Détours : utiliser les principes du libre pour contrer la société du tout jetable

Appliquer au monde matériel les préceptes de l’open source. Voilà le moteur de l’institut Angenius et de sa très active présidente, Thanh Nghiem, golden girl de la durabilité et du libre.

Allier développement durable et logiciels libres. C’est le pari que fait l’institut Angenius. À sa tête, Thanh Nghiem, présidente et fondatrice de ce mouvement. Baignée dans la culture des grandes écoles et de l’entreprise, elle a connu un premier virage en abordant le monde des incubateurs, avant de se lancer dans celui de l’environnement et du développement durable.

Dans ce contexte, l’existence d’Angenius, incubateur de projets durables, devient plus logique, pour ne pas dire évidente. L’idée est de réunir des bénévoles autour d’une table; des personnes de poids, capable de faire levier pour que les projets prennent forme, politiquement comme financièrement. De l’efficacité dans les méthodes, mais aussi dans le fond : pas question de revenir à la charrette à bœufs. Au contraire, le progrès et la connaissance se veulent ici le moteur d’une évolution positive, à l’image de celle apportée par le quartier anglais Bedzed.

De prime abord, la relation entre le développement durable et les principes des logiciels libres est difficile à entrevoir. Et pourtant, « nous avons rapidement rejoint les concepts d’intelligence collective issus du libre. Le libre est bien plus fondamental que le durable. Ce sont ses principes qui mettent en avant un modèle plus intelligent où nous trouvons plus de collaboration et plus de contributions. C’est un modèle où chacun devient l’artisan de la solution », nous explique Thanh Nghiem lors d’un entretien mené sur le salon Solutions Linux / Open Source 2011.

Notre interlocutrice nous explique également les rouages de l’obsolescence accélérée (pour ne pas dire programmée), qui booste artificiellement la consommation et mène à un épuisement des ressources (mais aussi, in fine, de l’économie). Un phénomène que les hackers combattent avec brio, ces bricoleurs autoproclamés étant de véritables artistes lorsqu’il s’agit de détourner un objet de sa fonction première. « C’est un moyen de remettre les produits dans le circuit, et donc de les rendre moins jetables. Combiner le libre et le hack dans le monde de la consommation mène à la consommation collaborative. »

Une façon astucieuse et moderne de contrer le principe du tout jetable qui s’est imposé rapidement pendant les trente glorieuses. Mais comment diffuser ce nouveau modèle ? « Le changement s’incarne en général à l’échelle locale, explique Thanh Nghiem. C’est là que la volonté politique et les financements publics sont les plus présents. » C’est ici qu’entrent en jeu les TICA (Territoire Intelligent et Communauté Apprenante) soutenus par l’institut. En fait, la seule limite à ce mouvement réside peut-être dans la difficulté à relier des communautés qui ne se connaissent pas : essayez de faire se rencontrer un agriculteur bio et un membre du  Chaos Computer Club (un challenge intéressant…).

Alors, l’open source comme mode de vie ? Pourquoi pas ? C’est après tout le message véhiculé depuis plus d’un an par le site opensource.com. Indirectement, l’open source est d’ores et déjà au cœur de changements de société massifs (sans open source, pas d’Internet. Sans Internet, pas de Facebook ou de Twitter, etc.). Et en terme économique ? « Ce modèle coûte moins, et rapporte plus dans d’autres domaines. En terme de lien social par exemple. » Gentleman-farmer et hacker, deux termes peut-être pas si antinomiques que cela finalement.