Debra Danielson : « Je ne suis pas une CTO femme. Je suis CTO »

Debra Danielson, CTO et SVP Engineering de Digital Guardian, livre ses réflexions sur la représentation des femmes dans le secteur et les métiers IT.

« Les femmes qui travaillent dans le secteur des technologies se heurtent encore à des obstacles, il suffit de regarder les chiffres ». C’est en tout cas le point de vue de Debra Danielson, CTO (chief technology officer) et SVP (senior vice president) ingénierie de Digital Guardian, éditeur de solutions de cybersécurité. La dirigeante précise sa perspective concernant les femmes dans le secteur et les métiers des technologies de l’information.

« La question demeure : pourquoi les hommes et les femmes ne sont-ils pas représentés à égalité dans le secteur des technologies à tous les niveaux de l’organisation ? La réponse semble simple : soit vous pensez que les femmes ne sont pas aussi intelligentes ou qu’elles ne sont pas capables de faire du travail technique, soit vous croyez qu’elles ne cherchent pas d’emplois bien rémunérés et reconnus. Peut-être même que vous vous êtes résignés au fait que les femmes font face à des vents contraires dans l’industrie. La solution n’est pas si aisée. Le défi ici est qu’il n’y a pas une seule chose à « régler ».

Les femmes ambitieuses, dont la voix fait autorité, sont considérées comme agressives. Les femmes dirigeantes ne sont pas « très aimables ». Elles sont souvent pénalisées pour leur succès en tant que dirigeantes, à moins qu’elles ne fassent preuve de comportements « communs ». Il s’agit bien du paradoxe de la « sympathie » : d’une part, les femmes qui ne s’affirment pas, ou qui correspondent au stéréotype d’une femme « douce » et « attentionnée » sont davantage appréciées, mais ne sont pas considérées comme des dirigeantes. D’autre part, les femmes qui font preuve de qualités considérées traditionnellement comme « masculines », telles que l’affirmation de soi, la force et l’ambition, sont qualifiées de « difficiles », non-féminines et acerbes, et sont donc généralement réprouvées. Dans les deux cas, les femmes sont alors moins susceptibles d’être promues qu’un homme. Les hommes ne sont pas confrontés au même problème, car les traits de caractère qui sont perçus comme « autoritaires » chez une femme sont estimés comme des qualités de leadership chez un homme.

Les femmes sont toujours moins payées, moins promues, moins recrutées. Les études sont nombreuses à ce sujet et, parfois, franchement accablantes. Il est difficile de supporter à la fois le poids du travail à accomplir et celui de nuire aux opportunités d’autres femmes, en cas d’échec. Or, nous n’en sortons pas tant que nous continuons d’utiliser le mot « femme » comme déterminant dans le monde des affaires. Je ne suis pas une CTO « femme ». Je suis une CTO. Je ne suis pas une « femme » ingénieure éminente. Je suis une ingénieure éminente. Je ne suis pas une « femme » dans la Tech. Je suis dans les technologies. »

Que peuvent faire les entreprises ?

« Bien que nous ayons fait des progrès ces dernières années en ce qui concerne l’accroissement de la diversité dans l’industrie IT, celle-ci est encore largement masculine et blanche. Les femmes et les minorités [Ndlr : vues des Etats-Unis] ne choisissent pas ce domaine ou n’y restent pas. Les femmes représentent entre 11% et 20% de la main-d’œuvre mondiale du segment de la cybersécurité, par exemple. Si des progrès ont été réalisés, un long chemin reste à parcourir pour parvenir à l’égalité.

Alors, que peuvent faire les entreprises pour soutenir et faire progresser les carrières des femmes travaillant dans les technologies ? Tout d’abord, prendre du recul et examiner attentivement leurs chiffres. Créer un cadre permettant d’identifier les biais établis, étayés par la science empirique. Les mettre en lumière afin de pouvoir dénoncer les comportements partiaux subtils (ou pas si subtils) lorsqu’ils se présentent. Inclure les hommes dans ce processus d’analyse critique. Certains des grands soutiens au renforcement de la participation et du succès des femmes dans la technologie ont été des hommes. Les pères peuvent aussi être des alliés très engagés, qui veillent à ce que leurs filles disposent de perspectives qui leur permettent de réussir.

Nous avons tous des préjugés, et les rôles sociétaux de genre sont profondément ancrés en chacun de nous. Il n’y a pas que les hommes qui discriminent (consciemment ou inconsciemment) les femmes. Les femmes le font aussi. Réfléchissons à la manière dont nous voulons changer le système pour mieux l’équilibrer. Soyons très clairs sur le fait qu’il ne s’agit pas de donner un « coup de pouce » à une femme moins méritante (au détriment d’un homme), mais de tendre à davantage d’équité.

En outre, arrêtons de penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez les femmes et qu’il est nécessaire de corriger cela. Je ne saurais vous dire le nombre de fois où j’ai entendu : nous devons « apprendre » aux femmes comment négocier, parler/interrompre, obtenir une place à la table, demander une promotion, s’affirmer… Si vous avez un système qui pénalise les femmes pour avoir tenté de négocier, alors n’allez pas leur dire qu’elles sont sous-payées parce qu’elles n’ont pas négocié. »

Inclure, former, changer

« En tant qu’industrie, nous avons encore de sérieux problèmes pour amener davantage de filles et de jeunes femmes à s’intéresser au secteur de la Tech et aux STEM*. Nous avons des difficultés pour attirer et maintenir l’intérêt des étudiantes pour l’informatique.

Nous peinons aussi à recruter, à intégrer, suffisamment de femmes, à les retenir au-delà de la mi-carrière dans la Tech, à soutenir leurs parcours, à ne pas les évincer. Nous avons des problèmes de parité salariale et d’équité en matière de promotion et devons lutter contre l’idée répandue que les femmes ne sont pas aussi techniques que les hommes.

Nous pouvons tous faire beaucoup plus que ce que nous croyons pour réduire et atténuer les biais et les partis pris. Pensons à la façon dont l’on recrute, encadre ou simplement effectue notre travail quotidien. Ne présumons pas : recherchons, formons et informons-nous. Trouvons des moyens de nous remettre en question et de changer. »

par Debra Danielson, Chief Technology Officer & SVP Engineering, Digital Guardian.

*Science, technologie, ingénierie et mathématiques.