spectateurs ? pourtant très réussi. Son producteur, Jacques Kirsner raconte, dans Jim, une anecdote savoureuse : « Un couple de vieilles gens bien vêtues s’avança sur le plateau, bravant les interdictions du second assistant qui réclamait le silence, et s’approcha de Jacques Dufilho ; alors la voix d’une dame, tellement française, Auvergnate admirative, comblée par la rencontre, gazouilla : « Ah ! Monsieur le Maréchal, nous avons toujours été avec vous… »» Jim, sur la couverture de Vichy toujours, a mis un portrait du maréchal Pétain mais il s’agit d’une photo de Jacques Dufilho ! Et c’est peut-être bien là le symbole de ce qui devrait être conçu et réalisé à Vichy. Ce n’est pas Pétain qui doit être exposé à Vichy mais sa représentation. Cela sans rien négliger, ni le passif, ni l’actif, hélas ! très réduit. Il faut tout de même citer ce passage extrait de Marianne-en-ligne.fr : «L’autre face de Vichy « L’Etat français, soucieux de sa souveraineté d’opérette, traqua, outre les résistants, les espions nazis. Analyse d’un historien britannique*. « Vichy prônait le ?retour à la terre?. Ce fut l’occasion rêvée pour ses services de contre-espionnage de se reconstituer et de fonctionner, clandestinement, sous le nom de ?Travaux ruraux?. Ceux-ci étaient dirigés de main de maître par le colonel Paul Paillole pour lequel ? de l’efficacité des services de contre-espionnage dépend le libre exercice de notre souveraineté nationale?. « Maître de Conférences à l’université de Birmingham, Simon Kitson s’est intéressé à des archives inédites et brosse un tableau fort complet de l’activité des services de sécurité extérieure et intérieure de Vichy de 1940 à 1942. Il montre que ceux-ci ont arrêté près de 2 000 espions au service de l’Allemagne nazie et fait fusiller une quarantaine d’entre eux. Mieux, il souligne que Paillole toléra les activités des Alliés ?à condition que celles-ci soient discrètes et dirigées uniquement contre les Allemands et non contre Vichy?.(?) « Pour Vichy, contrecarrer les agissements des espions allemands, dont Kitson établit une typologie, était avant tout défendre son indépendance fictive, celle d’un pseudo grand-duché de Gérolstein. Au point que ?cette souveraineté administrative ou institutionnelle finit par devenir le saint Graal de Vichy?. « L’ouvrage de Simon Kitson n’est pas une réhabilitation de l’Etat français. Kitson ne nie pas la part active prise par Vichy dans la traque des résistants ou dans la mise en oeuvre de la ?solution finale de la question juive?. Il souligne aussi que cette répression de l’espionnage allemand n’était pas contradictoire avec la politique de collaboration souhaitée par certains membres de l’entourage de Pétain. Toutefois, il met en évidence l’existence, parallèlement à la France libre et à la Résistance intérieure, d’une vichysso-résistance dont on commence à mieux cerner les contours, l’ampleur et les ambiguïtés. Un excellent livre.» Qui veut entrevoir comment on vivait à Vichy sous l’Occupation doit lire deux livres : 1941, de Marc Lambron qui n’eut pas le prix Goncourt, dit-on, parce que son auteur avait peut-être trop emprunté aux écrits de mon vieux camarade Jean Débordes, et surtout Vichy capitale, de Michèle Cointet. C’est elle qui écrit : «la population vichyssoise connut pourtant elle aussi ses résistants et ses justes, à l’instar du père Victor Dillard, déporté à Dachau en 1943. » À noter que Michèle Cointet et Marc Lambron étaient loin d’être seulement nés en 40/44 !