DADVSI: la Commision mixte paritaire parvient à la synthèse. Dans la douleur

Députés et sénateurs se sont mis d’accord sur un texte final qui sera définitivement adopté le 30 juin. Mais l’opposition a quitté la table des négociations. Le projet de loi confirme le principe d’interopérabilité. Mais sa mise en oeuvre ne sera pas automatique

C’est dans la douleur que la Commission mixte paritaire (CMP) s’est mis d’accord sur un compromis, issu des deux textes, forts différents adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les choses ont pourtant très mal commencé. Pendant la réunion, composée de parlementaires de la majorité et de l’opposition des deux chambres, les députés et sénateurs socialistes et Verts ont claqué la porte. Comme beaucoup, les élus de gauche ont protesté contre l’absence de seconde lecture de ce texte au Parlement, malgré les nombreuses divergences entre l’Assemblée et le Sénat. Les parlementaires de l’opposition accusent également les deux rapporteurs du projet de loi, le député UMP Christian Vanneste et le sénateur RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) Michel Thiollière, de « verrouiller » les débats de la CMP. « Nous avons découvert en entrant 55 amendements qui ont été apportés par les deux rapporteurs », a déploré Christian Paul, député PS. Pour autant, la CMP a poursuivi ses travaux, avec seulement des parlementaires de la majorité (sic) et a finalement adopté un compromis qui permettra au texte d’être définitivement adopté le 30 juin prochain par les deux Chambres. Dernier jour de la session parlementaire… Pour autant, ce compromis risque de faire grincer des dents. Sur la question la plus sensible, celle de l’interopérabilité (possibilité pour le consommateur ayant acquis les droits sur une oeuvre de pouvoir la lire sur le support numérique de son choix), les parlementaires ont confirmé son principe « effectif » en l’inscrivant noir sur blanc dans le texte (reprenant ainsi la mouture votée à l’Assemblée). Mais elle ne sera pas automatique: son principe (pourtant réclamé par les associations de consommateurs et de nombreux politiques) ne sera pas appliqué de fait. Le texte renvoie pour sa mise en oeuvre à une Autorité de régulation des mesures techniques, qui assurera « une mission générale de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d’identification des oeuvres et des objets protégés » par les droits d’auteur. La CMP confirme donc le choix du Sénat qui avait mis en place cette Autorité chargée de réguler l’interopérabilité, ses litiges, et de gérer le droit à la copie privée. Les députés avaient de leur côté imposé de fait l’interopérabilité. C’est donc cette Autorité qui décidera ce qui interopérable et ce qui ne l’est pas. C’est encore elle qui fixera, ou pas, le droit à la copie privé en établissant, ou pas, un nombre de copies minimum par support. Néanmoins, comme l’avait promis le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, cette « Autorité » aura plus de pouvoir que dans la version du Sénat: elle aura un pouvoir d’injonction et pourra infliger des sanctions pécuniaires. Elle aura un maximum de deux mois pour rendre ses décisions. Mais seules entreprises (éditeurs de logiciels, exploitants de service…) pourront la saisir et pas par les consommateurs ou associations de consommateurs. Bref, si l’interopérabilité est maintenue, son exercice et son application risquent d’être plus que problématique et les consommateurs ne pourront rien y faire. La synthèse de la CMP risque donc d’être perçue comme une victoire des industriels, en particulier Apple qui refuse toute ouverture de son iPod… Apres débats

La loi DADVSI sur les droits d’auteur et les droits voisins pour la Société de l’Information va-t-elle enfin être définitivement votée ? On s’en approche grâce à des conciliabules de dernière heure. Rappel des faits. En mars dernier, l’Assemblée nationale adopte le très controversé texte. Est adopté un régime de sanction graduée, la légalisation des DRM, le droit limité à la copie privée et le maintien du principe d’interopérabilité. En mai, le texte passe au Palais du Luxembourg. Les Sénateurs donnent un tour de vis supplémentaire au texte. la haute assemblée s’est distinguée sur les points fondamentaux de la loi que sont la copie privée et l’interopérabilité. Deux droits pour les consommateurs, mais des droits largement édulcorés par le Sénat. Ce dernier a décidé la mise en place d’une Autorité de régulation des mesures techniques de protection (MTP, verrous informatiques qui remplace le collège des médiateurs voté par les députés). Elle est chargée de réguler l’interopérabilité et de gérer le droit à la copie privée. Rappelons que le droit à la copie privé permet à chaque consommateur de copier une oeuvre pour un usage personnel ou familial. Ce droit est financé par une taxe prélevée sur la vente des supports vierges. Mais malgré la création de cette Autorité, le droit à la copie privé, déjà mis à mal par les députés (car il peut être la source de la mise en ligne d’oeuvres protégées) n’a pas été sauvée par les sénateurs. Rien ne garantit en effet que le nombre de copie privée ne soit pas égal à zéro. C’est l’Autorité qui décidera. Mais pour le gouvernement, le principal est là: le principe de la copie privé est toujours maintenu, même si son exercice sera pour les consommateurs de plus en plus difficile, voire impossible avec la légalisation des verrous techniques et les futures décisions de l’Autorité. Enfin, les sénateurs ont supprimé l’amendement sur l’interopérabilité voulue par les députés. Un des seuls amendements qui profitait directement au consommateur. La capacité de lire un fichier légalement téléchargé sur n’importe quel support a entraîné une levée de boucliers d’Apple, qui a tout de suite compris l’impact d’une telle loi sur sa plate-forme iTunes (lire nos articles). Et malgré les déclarations du ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres qui souhaite « briser l’emprise d’iTunes », les sénateurs semblent avoir cédé aux pressions des industriels.