P. Roehrig, Cognizant : « les entreprises sont entourées de halos de données »

Co-auteur du livre Code Halos, Paul Roehrig dirige le Center for the Future of Work de Cognizant à Washington, après plusieurs années passées comme Principal Analyst chez Forrester Research. Dans cet ouvrage, il illustre comment les entreprises de premier plan devancent leurs concurrents grâce à une meilleure compréhension de leurs clients, produits, employés et partenaires. Pour y parvenir, elles exploitent pleinement de grandes masses de données « entourant » ces « sujets » comme un cercle lumineux, un halo.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de Code Halo ?

Paul Roehrig : Certaines entreprises enregistrent une plus forte croissance que les autres dans tous les secteurs économiques. Durant notre enquête et nos interviews, nous avons déterminé que ces succès reposent en grande partie sur l’efficacité avec laquelle l’entreprise sait utiliser des informations à propos de ses employés de chacun de ses clients, de ses produits… et à tout endroit, depuis tout périphérique informatique. Nous avons baptisé « Code Halos » ces nuées de données encerclant ces diverses entités. En résumé, les entreprises sachant collecter et traiter efficacement ces halos de données bénéficient d’un avantage concurrentiel évident.

Vous parlez essentiellement des entreprises de l’économie numérique…

On pense évidemment à des entreprises comme Google ou Apple. Toutefois, on peut également citer Amazon sur le livre, Netflix qui a évolué de la location de DVD au streaming, ou encore UPS dans la logistique, entre autres. Dans toutes ces entreprises, les halos de données sont collectés et analysés afin de créer de la valeur, des offres ou des produits. Autre point commun, l’information et les données sont diffusées et partagées.

Autre cas intéressant, l’assureur américain All States insère des éléments télématiques dans les voitures. En relevant et en suivant plusieurs informations sur le conducteur, son comportement, etc., l’assureur propose de récompenser les bons conducteurs en diminuant le prix de leur police d’assurance. Plusieurs chaînes d’hôtels s’intéressent aussi aux halos de données afin d’améliorer les services proposés en fonction de l’expérience et du ressenti des clients.

Ces halos sont-ils un autre nom pour le Big Data et l’exploitation des données non structurées ?

Les halos incluent des technologies de type Big Data, mais également des algorithmes spécifiques. En effet, il s’agit également d’extraire de la valeur en réduisant le bruit. C’est même l’un des points cruciaux pour obtenir des résultats concrets. C’est pourquoi nous avons titré l’un de nos ouvrages « The Value of Signal (and the Cost of Noise) » (la valeur du signal et le coût du bruit, NDLR).

Par ailleurs, les données non structurées et structurées doivent absolument être corrélées pour une pertinence optimale. Cependant, il convient d’adapter les processus et les comportements. En effet, si les halos de données peuvent répondre efficacement, encore faut-il que les employés puissent et sachent poser les questions sur ces informations.

Mais les entreprises travaillent déjà avec un existant, pas forcément adapté, ou adaptable…

Évidemment, l’entreprise doit aussi se poser des questions en termes d’évolution de son infrastructure informatique, de ses processus métier et de ses compétences. Deux types de nouvelles compétences s’imposent et deviennent indissociables : les « data scientists » et le « behavior scientists » [NDLR : spécialiste des comportements].

Dans tous les cas, l’objectif consiste à donner du sens. Nous distinguons trois types d’entreprises.

– Les “Meaning Makers” (faiseurs de sens) anticipent l’explosion de chiffre d’affaires grâce à l’analyse de données qui permet aussi de réduire les coûts. Ces sociétés ont su combiner le savoir-faire de « data scientists », intégrer l’analytique dans tous les processus, démocratiser la possibilité de poser des questions à ces halos de données, etc. Il ne s’agit pas uniquement de technologies, mais aussi, et surtout, de valeur ajoutée pour les métiers.

– Second groupe, les “Data Explorers” attendent une croissance significative, et mettent en place plusieurs éléments en ce sens, mais ne généralisent pas les fonctions analytiques, et n’impliquent pas toute la chaîne des processus. Ils passent donc à côté du potentiel existant, beaucoup plus conséquent.

– Enfin, les “Data Collectors” passent à côté de cette évolution majeure, avec une faible capacité à analyser les données et à mettre en exergue des informations à forte valeur ajoutée. Ce manque d’anticipation et d’adaptation se paie généralement très vite, et de grandes enseignes disparaissent chaque jour.

Peut-on concevoir des modèles types associés à des technologies de type Big Data, afin de simplifier cette tâche d’analyse des halos ?

On constate déjà des initiatives en ce sens avec des acteurs comme IBM et sa technologie Watson ou Google autour de son moteur. De plus en plus de spécialistes essaient de simplifier le questionnement via du langage naturel et multilingue (aussi bien pour la question que pour la réponse). Cependant, tout cela est encore jeune.

Ces “Code Halos” sont-ils réservés aux grandes entreprises ?

Il s’agit de comprendre le consommateur ou le citoyen à tout moment de son implication ou de son engagement dans le processus. C’est pourquoi l’approche Code Halos concerne toutes les organisations publiques ou privées qui souhaitent mieux servir leurs clients ou leurs administrés, quelle que soit leur taille. Ainsi, de plus en plus de PME introduisent des outils d’analyse de l’information dans leurs processus à divers moments du cycle de vente, par exemple. L’enjeu tient essentiellement dans l’adaptation des processus pour être en mesure d’adopter le Business Intelligence et les fonctions analytiques dans un nouveau modèle, dynamique et réactif.


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