Hyperconvergence : pourquoi un tel succès ? pour quels usages ?

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 Ces trois dernières années ont vu l’émergence des solutions ou « architectures » convergées puis « hyperconvergées » qui tendent à réduire la complexité de l’exploitation. Aujourd’hui, l’hyperconvergence stricte n’est plus la seule voie de salut. Et priorité est donnée à la souplesse des configurations et aux services. 

Au tournant des années 2010 sont apparus les systèmes très intégrés ou hyper-intégrés. Ils étaient encore « multi-constructeurs » mais pas toujours.

Ainsi, IBM a été un des pionniers avec son offre PureSystem (reprise aujourd’hui par Lenovo).
« Les PureSystems étaient les prémices de l’hyper-convergence », observe Laurent Vanel, CTO IBM Systems chez IBM France. Il s’agissait effectivement d’une offre intégrée, « tout en un », concentrée sur un rack standard. « Certes, le stockage était encore séparé du serveur. Mais l’exploitation du système était déjà nettement simplifiée, et commune à tous les systèmes avec processeurs Power ou Intel ». A noter, au passage, qu’IBM a conservé à son catalogue les solutions applicatives PureData et PureApplications (en mode PaaS) et a ajouté en 2017 une offre Nutanix pré-intégrée sur base Intel, ou, plus puissante, sur processeurs IBM Power.

L’enjeu est de taille pour les fournisseurs informatiques :  il s’agit de rester ou de devenir la principale source d’approvisionnement en solutions et services afin de répondre à l’ensemble des besoins informatiques des entreprises.

De la convergence à l’hyperconvergence

IDC considère qu’il existe trois segments de « converged systems », un marché qui a pesé 12,5 milliards $ en 2017 :

– Les systèmes de référence certifiés avec infrastructure intégrée ( ou « architectures de référence ») 
Ils intègrent le « hardware » serveur, des systèmes de stockage sur disque, des équipements réseau et des logiciels d’exploitation – le tout étant certifié pour le fournisseur. 
Ici, l’intégration ou la « convergence » se fait dans une même baie ou un même rack : on connecte serveurs, unités de stockage (NAS ou SAN), via des commutateurs Ethernet en iSCSI ou ou Fibre Channel – bref, une architecture IT « classique ».

Les trois leaders du domaine en parts de marché sont : 
> Dell-EMC (42,9 % , avec notamment l’offre vBlock de VCE, ou encore VSPEX d’EMC et Actives Systems de Dell),
> NetApp/Cisco (33%, avec l’offre FlexPod
> HPE (16,9%, avec l’offre Converged System)

Mais également Oracle (Virtual Compute Appliance) ou encore Hitachi. 

– Les plates-formes intégrées 
Ce sont des systèmes intégrés vendus avec le rajout d’un logiciel pré-intégré et une ingénierie système personnalisée.  L’ensemble, souvent mono-marque sous forme d’appliances, est optimisé pour le développement et le test d’applications, pour l’exploitation de bases de données (ExaData d’Oracle, appliances SAP Hana…), etc.
Rien ne dit que ce segment puisse rebondir en évoluant vers le concept, plus large, d’infrastructure hyperconvergée – ou HCI (Hyper-Converged Infrastructure). C’est l’orientation récente de NetApp qui a choisi, dans un même noeud « convergé », de dissocier le « compute » et le « storage », tout en unifiant et intégrant l’administration de l’ensemble.

– Les systèmes hyperconvergés 
Ils concentrent le stockage principal et les fonctions de calcul (« compute ») en une seule solution
« hautement virtualisée » en s’appuyant sur une architecture hardware Intel X86 unique et extensible (« scale-out »). Le stockage est géré de façon virtuelle par logiciel.

Dans ce segment de l’hyperconvergence, IDC fait deux classements (4ème trimestre 2017)  : l’un par la marque et l’autre par l’éditeur de la plateforme logicielle.

> Dell-EMC (27,8%)
> Nutanix (19,5%)
> HPE (4,9%)
> Cisco (4,5%)

Plateforme logicielle d’hyperconvergence : 

> VMware (32,4%)
> Nutanix ( 29,5 %)

L’hyperconvergence en forte progression

De son côté,  Gartner place également les systèmes intégrés hyperconvergés en forte progression et en tête du marché (de 36% à 44,5%, pour 2018 et 2019), devant les architectures de référence (28% puis 25%) et les systèmes d’infrastructure intégrés (21,7% puis 19%) et rajoute une catégorie en baisse, celle des « piles (stacks) systèmes intégrés » (13,5 % puis 10,8%).
Sur ce segment très porteur de l’hyperconvergence figurent les leaders – Nutanix, HPE SimpliVity, l’offre VMware (EVO:Rail), Atlantis… mais des nouveaux venus s’en réclament, comme NetApp avec sa nouvelle plateforme HCI.

Gartner estime que, d’ici à 2019, « 30 % des entreprises auront remplacé leur infrastructure existante par des alternatives plus flexibles et plus économiques comme les solutions hyperconvergées ou les systèmes convergés à base de références d’architectures ».

« Dans l’hyperconvergence, il y a deux parties, poursuit Laurent Vanel, CTO IBM Systems. D’une part, le « building block » ou assemblage de « noeuds » , qui a l’avantage d’être facilement extensible et de supprimer les solutions SAN réputées fastidieuses à gérer et peu flexibles. D’autre part, ce qui motive le plus les entreprises, c’est la capacité à déployer leurs applications sur un environnement unique, bien intégré et homogène, plus facile à exploiter et maintenir» ajoute-t-il.
Les solutions hyperconvergées sont constituées de « noeuds » qui concentrent à la fois le « compute » virtualisé et le stockage, également virtualisé – le tout hyper-intégré, en terme de connexion réseau.
Le système de fichiers étant « virtuellement distribué », des dizaines voire des centaines de noeuds peuvent être agrégés, par clusters, les uns aux autres – ce qui assure une grande capacité d’évolution sans rupture (« scalability »).
L’une des innovations clé tient aux  système de fichiers comme NDFS et Acropolis chez Nutanix ou VSAN (Virtual SAN) sur VMware EVO, Rail ou DVP (Data virtualization platform, variante de NFS) chez HPE SimpliVity.

Des arguments solides

Ces systèmes prêts à l’emploi bénéficient d’une mise en route quasi instantanée, application par application. Avec ces solutions pré-configurées, les équipes IT peuvent les mettre en œuvre très rapidement , en moins d’une heure. Leur apprentissage est plus rapide que celui d’un système « assemblé » disparate. L’exploitation en est très simplifiée : la console d’administration unifiée permet de piloter et de surveiller l’ensemble des composants de la solution de façon cohérente. Enfin, le support fourni est aussi assuré par un interlocuteur unique. L’enjeu actuel porte sur le développement de services associés à la couche de stockage hyperconvergée.

C’est avec cet argument que Nutanix a convaincu IBM (sur processeur Intel ou sur Power – plus puissant) mais aussi Dell et Lenovo pour intégrer leur technologie de systems – comme alternatives à son socle hardware d’origine SuperMicro.

Quelques objections, pourtant…

Certains responsables IT objectent qu’ils bénéficient encore au sein de leur datacenter des ressources serveurs et de stockage très modulables et extensibles, ce qui permet de lisser leurs investissements. En outre, la transition vers « un scénario 100% hyperconvergé » n’est pas facile à organiser -comme celle vers le Cloud.

Comment peut-on tout basculer du jour au lendemain ? Car on n’imagine pas qu’une application exécutée sur un serveur traditionnel ne puisse pas accéder au stockage d’un système convergé ou hyperconvergé. Certains invoquent également qu’ils n’auront plus la souplesse d’augmenter leurs ressources de « compute » indépendamment du stockage ou l’inverse. Car les noeuds hyperconvergés sont des configurations figées.  La seule option est d’augmenter ou de diminuer le nombre de noeuds. Donc une tendance à sur-investir.

Enfin, on peut également souhaiter privilégier le « multi-sourcing » donc ne pas être totalement dépendant d’un fournisseur unique. « L’hyperconvergence n’est pas la réponse à tout », admet Laurent Vanel, CTO IBM Systems, IBM France. « Ceux de nos clients qui utilisent des solutions à base de SAN (baies de stockage en réseau), disposent aussi des outils leur permettant de déployer relativement rapidement.
Il existe, entre autres, des outils Openstack, avec possibilités d’automatisation de certaines tâches, qui permettent des redéploiements rapides. Donc, pour certaines applications nécessitant de très hautes performances, notamment celles en « silos », l’hyperconvergence ne s’impose pas ».

Reconsidération du datacenter et orientations Cloud privé

Il reste que les infrastructures IT convergées répondent bien aux projets de rénovation ou de création de datacenters, surtout distants et surtout s’ils doivent être fortement virtualisés et supporter un Cloud privé.

La consolidation de serveurs et des datacenters, avec une forte virtualisation, porte également à choisir une infrastructure IT hyperconvergée. De même, la migration de certaines charges de travail vers le Cloud. Un autre moteur de l’hyperconvergence est le déploiement d’infrastructures VDI (virtual desktop infrastructure) qui nécessitent un minimum de ressources.

Les plateformes de développement et de test IT peuvent aussi tirer parti de solutions hyperconvergées, ainsi que toute nouvelle application métier à déployer rapidement, de façon autonome, y compris sur le Cloud. Car les solutions hyperconvergées permettent de paramétrer très vite la création de sauvegardes et de reprise d’activité après incident, y compris pour des petits sites distants. L’administration de l’ensemble est unifiée.

Crédit Photo: Mikhail Starodubov-Shutterstock