CITE DES SITES: Yvan Audouard se retrouve dans le Net

Yvan Audouard est mort. À 90 ans! Nous avions été un peu camarades mais je ne l’avais pas revu depuis plus de quarante ans?

J’ai ouvert le site Internet du journal La Provence qui permet de reproduire en pdf la Une ? et seulement cela. Une magnifique photo d’Yvan fumant la pipe devant son mas de Fontvielle et le début d’un article de Silvie Ariès, «

Yvan Audouard notre légende », dont on ne saura jamais la fin pour incompatibilité avec Internet. (Quand donc les sites à péage comprendront-ils que leur formule nuit à leur pérennité ?) Le site du Nouvel Obs est plus généreux. Une page complète et même deux. «L’écrivain, né le 27 février 1914 à Saïgon, sera inhumé vendredi à Fontvieille (Bouches-du-Rhône) où il possédait une maison et où il a rédigé notamment de nombreux contes provençaux. Fils d’un militaire, Yvan Audouard a décrit notamment son enfance à Arles et à Nîmes dans « Le sabre de mon père ». « C’était la bonne humeur perpétuelle et la joie de vivre« , a déclaré André Rollin, critique littéraire au Canard Enchaîné, qui se souvient d' »un personnage extraordinaire, plein d’humour« , qui avait notamment écrit une biographie du journaliste Antoine Blondin ainsi que plusieurs scénarios de films. » avec en marge les sites qu’on peut appeler. Voilà du travail bien fait ? et qui restera, le Nouvel Obs n’effaçant rien. «Yvan Audouard, conteur de la Provence gouailleuse», tel est le titre que donne à son article du Figaro Olivier Delcroix : «Durant ses jeunes années, il est déjà considéré comme un joyeux drille qui milite en faveur du «Comité pour la commémoration du passage des Alpes par Hannibal» ou qui crée le «Parti légitimiste mérovingien». Cela ne l’empêche pas de devenir professeur d’anglais. Il enseigne à Bordeaux et à Arles, à la fin des années 30 et au début des années 40. Après une guerre, où il ressemble, dira-t-il plus tard, «à Fabrice à la bataille de Waterloo», c’est-à-dire sans bien se rendre compte de ce qui se passe, comme le héros de Stendhal, il entre en 1944 dans le journalisme. Il collabore à Franc-Tireur, Paris-Presse, Paris-Jour sans oublier l’ex-ORTF. « Au Canard, il tient pendant de nombreuses années, une chronique télé qu’il baptise, «La boîte à images». Il y est féroce mais jamais méchant : «La colère est bonne pour la circulation sanguine», disait-il, ajoutant : «Je ne suis impertinent qu’avec les forts, jamais avec les gens qui ne peuvent pas se défendre.» Dans son pamphlet paru en 1993, La connerie n’est plus ce qu’elle était, Audouard explique, à propos de la télévision, que «pour conserver le pouvoir, les intelligents sont prêts à tout, même à manipuler de l’illusion, en se servant des cons qui jusque-là se servaient tout seuls et en étaient bien aises» et d’estimer que «la télé grignote tout, même le génie». « Une rare tendresse aura irrigué ses nombreux contes provençaux. Comme il le disait souvent, sa faconde impertinente n’avait qu’un but : «Mettre un peu de féerie dans la grisaille quotidienne.» https://phortail.org/provence/downloads_prov.php?cat=Provence+Pagnol nous permet d’ouvrir un pdf, Marcel Pagnol, la parole et la pudeur, où Yvan Audouard fait le point sur le rapport de Pagnol avec « les autres » : «Marcel Pagnol n’a pas écrit en provençal… Il le parle moins bien que le latin et il s’est toujours tenu à l’écart du félibrige. Il est le fruit de l’éducation laïque et jacobine. Sa grand-mère ne parlait que provençal. Son père aurait considéré comme une trahison, à l’égard de l’enseignement qu’il avait reçu et transmis, ce retour au langage des paysans. Il n’avait aucun mépris pour eux et vivait en leur compagnie. Mais il estimait que le progrès de l’esprit et de la culture est inséparable de la langue d’oïl. Le tour de force de son fils a été d’exprimer la sensibilité provençale dans une langue qui n’est pas profondément la sienne mais une langue vivante. Il a fait du ?sur mesure? avec un costume de confection. ?Et si le français n’y suffit pas, disait Montaigne, que le gascon vienne à la rescousse !? Ainsi procède Pagnol qui a chargé son langage de toute la musique du provençal. D’où vient la réticence de l’élite marseillaise et de la bourgeoisie cultivée lorsqu’on prononce le nom de Pagnol ? Pourquoi disent-ils : ?Il nous a caricaturés? ? Ou pire : ?Il nous a déshonorés? ? Toutes les bourgeoisies du monde se ressemblent plus ou moins. Et elles font de leur mieux, d’ailleurs, pour ne pas se distinguer les unes des autres. Les grands bourgeois sont absents du Marius de Pagnol. Ils n’ont ni le même langage ni les mêmes sentiments ni le même accent. Les petites gens accoudés au zinc de César n’ont pas de manières, ils ont du coeur et le sens tragique de la vie. Comment s’étonner que les élites marseillaises voient en eux une caricature insupportable? Ils accusent l’auteur d’avoir fait ressembler tous les Marseillais aux histoires parisiennes de Marius et d’Olive et de les confondre en bloc avec Tartarin de Tarascon.»« Le climat de Marseille, dit aussi Audouard, est peu propice à l’éclosion du génie. Le jeune Marcel Pagnol et ses amis, aussi géniaux que lui-même, traînaient dans les rues de la ville, faisaient halte dans les bistrots où, aux alentours des années vingt, l’on jouait plus à la manille qu’au ?cadavre exquis?. Ils finissaient par échouer sur un banc de square, en proie à de grandes pensées et aux prises avec une incurable mélancolie. Les vitelloni de la plaine Saint-Michel… La plaine Saint-Michel est une place occupée par un marché aux légumes où ?des balayeurs nourris d’apéritifs poussent au ruisseau des verdures flétries et où des nourrices viennent mûrir au soleil?. Dans cette ville pudibonde comme toutes les villes de la Méditerranée, c’était le temps des matrones aux seins nus à l’heure de la tétée. » Audouard a beaucoup écrit sur Marcel Pagnol. Il ne pouvait pas ne pas avoir fait partie de la bande à Pagnol. Et finalement il lui ressemblait, comme à Alphonse Daudet plus qu’à Jean Giono. Il a écrit de nombreux contes provençaux et l’un d’entre eux a eu un fabuleux destin : la Pastorale des Santons de Provence qui fut, des décennies durant, un disque « best-seller », interprété, entre autres, par Michel Galabru, Jean-Louis Barrault , Henri Tisot , François Périer , Pierre Perret , Pierre Maguelon et la Maîtrise de la Sainte Chapelle. «Ah! les santons! Vous savez bien, ces personnages du pays d’Oc, façonnés par les artisans des collines ensoleillées et qui assistent, chaque année, à la naissance du doux Jésus. Yvan Audouard, le poète du coin, les a immortalisés dans son récit aux saveurs régionales, donnant à chaque personnage un rôle unique qui s’accorde si bien aux coutumes et gestes des habitants. Il y a là le meunier, le berger, la Mireille, la poissonnière et bien d’autres qui viennent saluer le divin enfant. Et pour croquer les rôles de tous les villageois bien intentionnés y compris l’âne et le boeuf et l’ange Boufaréou, des comédiens du meilleur cru qui interprètent pour nous cette pastorale comme si vous étiez dans l’étable de Bethléem.» lit-on dans un site promouvant ce disque qui semble ne plus être en vente. Ce qui est bien dommage. En revanche, le livre existe toujours et on lit sur le site des très chrétiennes éditions du Cerf la préface qu’a écrite Marcel Pagnol : «Les santons, ce sont de naïves statuettes d’argile, de très rustiques tanagras polychromes. Leur petite troupe, chaque année, à Noël, nous donne une représentation immobile et muette de la Nativité, dans l’humble décor de la crèche. C’est au début du XVIIIe siècle qu’ils décidèrent de monter sur la scène, pour y jouer la « Pastorale » marseillaise, et chanter des Noëls provençaux» Dans Le Monde, à côté d’un très bel article figure la nécrologie d’Yvan Audouard qui se termine par cette citation de la Pastorale : « Faites que j’ouvre les yeux le jour de ma mort, faites que je voie quand ça vaudra vraiment la peine de voir.»