DADVSI : c’est reparti pour un tour

Ce mardi débute le second examen du très contesté projet de loi, relatif au droit d’auteur sur Internet. Après un vote surprise, le 22 décembre des députés légalisant pour un instant l’usage des plates-formes P2P, le ministre de la Culture a été contraint de revoir sa copie

Les enjeux soulevés par ce texte sont importants. Et ils auront des répercussions sur notre vie quotidienne. Rappelons qu’il oppose les défenseurs de la diffusion libre des oeuvres sur Internet contre une rémunération des fournisseurs d’accès (la licence gloable), aux professionnels de l’édition qui souhaitent interdire le P2P illégal et légaliser l’utilisation de verrous dits DRM (Digital Rigth Management) de façon à empêcher la copie des CD ou des DVD.

Ce texte est également destiné à mettre le droit français en harmonie avec la législation internationale et européenne, en transposant une directive de 2001 sur le droit d’auteur. Plus de prison mais des amendes Dans sa nouvelle mouture présentée le 22 février, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu De Vabres précise que les internautes qui téléchargent ne seront plus passibles de peines de prison. La première version du projet de loi prévoyait des sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 300.000 euros d’amende pour les internautes. Cette fois, les simples téléchargeurs pourraient se voir sanctionner d’une amende de 38 euros à 150 euros si le partage est manifeste. Un bon point, mais il ajouté le principe du « test en trois étapes », fixant trois nouvelles exceptions au droit d’auteur: -pour les copies temporaires purement techniques -pour les adaptations d’?uvres à l’usage des handicapés, -et en matière de dépôt légal (sauvegarde du patrimoine). Ce type de sanction graduée implique la surveillance du Net. Mais le texte ne dis pas comment cette surveillance sera effectuée. Mais ces mesures sont de façades, puisque la disposition la plus polémique du projet de loi est toujours présente. En effet, concernant la mise en place des DRM le texte prévoyait pour les hackers contournant ces protections, un délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et 300.000 euros d’amende. L’équation impossible: DRM+droit à la copie privée Or, ces DRM sur CD ont à plusieurs fois été considérées comme des vices cachés par la justice… Et elles mettent en péril le droit à la copie privée, un droit que les Majors voudraient bien voir disparaître. La situation se complique avec cet un arrêt rendu le 1er mars par la Cour de cassation qui reconnaît le droit des éditeurs de protéger les DVD contre toute forme de copie, y compris la copie privée. Par contre, les créateurs de logiciels permettant de contourner les DRM risquent la peine maximale pour contrefaçon. Une sanction particulièrement sévère si l’on place du coté du consommateur. Imaginons par exemple qu’un utilisateur de la PSP de Sony souhaite placer sur la mémoire flash de sa machine un morceau de musique édité par BMG mais protégé par DRM. Cela est impossible, il est donc contraint d’utiliser un logiciel par exemple le fameux CD EX, pour faire sauter cette protection et utiliser ces données une fois converties en MP3. De ce point de vue, le logiciel a effectivement permis de casser la protection mais aussi à l’utilisateur de réaliser une copie privée parfaitement légale. Il semble donc que condamner les développeurs de tels programmes simplement sur le principe de l’utilisation qui en est faite est un raccourci trop rapide et qui menace le principe du droit à la copie privée. Sur ce sujet, le ministre suggère que soit confiée à « un collège de médiateurs la détermination des modalités d’exercice du droit à la copie privée, selon le type d’?uvres et les supports de diffusion, une telle disposition évite de sacraliser dans la loi un chiffre qui pourrait être trop bas et trop large », a-t-il souligné. Bref, sur ce sujet crucial, le flou est total. Rappelons que les consommateurs payent pour avoir accès à la copie privée: une taxe sur les supports vierges permet de financer le système… Du côté des associations, l’on dit NON ! Certaines sociétés d’auteurs (Spedidam, Adami), certains artistes, aux côtés d’associations de consommateurs et d’internautes (UFC-Que Choisir, Audionautes…) jugent le texte « liberticide » et « donnant tout pouvoir à l’industrie ». Dans un communiqué, la ligue Odebi s’oppose « totalement à l’arnaque politico-législative que constitue l’instauration d’un collège des médiateurs chargé de déterminer le droit à la copie privée. » L’association dénonce « la mauvaise foi du ministre de l’Industrie culturelle, qui prétend garantir le droit à la copie privée, alors qu’au total, le fait objectif est que rien dans la loi actuelle n’autorise une quelconque limitation de la copie privée, et que le projet de loi DADvSI légalisera de telles limitations, justement en conférant au collège des médiateurs le droit d’autoriser ces limitations. » Pour éviter toute arnaque, la Ligue demande, à l’instar de François Bayrou (UDF), que la loi établisse explicitement le droit à la copie privée, et que l’instauration d’une juridiction administrative d’exception comme le collège des médiateurs soit purement et simplement rejetée. La Ligue s’oppose à toute limitation du nombre de copie : « d’où le ministre sort-il qu’une famille est composée de 5 personnes, et que donc le nombre de 5 copies autorisées suffit? s’interroge-t-elle. La licence globale grande oubliée du débat Même si le principal a été obtenu avec une répression anti-internaute mesurée, le débat s’annonce animé de mardi à jeudi dans l’hémicycle. Car les partisans de la licence globale n’ont pas désarmé. « La logique d’interdiction du téléchargement perdure », déplore Patrick Bloche (PS). Pire, la nouvelle version contente la majorité de l’UMP mais n’a pas rallié tout le groupe. Certains, comme Christine Boutin, défendent la licence globale prônée également par le groupe socialiste et n’ont pas l’intention de rentrer dans le rang. Rappelons que lors du premier débat, des députés de droite et de gauche ont adopté un amendement qui légalise le téléchargement en P2P contre le versement d’un forfait mensuel par les internautes.§ C’est la fameuse licence globale que certaines associations d’artistes et de consommateurs considèrent comme LA solution pour mettre fin au problème des droits d’auteur. Problème: ni le gouvernement, ni les Majors (évidemment), ni les FAI en veulent. On n’en trouve nulle trace dans le nouveau texte gouvernemental. D’ailleurs le gouvernement a annoncé ce lundi soir, le retrait pur et simple de l’article 1er de la loi qui inclut l’amendement. Jugée inapplicable par les uns, elle est pourtant simple à mettre en place pour d’autres. D’ailleurs, le Conseil économique et social (CES) qui s’était autosaisi du dossier, a publié la semaine dernière un rapport dans lequel il se déclare favorable à ce système. Ainsi, selon une étude du cabinet BigChampagne commandée par l’alliance Public-Artistes : « La licence globale optionnelle permet bien une rémunération de tous les artistes, producteurs et auteurs concernés fondée sur l’audience précise des oeuvres échangées, sans invasion de la sphère privée des internautes. » L’étude souligne que l’identification des oeuvres circulant sur les réseaux ainsi que les mesures d’audience de celles-ci peuvent être effectuées sans grandes difficultés techniques et sans collecte d’informations personnelles sur les utilisateurs. Cette étude dément formellement, selon l’association, deux idées fausses véhiculées lors du débat, selon lesquelles la licence globale optionnelle ne permettrait pas de répartir justement les droits de tous les artistes, et nécessiterait une surveillance généralisée des internautes. Si, comme le précise BigChampagne, il n’existe pas une seule méthode d’identification ou de mesure d’activité qui soit optimale dans toutes les circonstances, « l’Internet fournit une exactitude et une efficacité de mesure autrefois inaccessibles et actuellement sans égales. » L’Alliance public.artistes rappelle son souhait que tous les ayants droit concernés (artistes, auteurs et producteurs) bénéficient de la rémunération issue de la licence globale optionnelle, dont le montant est estimé entre 320 et 590 millions d’euros annuels. Elle viendrait s’ajouter – et non pas se substituer – aux sources de revenus existantes de chacun des ayants droit sur les ventes dans le commerce. Pour conclure, l’on se souvient de Serge Gainsbourg brûlant un billet de 500 francs en plein 20h se plaignant d’être taxé à 75%. Ce geste de visionnaire qui avait fait scandale à l’époque était peut-être bien le signe avant coureur de la crise actuelle. Car si le geste en lui-même était illégal, la réflexion sous-jacente qu’il soulevait, selon laquelle les artistes étaient trop taxés devrait-elle aussi être au c?ur des débats. Pour consulter notre dossier sur le projet de loi DADVSILes craintes du ‘libre’ Dans un communiqué commun, quelques acteurs de poids du logiciel libre (SUN, MySQL AB, Nuxeo, Idealx, Mozilla, Mandriva et l’Adullact) estiment que« les conséquences (du texte) sur le positionnement de la France dans le secteur global des systèmes d’information et de l’industrie du multimédia en particulier, n’ont pas été pleinement mesurées à l’aune de leur gravité ». Et de poursuivre: « L’ensemble des signataires de la lettre exprime sa crainte de voir exclure les logiciels libres pour cause d’usage illicite, alors qu’un grand nombre d’industriels et d’administrations a depuis longtemps fait le choix de les utiliser quotidiennement pour leurs qualités intrinsèques (ouverture du code source, robustesse, fiabilité, économie,?) ».