Comment la DSI du groupe 3SI a réussi la mutation vers le numérique

La fin des catalogues papier traditionnels sonne le glas d’un monde révolu et entraîne une transformation radicale vers le numérique. Un projet de deux ans mené tambour battant par le groupe 3SI (ex 3Suisses) pour ses 19 enseignes.

Avec 20 millions de visiteurs uniques par mois sur ces sites Internet en Europe, le Groupe 3SI est un acteur majeur de l’e-commerce et de services au commerce électronique, avec 3500 e-commerçants clients. Ses 5 500 collaborateurs ont permis de générer un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros en 2013 via ses 19 enseignes actives dans 20 pays (3Suisses, 3 Pagen, Blancheporte, Becquet, Helline, Cemod-CZ, Unigro, Venca, Vitrine Magique, WITT international, Moda Vilona, Excedence, Modino…). C’est aujourd’hui une filiale à 100% du géant allemand Otto, n°2 mondial du e-commerce grand public.

Les 3suisses entrent de plain-pied dans un monde 100% numérique

« Si vous disposez encore d’un catalogue papier des trois Suisses, conservez-le! C’est déjà un collector,» lance amusée Pierre Gressier, directeur organisation et systèmes d’information (Dosi) pour le groupe 3SI (ex 3 Suisses International) en recevant le Trophée Oracle de la Transformation Numérique, en compagnie de son partenaire Easyteam. «Désormais, tous nos catalogues (les3Suisses, Vitrine Magique, la Blanche Porte, etc.) n’existent plus qu’en mode pur Web, en France et dans le monde entier.»

Une annonce qui illustre non seulement un changement d’époque, mais également une économie en pleine mutation non seulement du point de vue de l’entreprise, mais également pour les modes d’achat et de de consommation. Il semblerait que la cohabitation papier et Web ne soit plus à l’ordre du jour.

En reprenant ces activités B2C du 3SI en 2013, le groupe Otto décide l’arrêt des catalogues papier. En septembre 2014, 3SI présente son nouveau business model 100% digital, suite à un projet de deux ans.

Un millefeuille de plus en plus indigeste

Depuis 40 ans, tous les catalogues papier étaient gérés depuis un mainframe unique sous MVS via des applications développées en Cobol et en assembleur. Et cela tournait tant bien que mal. Côté infrastructure, tous ces silos et applicatifs verticaux communiquaient très peu, voire pas du tout.

Au fil du temps, une couche intermédiaire a été ajoutée pour relier ces informations à une application spécifique de CRM (gestion de la relation client), et pour intégrer une partie de la prise de commande. De même, avec l’arrivée d’Internet une autre couche a été ajoutée pour constituer une passerelle via les sites Web ou pour gérer les liens avec la téléphonie (avec du code développé en Java). Autant d’extensions à maintenir indépendamment, à faire évoluer, et à surveiller chacune dans leur environnement.

En 2013, l’entreprise a décidé de «repeindre tout son système d’information et ces processus métiers du sol au plafond,» se souvient Pierre Gressier. «Sur deux ans, ce projet a mobilisé 450 personnes. Ce qui représente 120 000 jours/homme pour cette période. Il concernait tout le système informatique commerce des enseignes du groupe.»

Le projet de numérisation consistait aussi à supprimer ce millefeuille middleware et applicatif, afin d’intégrer proprement aussi bien les applications que les diverses extensions. Quant aux forces en présence, elles ont à la hauteur des enjeux. La direction informatique du groupe emploie un peu plus de 100 personnes, et fait intervenir environ 200 informaticiens externes.

Harmonisé, centralisé et contrôlé… mais pas enfermé

L’équipe de projet a été constituée d’employés provenant des différentes enseignes pour assurer la maîtrise d’œuvre. Chaque programme de transformation fonctionnelle a été piloté en binôme IT/Métier. Le président du Groupe Denis Terrien a été officiellement le sponsor du projet.
« Désormais, nous disposons d’une base ERP, à laquelle directement connecté le module SAP Retail, la solution de gestion de la chaîne logistique (SCM pour Supply chain management) de Manhattan Associates, Endeca Oracle Web, le logiciel ERP open source Compiere, etc.,» résume enthousiaste le Dosi de 3SI.

« Tout cela peut s’intégrer très simplement grâce au cœur du système constitué de l’Oracle Service Bus (OSB), avec des middlewares de type Weblogic (plate-forme middleware), Coherence (grille de données In Memory). Et cette plate-forme SOA permet des interactions temps réels à partir de toutes les applications. Une nouveauté appréciable qui assure une réactivité sans précédent. En fait, OSB constitue le système sanguin de notre système d’information. Les outils autour de cette ESB génèrent des dizaines de milliers de messages par jour, qui sont tous organisés, suivis à la trace, et maîtrisés en temps réel. D’ailleurs, 60 % de la puissance machine est dédiée à cette supervision et autres trackings applicatifs.»

Auparavant, l’entreprise disposait de plusieurs bases de données de différents éditeurs. Désormais, tout est regroupé sous Oracle 11G, simplifiant et permettant d’optimiser à la fois la qualité des données (leur pertinence) et les performances. Autre avantage, aujourd’hui toutes les applications Java fonctionnent directement avec Oracle et tout le middleware.

Une infrastructure ouverte à coûts maîtrisés

L’entreprise a préféré maintenir en interne son infrastructure présentée comme “100 % virtualisée (à l’exception de quelques petites applications mainframe)”. Tout est donc hébergé dans un Cloud privé et avec un datacenter doublé, qui a été conçu pour ce projet (donc sans existant pénalisant) et destiné à proposer un maximum de flexibilité, en toute sécurité. C’est pourquoi tout se décline en mode « aaS » (As a Service).

Pierre Gressier souligne: «Nous avons choisi cette solution pour bénéficier d’un maximum de flexibilité, avec une utilisation exclusive de serveurs x86 standard, et des équipements simples à déployer, à partager, à remplacer.»

Après avoir évalué le projet dès 2010, 3SI a signé avec Oracle un contrat de licences illimitées, afin de pouvoir utiliser sans compter les bases de données et les différentes briques. «Non seulement nous avons bien fait, mais en plus nous ne nous privons pas d’utiliser pleinement cette possibilité,» se félicite le Dosi. «Sans cet accord, le coût du projet aurait été bien supérieur, nous aurions fortement dépassé les budgets alloués.»

Un bilan plus que positif

Totalement sécurisé, le nouveau système d’information (opérationnel depuis le décommissionnement du mainframe en septembre 2014) supporte des pics de 30 millions de messages par jour. Le taux d’annulation par défaut de stock a été divisé par 25) les partenariats achats totalisent 20 fois plus de produits partenaires, et il a été possible de virtualiser le lieu de stockage grâce à l’ouverture à des partenaires logistiques …

L’infrastructure SOA et sa flexibilité faciliteront les projets liés à la mobilité et à la Business Intelligence, désormais incluses dans le socle du système. Autant de possibilités pour améliorer le pilotage métier, mais aussi la relation client.

Le Dosi tient à mentionner que «l’urbanisation a joué un rôle majeur dans cette réussite de ce projet pour lequel une attention exclusive sur la mise en place fonctionnelle à se serait révélé insuffisante.» Puis, il conclut: «Même en l’anticipant, la gestion du changement est toujours sous-estimée, et le facteur humain reste un challenge essentiel. Métiers, fonctions, outils, process, organisation … l’ampleur des changements a été considérable.» Devenu Dosi au cours du projet, le DSI joue désormais un rôle stratégique actif en proposant proactivement des améliorations aux différents métiers de 3SI.

N’est-ce pas là l’espoir de toute DSI ? Pardon : de tout service informatique ?

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