Completel bientôt dans l’escarcelle d’Altice (Numericable)

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L’opérateur pour entreprises a enfin trouvé un repreneur à la hauteur de ses
ambitions. Jérôme de Vitry, patron de Completel répond à nos questions

La vente de Completel fait partie des serpents de mer du secteur des télécoms depuis plusieurs années. Mais jusqu’à présent, l’opérateur spécialisé dans les entreprises avait toujours rejeté cette éventualité, estimant que les offres étaient inférieures à sa valeur réelle. Bouygues Telecom avait longtemps été perçu comme un acheteur potentiel.

Pourtant, en juillet dernier, le groupe dirigé par Jérôme de Vitry mandate une banque d’affaires (Morgan Stanley) pour étudier la question suite à la réception d’une offre.

Et les choses n’auront pas traîné puisque Altice, le fond d’investissement qui contrôle notamment 30% de Numericable, annonce aujourd’hui le lancement d’une offre sur Completel.

Altice B2B France explique dans un communiqué qu’elle a conclu ce mercredi des contrats d’acquisition portant sur environ 21% du capital de l’opérateur à des prix de 35 et 35,50 euros par action.

L’acquisition d’une participation supplémentaire de 34%, « sous conditions suspensives exclusivement en sa faveur », sera réalisée le 17 septembre au plus tard au prix de 35,50 euros par action et permettra à Alice B2B France de prendre le contrôle de Completel Europe. Rappelons qu’après l’éclatement de la bulle internet, l’action Completel s’échangeait autour des 5 euros…

Même si l’affaire n’est pas encore bouclée (lire notre encadré), elle est sur la bonne voie. Cette opération valorise Completel à 660 millions d’euros.

C’est une très bonne opération pour Altice et donc pour Numericable. D’ailleurs, les synergies existent déjà : Completel a signé en juin avec Bouygues Telecom un accord de coopération sur le marché du fixe et du mobile à destination des entreprises alors que Numericable va devenir MVNO de Bouygues Telecom. Et les réseaux sont complémentaires.

Surtout, le câblo-opérateur fait son entrée dans le marché pour entreprises et également dans le marché des ventes de services en gros.

Car Completel est une affaire qui marche. Le groupe a d’abord et surtout profité de l’extension de son réseau pour adresser son coeur de cible : les entreprises. Au départ uniquement en fibre (10.000 kilomètres), le groupe a déployé un réseau DSL en 2005-2006. 130 millions d’euros ont été investis en 2006, dont 60 millions pour les NRA. 7.300 sites DSL sont opérationnels à fin 2006 contre 3.741 à fin 2005.

Du coup, Completel couvre désormais 110 agglomérations en France et revendique la place de 3e réseau dégroupé du pays. Cette extension géographique du réseau avec le DSL permet désormais au groupe d’adresser beaucoup plus d’entreprises et d’établissements de service public comme les mairies ou les collectivités. D’autant plus que le groupe a racheté à bon prix les liaisons en fibre entre les villes. L’opérateur affiche 13 millions de lignes couvertes, juste derrière Free et Neuf Cegetel.

Completel peut donc proposer des offres dual comportant un volet en fibre optique et un volet DSL.

L’extension du réseau a donc permis au groupe de prospecter plus de clients. Ce qui se traduit par une augmentation du chiffre d’affaires de 23% à 233,3 millions d’euros pour 2006.

Le marché Entreprises représente le coeur de l’activité (+19% à 178,8 millions d’euros). Mais c’est l’activité de revente aux opérateurs et aux FAI qui bondit : +41% à 54,5 millions d’euros. Completel profite notamment de son contrat de fourniture de réseau à Darty pour son offre Dartybox lancée en octobre dernier.

Pour autant, ces bons résultats sont compensés par une perte de rentabilité due aux investissements réseaux et aux coûts de maintenance. La marge brute progresse de 13% à 89,6 millions d’euros. L’Ebitda recule à 20,5 millions d’euros contre 26,5 millions un an plus tôt. Globalement, Completel affiche en 2006 une perte nette de 37,7 millions d’euros contre -12,6 millions un an plus tôt.

Mais le groupe estime que les plus grandes difficultés appartiennent désormais au passé. Le réseau déployé, les investissements vont quasiment être divisés par 3 en 2007 : 50 millions d’euros contre 130 millions en 2006. Mais pourraient repartir à la hausse grâce à ce rachat (lire notre encadré). Par ailleurs, l’opérateur vise un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros et une amélioration de la rentabilité générée par la croissance des revenus et l’optimisation réseau. L’opérateur estime donc renouer avec un résultat net positif en 2008.

Côté prospective, Completel entend développer son activité de revente aux FAI résidentiels comme avec Darty. « Nous avons des discussions avec des acteurs qui souhaitent lancer une offre ADSL », explique Jérôme de Vitry sans entrer dans les détails. Et l’opérateur ne s’interdit pas de revendre ses capacités de fibre optique pour une offre grand public. « Ce n’est pas notre stratégie de faire du résidentiel mais nous avons un réseau dense en fibre qui pourrait en effet intéresser des acteurs du marché », précise le président. Numericable notamment ?

Jérôme de Vitry, p-dg de Completel : « une étape importante, une opération positive »Finalement vous cédez aux sirènes de la vente après avoir refusé moult offres ? Je tiens à préciser que l’offre n’a pas été formellement acceptée par Completel. Le directoire se prononcera lors du lancement de l’OPA publique, vers la mi-septembre. Le prix (35,5O euros l’action, soit une valorisation de 660 millions d’euros) doit être validé, nous avons mandaté un expert.Les choses semblent néanmoins bien engagées… Oui, le contexte est amical et nous ne sommes pas opposés à cette opération. Le prix proposé nous semble bien refléter la valeur de la société, son bilan et ses perspectives. C’est un point très important pour nous. Et puis il y a le projet industriel avancé par Altice.Justement, quelles sont les ambitions d’Altice ? Altice a l’ambition depuis plusieurs mois d’adresser le marché des entreprises. Ils ont racheté Tic, un petit Completel suisse. Mais surtout, cette opération permet des synergies dans les réseaux. Notre réseau ADSL viendra renforcer leurs offres grand public et étendra leur couverture, notamment avec Numericable. A l’inverse, leur réseau important en fibre optique viendra compléter le notre.Dans la fibre, il n’y aura pas de redondance des réseaux ? Non. Les réseaux sont parfaitement complémentaires, nous sommes là où ils ne sont pas et inversement. Cette complémentarité a d’ailleurs pesé dans la balance.Completel souhaite développer son activité de revente ADSL au FAI résidentiels, comme avec Darty. Pourrez-vous continuer ? Et pourrez-vous revendre également de la capacité fibre aux concurrents de Numericable (Free et Neuf Cegetel)? Altice est favorable à notre activité de revente ADSL. Nous allons la développer et travailler avec de nouveaux clients. Concernant la fibre, la question est très sensible, c’est à Altice de répondre…Après Darty, on évoque Bouygues Telecom qui souhaite se lancer dans l’ADSL ? Joker !Votre business plan va-t-il être remis en cause ? Après avoir fortement investi dans notre réseau en 2005-2006, nous avions prévu de réduire nos dépenses. Mais Altice a prévu un plan d’investissement important, dont je ne peux pas encore révéler le montant, dans Completel. Nous allons donc certainement poursuivre nos dépenses dans les réseaux pour aller plus loin.Et en terme de structure ? Nous conservons une structure autonome. C’est un fonds qui nous rachète, pas un opérateur. Les effectifs ne seront pas touchés, l’équipe dirigeante, moi y compris, restera en place.