Crypto-monnaies : Bercy reçoit le rapport Landau

Pas de régulation directe. L’effort doit porter sur les interfaces entre le monde des crypto-monnaies et le système monétaire et financier.

Le sous-gouverneur honoraire de la Banque de France Jean-Pierre Landau a remis mercredi 4 juillet son rapport sur les crypto-actifs à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances. Alban Genais, inspecteur des finances, a contribué au texte.

Le rapport dresse un panorama des potentialités et des risques liés aux crypto-monnaies. Il propose également des pistes d’évolution de la réglementation. Pour créer un environnement sécurisé, propice au développement de la blockchain (le protocole décentralisé de gestion des transactions) et des monnaies virtuelles.

Elles sont des « monnaies privées ». Et « se créent et circulent indépendamment de toute banque et sont détachées de tout compte bancaire », souligne le rapport. Il en existe aujourd’hui près de 1 600 (Bitcoin, Ether…) pour une capitalisation de marché estimée à 270 milliards de dollars. Mais, dans la zone euro, le Bitcoin représente « seulement » 0,2% du volume des transactions. Il n’empêche, les crypto-monnaies montent en puissance.

Bercy veut donc aussi protéger « les épargnants et les investisseurs » et empêcher l’utilisation des crypto-monnaies « à des fins illicites ».

Dans ce contexte, le rapport inclut un ensemble de recommandations.

Que retenir du rapport ?

Le rapport pointe d’abord des incertitudes :

– des monnaies virtuelles encore « peu acceptées et utilisées pour les paiements » ;
– un processus de validation des transactions « lourd, long et coûteux » ;
– une gouvernance des crypto-monnaies, héritée des systèmes open source, « peu adaptée aux exigences d’une monnaie stable sur le long terme.

Ensuite, il met en exergue des atouts :

Les crypto-monnaies son compétitives sur « certaines activités ». Par exemple, pour les paiements transfrontaliers, qui recourent à de multiples intermédiaires. « Elles introduisent une concurrence très bénéfique, qui pousse d’ores et déjà à la modernisation et à l’amélioration des services », selon les auteurs du rapport.

Par ailleurs, l’engouement que les crypto-monnaies suscitent « aide à l’avènement – et au financement – de technologies prometteuses ». Les monnaiers virtuelles auront donc un impact sur l’avenir des paiements, de la monnaie et de la finance à l’ère numérique.

Enfin, les émissions de jetons ICOs (Initial Coin Offerings) échangeables contre un service cumulent deux grandes innovations : « dans la procédure d’appel à l’épargne, en dehors de toute formalité règlementaire » ; et « dans les droits conférés très variés (propriété, usage, avantages divers) ». Mais elles n’offrent aujourd’hui « aucune garantie réelle aux souscripteurs ». Les ICOs sont donc « des produits risqués, mais fréquemment ‘cotés’ dès l’émission sur des plateformes d’échange »…

Vers une « Euro Bitlicense »

Malgré les interrogations, le rapport Landau « ne propose pas de réguler directement les crypto-monnaies ». Sauf en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Autrement, une telle option n’est « ni souhaitable, ni nécessaire », a souligné le rapporteur.

« Les risques sont aujourd’hui circonscrits. Les encours de crypto-monnaies, élevés dans l’absolu, restent très faibles au regard de la taille des systèmes financiers mondiaux : 1,5% seulement de la capitalisation de marché de l’indice S&P500 et 5,5% de la valeur total du marché de l’or. L’exposition des intermédiaires financiers au risque des crypto-monnaies est également minime et le risque de contagion inexistant », a ajouté Jean-Pierre Landau.

Selon lui, « l’effort règlementaire doit donc se concentrer sur les interfaces entre le monde des crypto-monnaies et le système monétaire et financier ». Ces interfaces sont :

– les plateformes d’échange pour lesquelles des principes de transparence, d’intégrité et de robustesse pourraient être définis au plan mondial. Pour la France et l’Europe, il est proposé « d’expérimenter un régime d’agrément unique (une Euro Bitlicense) dans lequel les gestionnaires s’engageraient à respecter les obligations existantes » ;
– Les banques, dont les activités pour compte propre en crypto-monnaies « devraient être
fermement dissuadées » ;
– les gestionnaires d’actifs, enfin, pour lesquels des orientations rapides et claires sont nécessaires.

Les enjeux sont d’abord internationaux, ont indiqué les auteurs du rapport. Et en France, les entrepreneurs engagés dans les crypto-monnaies attendent « une clarification et une stabilisation du cadre comptable et fiscal applicable ». Pour les crypto-monnaies elles-mêmes, « cette clarification peut être réalisée par alignement du régime comptable et fiscal sur celui des devises ». Pour les ICOs, « l’objectif est d’éviter une imposition prématurée en lissant dans le temps la constatation des produits ».

PACTE, PLF et G20

Bercy juge que ce rapport constitue une « base précieuse » pour les travaux du gouvernement. Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), par exemple, inclut déjà une disposition proposée dans le rapport : l’agrément volontaire pour l’émission de jetons (ICOs).

D’autres propositions pourront faire l’objet de mesures complémentaires, dans le cadre de la loi PACTE ou du projet de loi de finances, a precisé le ministère.

Le rapport sera également utile aux discussions qui s’engageront lors de la prochaine réunion du G20, les 21 et 22 juillet 2018 en Argentine, à Buenos Aires.

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