Dossier : Linux s’impose dans le monde des affaires

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Fruit de développements collaboratifs, Linux a fait ses classes dans la recherche avant de s’imposer dans l’entreprise, des administrations aux places boursières convaincues par l’excellent rapport performance/coût des offres libres et ouvertes.

Technologie libre et ouverte, Linux a fait ses premiers pas dans la recherche avant de s’imposer dans l’entreprise, des grandes administrations aux places boursières.

Dans ce dossier exclusif, nous allons voir comment Linux s’est imposé. Ses racines communautaires et sa large adoption par l’industrie, sa présence sur les marchés de la finance et du calcul de haute performance (HPC), et – enfin – les liens présents entre Linux et le web, le cloud ou encore le big data :

Le tout avec les interventions de (dans l’ordre de citation) : Thierry Pierre (SAP), Philippe Beauchamp (IBM), Hervé Lemaître (Red Hat), Jérôme Fenal (Red Hat), Philippe Desmaison (SUSE) et Jean-Pierre Laisné (Bull).

I – Linux, un écosystème communautaire

Le noyau, qui forme le cœur des OS Linux, est le fruit d’un des plus larges projets coopératifs dans le monde du logiciel, à ce jour.

Selon la Linux Foundation, consortium industriel à but non lucratif qui compte le créateur du noyau Linux (1991), Linus Torvalds, 42 ans, parmi ses membres, plus de 7800 développeurs employés par 800 entreprises différentes ont contribué au kernel (noyau) Linux depuis 2005, lorsque la mesure a débuté.

The Linux Foundation

S’il est important de saluer la contribution bénévole de « volontaires », il est utile de noter que 75 % de l’ensemble des développements du noyau sont réalisés par des développeurs rémunérés pour leur travail.

Ainsi, entre la version 2.6.36 et 3.2 du noyau, sorties respectivement en août 2010 et janvier 2012, le top 10 des entreprises qui sponsorisent ces développements était le suivant :

Red Hat – qui par la voix de son président, Jim Whitehurst, déclare supporter 72 versions différentes du kernel et faire remonter l’ensemble de ses correctifs vers la communauté – Intel, Novell (propriétaire de SUSE de 2003 à 2011), IBM, Texas Instruments, Broadcom, Nokia, Samsung, Oracle et Google.

Le groupe informatique français Bull, de son côté, a été très tôt un contributeur du monde Linux (noyau et temps de latence, gestion de la mémoire, architectures multiprocesseurs…) et de différents consortiums open source (OSDL, Eclipse, Linux Foundation, Apache, JCP…).

Les multinationales contribuent au développement de l’OS libre et en tirent profit, en témoigne l’exemple de SAP. « Ce que nous propose Linux c’est d’être maîtres à bord », déclare Thierry Pierre, directeur business development chez SAP France.

Avant d’ajouter : « Faire tourner une distribution supportée – SUSE Linux Enterprise Server ou Red Hat Enterprise Linux – pour notre base de données en mémoire SAP HANA, appliance adaptée aux enjeux du temps réel et du Big Data, permet à nos clients de maximiser la valeur de notre technologie in-memory. »

SAP-HANA

HANA (High-Performance Analytic Appliance) regroupe matériels et logiciels de nouvelle génération. L’offre permet de stocker des données directement en mémoire, plutôt que sur des disques durs lents et volumineux, et d’analyser d’importants volumes de données, analytiques, transactionnelles.

La technologie in-memory permet, en outre, de mener des opérations en temps réel et de faire des calculs à la volée. Les algorithmes de compression et de structures de base en colonne permettent des gains en temps de réponse considérables. « Un seul lieu, un seul contenant pour des données en convergence et une stratégie de coût optimisée grâce à l’open source », ajoute Thierry Pierre.

Côté hardware, SAP HANA tourne sur des systèmes IBM, HP, Bull, etc.

L’appliance a été lancée en mai 2010 et sa disponibilité générale a été annoncée début 2011… « À l’heure actuelle, HANA est utilisée par 100 entreprises clientes en Europe, 600 au niveau mondial, et 500 déploiements sont en cours. HANA bénéficie d’une adoption hors norme pour un produit SAP », poursuit-il.

Quant au ROI, il varie en fonction du business case. « Un transporteur qui parviendra à optimiser le trafic de sa flotte de 10 % aura un excellent ROI, un installateur de compteurs électriques intelligents s’intéressera au service rendu/perçu par le particulier. D’autres auront une approche (de la rentabilisation) purement technique », conclut Thierry Pierre.

Ce point de vue est partagé par IBM, qui a adapté son offre au marché des serveurs « économiques » avec la gamme PowerLinux. Dédiés à l’analyse de volumes massifs de données (Big Data), au déploiement de solutions applicatives industrielles et de services d’infrastructure open source, les serveurs PowerLinux fonctionnent en standard (support inclus) avec Red Hat Enterprise Linux ou SUSE Linux Enterprise Server.

Philippe Beauchamp_IBM France

« Les serveurs PowerLinux sont basés sur des systèmes/processeurs Power équipés d’un socket (IBM PowerLinux 7R1) ou deux sockets (IBM PowerLinux 7R2). Ils peuvent inclure jusqu’à 16 cœurs et intégrer des fonctions de virtualisation (PowerVM) et de gestion de serveur virtuel (IBM Systems Director VMControl) », précise Philippe Beauchamp, chef de produit chez IBM France.

« Ces serveurs, facturés à partir de 11.900 euros (19.000 euros avec virtualisation) sont conçus pour concurrencer les serveurs x86 en termes de coûts et de performances », ajoute-t-il.

Ainsi, d’après IBM, un cluster Hadoop constitué à partir de la technologie PowerLinux peut traiter un téraoctet de données plus de deux fois plus vite qu’un cluster basé sur du matériel x86 classique (source : IBM Research Report – avril 2012). Un autre exemple : pour les déploiements SAP, PowerLinux réduirait les temps d’indisponibilité de 43,2 % par rapport à Windows (source : Solitaire Interglobal – octobre 2012).

Les principaux atouts de PowerLinux sont donc : « ses performances, son prix et la sécurité de l’ensemble », insiste Philippe Beauchamp. Avant de préciser : « Plus de 100 clients en Europe ont adopté PowerLinux, un produit annoncé en avril 2012. Parmi eux, des entreprises de taille intermédiaire et des universités ».

Le secteur public n’est pas en reste en ce qui concerne l’intégration de l’OS libre et ouvert. Cependant, l’administration française préfère communiquer sur les déploiements desktop et bureautique, plutôt que sur les déploiements serveurs.

Ainsi, la Gendarmerie nationale a confirmé migrer chaque année près de 10.000 de ses postes informatiques sous Ubuntu, distribution Linux sponsorisée par Canonical, avec l’objectif d’équiper 90 % de ses 85.000 PC d’ici 2015, et d’en convertir 4500 en serveurs Linux.

Bien que l’initiative ait fait l’objet d’un communiqué de Canonical en novembre 2010, la décision a été annoncée par la Gendarmerie nationale dès janvier 2008 lors du Salon Solutions Linux.

À l’époque, la Gendarmerie utilisait déjà la suite bureautique libre OpenOffice.org ainsi que Firefox et Thunderbird, navigateur web et messagerie de la Fondation Mozilla.

Parallèlement à ces déploiements, la Gendarmerie cherchait une alternative à Windows avec un double objectif : réduire ses coûts en limitant l’achat de licences de logiciels et gagner en indépendance vis-à-vis de l’éditeur. Ce thème reste d’actualité au sein de l’administration, en témoigne la circulaire de Jean-Marc Ayrault sur le logiciel libre datée du 19 septembre 2012.

Le choix de Linux au sein de la Gendarmerie, indiquait alors le commandant Jean-Pascal Chateau (promu lieutenant-colonel depuis), n’était pas un choix technique, mais financier. L’initiative aurait permis à l’institution d’économiser 2 millions d’euros par an.

Le secteur financier a lui aussi à cœur d’optimiser ses transactions avec Linux.