Dématérialisation : la France prête à traiter les factures électroniques en 2012?

L’état sera tenu d’accepter les factures électroniques de ses fournisseurs, au premier janvier 2012. Mais la généralisation de cette pratique est loin d’être écrite d’avance.

Finalement, rien de tel que la contrainte pour faire avancer les choses. A contre-courant de la vogue de la soft law, c’est la morale de l’histoire de la dématérialisation des factures au royaume du Danemark, telle qu’elle est racontée par B Process, spécialiste de la dématérialisation fiscale, CDC Arkhinéo, filiale de la Caisse des Dépôt pour l’archivage électronique, et le cabinet juridique Taj. Tous trois ont présenté leur livre blanc sur l’état des lieux de la dématérialisation des factures pour le secteur public en Europe, auprès de la presse, ce 14 décembre, à Paris. Au Danemark, donc, « la dématérialisation des factures par le secteur public a eu un effet d’entrainement sur le reste de l’économie » commente Alexis Renard, Pdg de B process. Le projet, qui a démarré en 2003, a mis deux ans à être opérationnel. Depuis 2006, l’état reçoit 100  % de factures dématérialisées de ses fournisseurs. Un résultat obtenu grâce à un dispositif qui articule accompagnement des entreprises, plate forme informatique performante, et… obligation légale.

La voie de l’incitation

Ce n’est pas la voie qui a été choisie – pour l’instant – en France. Depuis 2009, le législateur ayant donné l’autorisation de « confier à des tiers agréés la conservation d’archives publiques », explique Charles Duboulay, directeur de CDC Arkhinéo, la voie de la facture électronique reste ouverte pour le secteur public. Et l’Etat est entrain d’adapter son système d’information pour être en mesure d’accepter celles de ses fournisseurs, sous la houlette de l’Agence informatique financière de l’Etat. « la LME [loi de modernisation de l’économie, NDLR] a fixé la date du 1er janvier 2012, à laquelle les administrations d’Etat devront être en mesure d’accueillir des factures électroniques » précise Alexis Renard. 2011 sera l’année de la mise en place de l’infrastructure nécessaire.

Le système envisagé comprend trois niveaux : les gros fournisseurs enverront leurs factures électroniques dans un format prédéterminé, qui seront directement intégrées dans Chorus, le système comptable de l’Etat. Pour les plus petits fournisseurs, un « tiers concentrateur » servira d’interface entre les entreprises et l’état. Quant aux occasionnels, ils auront la possibilité de saisir leur facture ou de la déposer sur un portail Internet. Un système « assez proche du privé » commente Alexis Renard.

Enjeux à étages multiples

Au niveau européen, l’enjeu pèse 40 milliards par an d’économie en coût de traitement pour les administrations fiscales, d’après la Commission européenne, rapporte le livre blanc. En France, l’Etat reçoit environ 3 millions de factures par an, et les collectivités, 60 millions. Mais l’obligation d’être en mesure de recevoir des factures électroniques au premier janvier 2012 ne concerne que l’Etat, pas les collectivités. Dans la même logique, la transmission électronique des données des collectivités à Hélios, le progiciel de gestion des comptabilités des collectivités locales de la direction générale des finances publiques, « est basée sur le volontariat. De plus, si une collectivité locale veut passer à la dématérialisation, il faut aussi que le trésorier soit capable de l’accepter. (…) Le langage officiel de l’état est de dire qu’Hélios est prêt, que les trésoreries sont prêtes. En réalité, ce n’est pas complètement vrai », explique Alexis Renard. Au total, le contexte n’est ni contraignant, ni forcément très encourageant.

La distribution à l’avant-garde

L’exemple du secteur privé montre que c’est en passant par une «  très forte contrainte » exercée sur ces fournisseurs, que Carrefour, le distributeur, est aujourd’hui très avancé dans la facture dématérialisée. « L’enjeu est majeur pour les donneurs d’ordre. Dans la distribution, une facture peut faire 700 lignes. Quelqu’un doit vérifier chaque ligne. La facture électronique, elle, est transférée dans le système comptable sans saisie supplémentaire, et elle est rapprochée automatiquement de la réception. Le gain en traitement est monumental, même s’il varie d’une entreprise à l’autre », détaille Alexis Renard.

Coté PME, en revanche, elles vont vers la facture dématérialisée, « si leurs clients le leur demandent », explique B Process dans sa communication. Dans le privé, « les premiers projets datent de 2005. Aujourd’hui, on en compte une centaine, qui traite environ 130 millions de factures annuelles. Le taux de croissance est très fort, de 40 % », énonce Alexis Renard. Pour le public, conclut–il, « en 2012, l’état sera en mesure de recevoir des factures électroniques. Ce sera un point de départ, Mais pour que cela se diffuse, cela prendra du temps ».