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« Dans ce secteur, vous faites l’acquisition de technologies, mais aussi  d’individus ». John Chambers avait fait cette déclaration en 1997 lors d’une interview avec le magazine Strategy & Business.

L’intéressé dirigeait alors depuis peu un groupe coté en Bourse et qui avait franchi les 4 milliards de dollars de revenus sur son dernier exercice : Cisco.

En un peu plus de 20 ans aux rênes du groupe, Chambers a accompagné quasiment 200 opérations de croissance externe.

Au-delà de sa réputation de « machine à fusions-acquisitions », retour sur le « phénomène Cisco ».

La mythe Stanford

Le 10 décembre 1984, Leonard Bosack et Sandra Lerner, alors mari et femme, fondent cisco Systems.

Tous deux ont fait des études à Stanford. Le premier a ensuite pris la direction du département de sciences informatiques de l’université. La seconde donne aussi dans les ordinateurs : elle gère tous ceux de l’école de commerce (Graduate School of Business).

Comment en sont-ils arrivés là ? Les versions sont nombreuses.
L’une d’entre elles attribue leur initiative à l’impossibilité de s’envoyer des lettres d’amour par voie électronique. Ils ont alors développé une « Blue Box » (ainsi appelée pour sa couleur) qui a permis de connecter les réseaux de leurs bâtiments respectifs sans passer par Arpanet.

Le projet a en réalité impliqué bien plus de personnes. En témoigne, entre autres, le documentaire « Nerds 2.0.1 », diffusé à la fin des années 90.

Le déclic semble être intervenu au début des années 80, lorsque Stanford s’est dotée de stations de travail Xerox Alto.

Pour les connecter à d’autres machines du campus (notamment les DEC de l’école de commerce), l’ingénieur Bill Yeager, de l’école de médecine, code un logiciel. Il n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà établi des passerelles entre son département et celui de Bosack.

Ce dernier s’implique dans le projet, que Stanford formalise en 1985.

Yeager n’est alors – d’après des propos qu’il tiendra des années plus tard – pas au courant de l’existence de Cisco. Il ne s’oppose pas à l’idée qu’on exploite son logiciel, l’université ayant de surcroît refusé de faire de la « Blue Box » – dont le hardware est partiellement l’œuvre d’Andy Bechtolsheim, qui fondera plus tard Sun Microsystems – un produit commercial.

Cisco, de son côté, conçoit du matériel… et commence à en vendre, notamment à Xerox.
Lorsque la nouvelle se répand, les relations avec Stanford se tendent. Le 11 août 1986, Bosack démissionne, comme Kirk Lougheed, qui a travaillé à adapter le logiciel de Yeager, sous le nom d’AGS (Advanced Gateway Server).
Lerner, qui avait déjà quitté son poste, les rejoint. Deux autres membres de Stanford suivent le mouvement : Greg Satz (programmeur) et Richard Troiano (commercial).

© Mark Richards

L’université songe un temps à déposer plainte au pénal pour vol de propriété intellectuelle. Elle finit par concéder, le 15 avril 1987, une licence à Cisco.
L’usage d’une capitale s’est alors généralisé dans la communication de l’entreprise, même si son nom d’origine n’en comporte pas (« cisco » est une aphérèse de « San Francisco », le logo représentant les deux tours du Golden Gate).

Bienvenue au Nasdaq

Aux ventes de routeurs (jusqu’à 50 000 dollars l’unité) s’ajoute, toujours en 1987, un financement de Sequoia Capital. Le fonds d’investissement, qui a déjà soutenu le rival 3Com, apporte 2,5 millions de dollars contre 32 % du capital.

Le management a été renforcé en amont de l’opération, avec l’arrivée de William Graves au poste de CEO.

Les fonds injectés permettent à Cisco de développer une activité commerciale. Et ainsi de réduire sa dépendance vis-à-vis des partenaires.

Sur le volet techno, l’année 1987 est celle du lancement de l’Interior Gateway Routing Protocol (IGRP).
Ce protocole de routage interne (fonctionnant au sein d’un même système autonome) est dit « à vecteur de distances ». Il utilise de multiples indicateurs (bande passante, charge, fiabilité…) pour déterminer le meilleur chemin vers une destination.
La diffusion des routes se fait de proche en proche. Les tables peuvent donc être construites sans qu’aucun routeur ne possède la vision globale du réseau.

un exemple de configuration basique d’IGRP, tiré du site « Internetworking » (networking.ringofsaturn.com)

En 1988, Sequoia Capital rebat les cartes du management. John P. Morgridge succède à William Graves et prend la tête du conseil d’administration.

En 1989, Cisco commence à mettre en œuvre le Border Gateway Protocol (BGP).

extrait des archives du Center for Cisco Heritage
Sandra Lerner portait cette robe « billets de banque » le jour de l’IPO (image extraite de la collection du Center for Cisco Heritage, fruit d’un partenariat avec le Computer History Museum de San Jose).

Kirk Lougheed est à l’origine d’une des premières implémentations de ce protocole de routage externe sur lequel Internet repose aujourd’hui.
De par son rôle (échanger des informations entre opérateurs télécoms), BGP ne fonde pas ses décisions de routage sur une métrique classique. Il s’appuie sur des règles que définissent les administrateurs des réseaux (ou « systèmes autonomes »).

Le 16 février 1990, Cisco fait son entrée en Bourse, sur le Nasdaq. Sa capitalisation s’élève à 224 millions de dollars.
Six mois plus tard, Lerner est remerciée. Bosack ne tarde pas à prendre le même chemin. Les deux fondateurs vendent leurs participations (environ deux tiers des parts de l’entreprise) pour 170 millions de dollars.

En 1991, un dénommé John T. Chambers, ancien d’IBM, arrive chez Cisco, en tant que directeur commercial et des opérations.
L’entreprise ouvre un bureau à Menlo Park. Elle commence aussi à s’implanter à l’international. Le Royaume-Uni (Londres, Uxbridge) et la France (parc d’activités de Courtabœuf, dans l’Essonne) ouvrent le bal.
Au mois d’août, la capitalisation boursière atteint 1 milliard de dollars.

L’ère des acquisitions commence

En 1992, Cisco obtient son premier brevet, pour le protocole IRGP.

L’offre de routeurs s’étend avec la série 3000. Positionnée en entrée de gamme, elle est basée sur des processeurs Motorola 68EC030 à 20 MHz et jusqu’à 16 Mo de RAM.
Six modèles sont proposés, en Ethernet et en Token Ring, avec plus ou moins de ports série et BRI (accès aux réseaux RNIS). Tous sont dotés, en standard, d’EPROM qui en permettent le paramétrage à distance.
Le ticket d’entrée est à 5 495 $ HT.

issu du manuel d’installation et de maintenance des routeurs Cisco 3000 (année 1993)

Cette même année, Cisco lance la gamme 4000, sur base Motorola 68030 à 40 MHz avec la même quantité de RAM. Les routeurs qui la composent exploitent des modules qui permettent d’en modifier la configuration.
Le ticket d’entrée est à 7 600 $ HT.

Les logiciels de gestion CiscoWorks voient aussi le jour en 1992. Basés sur la plate-forme SunNet Manager de l’entreprise SunConnect, ils permettent l’administration, l’analyse des performances réseau et la gestion des coûts. Ils prennent la suite du logiciel Cisco NetCentral lancé deux ans plus tôt.

En 1993, Cisco passe la barre des 1000 employés. Et réalise sa première acquisition : Crescendo Communications. Un deal en actions valorisé à environ 95 millions de dollars.

issu du magazine « Network World », septembre 1993

De ce fournisseur de hubs ciblant les groupes de travail naîtra, en mars 1994, la gamme Catalyst, regroupant des switchs (commutateurs destinés à relier plusieurs périphériques d’un même réseau).
Cisco avait auparavant exploré la piste d’un partenariat avec SynOptics sur un boîtier combinant routage et commutation. Sans lendemain.

Autre gamme « made in 1993 » : les routeurs Multiprotocol 7000. Leur architecture sépare les plans de contrôle et de données. L’alimentation (éventuellement doublée) et les interfaces réseau peuvent être changées « à chaud ».
Le ticket d’entrée est à 19 990 $ HT.

photographies issues de la revue Cisco « The Packet », hiver 1993

L’entrée de gamme est complétée avec les routeurs Cisco 2000, sur base Motorola MC68EC030 à 20 MHz. Deux modèles sont disponibles : un en Ethernet et un en Token Ring.
Le ticket d’entrée est à 3 195 $ HT.

extrait d’un manuel de configuration des routeurs Cisco
la gamme Cisco à l’été 1993 (extrait de la fiche d’information des routeurs 7000)

Des routeurs… et des switchs

En 1994, Cisco déménage de Menlo Park à San Jose. Le chiffre d’affaires sur l’exercice fiscal (achevé fin juillet) dépasse pour la première fois le milliard de dollars.

Trois acquisitions sont annoncées cette année-là :

  • Kalpana, pour environ 200 millions de dollars
    IBM avait la faveur des pronostics pour s’emparer de ce fournisseur de switchs IP considéré comme un pionnier des technologies Fast Ethernet. Il en résultera la gamme de switchs Catalyst 3000.
extrait du magazine « Computerworld », octobre 1994
  • Lightstream, pour environ 120 millions de dollars
    Les switchs de cette entreprise américaine ne fonctionnent pas sur IP, mais utilisent le protocole ATM (Asynchronous Transfer Mode). Celui-ci a, entre autres particularités, celle de découper les données en segments de taille fixe.
  • Newport Systems Solutions, pour environ 95 millions de dollars
    La division Cisco PC Access naît sur la base des solutions de routage que cette entreprise américaine propose pour les plates-formes Intel x86.

Côté techno, l’année 1994 est marquée par le lancement de l’architecture CiscoFusion, qui mêle routage et commutation.

extrait du magazine « PC Mag », mai 1994

En janvier 1995, John Chambers (ci-contre) prend les fonctions de président et CEO. John P. Morgridge prend la tête du conseil d’administration.

Les acquisitions se poursuivent :

  • Combinet et ses solutions de connectivité sur RNIS (réseaux numériques à intégration de services), pour environ 114 millions de dollars
  • Grand Junction Networks, fournisseur de switchs Fast Ethernet, pour 348 millions de dollars. Ses technologies seront à la base des switchs Catalyst 1700, 1900 et 2800.
  • Internet Junction, à l’origine d’une passerelle logicielle pour les environnements Windows NT et Novell Netware
  • Network Translation, qui a développé des technologies de pare-feu et d’équilibrage de charges

La série Catalyst est complétée avec les switchs 5000, qui gèrent l’ATM par émulation ; celle des routeurs Cisco, avec les 7500, conçus pour faciliter le transport IP longue distance.

extrait de la revue Cisco « The Packet », 3e trimestre 1995

Viser le cœur… de réseau

Avec le développement d’Internet et de l’IP, la compatibilité multiprotocole perd de l’intérêt. Il devient crucial de se positionner en cœur de réseau.

le site Internet de Cisco en 1996, un peu plus d’un an après sa mise en ligne

Ainsi Cisco s’installe-t-il, en 1996, sur le marché des opérateurs télécoms avec le serveur AS5200. Ce modèle est inclus dans un dispositif plus large qui comprend des « packs de solutions », avec de la formation et du financement.

Le rythme des acquisitions s’accélère :

  • StrataCom Networks (switchs ATM et Frame Relay), pour 4 milliards de dollars en actions
  • TGV Software (solutions logicielles de mise en réseau), pour environ 115 millions de dollars en actions
  • Telebit (modems), pour 200 millions de dollars
  • Nashoba Networks (spécialiste Token Ring), pour 100 millions de dollars en actions
  • Granite Systems (switchs Ethernet Gigabit), pour 220 millions de dollars en actions
  • Netsys Technologies (gestion d’infrastructures réseau), pour 80 millions de dollars en actions
  • Metaplex (solutions de connectivité IP pour les environnements mainframes d’IBM)

Certaines de ces opérations n’auront pas le succès escompté. Network World le soulignera à l’été 1998, en mentionnant LightStream, Granite Systems et Nashoba Networks.

Toujours en 1996, Cisco lance une technologie dite de « tag switching ». Elle exploite des labels pour optimiser le routage. Le standard MPLS (MultiProtocol Label Switching) exploite aujourd’hui le même principe.

un exemple d’implémentation MPLS sur un VPN (extrait de la revue « The Packet », 1er trimestre 2000)

Cette année-là, des anciens de StrataCom fondent une société que soutiendront entre autres 3Com et Siemens/Newbridge. Son nom : Juniper Networks.

Le cap des 10 000 employés est atteint en 1997, année marquée par une réorganisation de l’activité commerciale en trois segments : PME, grandes entreprises et opérateurs télécoms.

L’évolution du marché se reflète dans les acquisitions réalisées cette année-là :

  • Telesend (accès Internet « haut débit » jusqu’à 128 kbit/s)
  • Dagaz (même segment de marché), pour environ 108 millions de dollars
  • Ardent Communications (transport voix, vidéo et données) pour 156 millions de dollars en actions
  • Skystone Systems (technologies de transport optique) pour environ 87 millions de dollars, essentiellement en actions
  • Global Internet Software Group (sécurité réseau pour Windows NT), pour environ 40 millions de dollars
  • LightSpeed (gestion du trafic voix), pour environ 160 millions de dollars en actions
extrait du magazine « Network World », juin 1997

Cisco lance ses premiers produits de voix et de fax sur IP. Sa gamme de routeurs s’élargit en parallèle, notamment avec la série 12000, en Ethernet Gigabit.

Tout pour l’IP

Les 100 milliards de dollars de capitalisation boursière sont franchis en 1998.

Cette année-là, Cisco accélère sur le marché des PME, avec des modems xDSL et les routeurs série 800.
Le groupe communique aussi davantage sur sa marque, avec une première campagne pub à la télévision américaine.

Sur ses switchs, Cisco introduit l’Ethernet Gigabit et la prise en charge de la couche 3 (ce qui permet d’effectuer un routage basé sur les adresses IP en plus des adresses MAC).
La partie routage est gérée par le système d’exploitation IOS.

Ce dernier, descendant d’AGS, finira par remplacer entièrement CatOS, le système d’exploitation « historique » de la gamme Catalyst.
Développé en C, il présente une architecture monolithique. Les processus ont un accès direct au matériel, partagent l’espace mémoire et ne peuvent s’exécuter simultanément.

Une dizaine d’acquisitions sont officialisées en 1998 :

  • Selsius Systems (standards téléphoniques IP), pour 145 millions de dollars
  • Wheelgroup (sécurité réseau), pour environ 124 millions de dollars en actions
  • NetSpeed (solutions d’accès xDSL), pour environ 236 millions de dollars en actions
  • Precept Software (vidéo sur IP), pour environ 84 millions de dollars en actions
  • CLASS Data Systems (gestion de la qualité de service des réseaux IP), pour 50 millions de dollars
  • Summa Four (switchs programmables), pour environ 116 millions de dollars en actions
  • American Internet (solutions de connexion aux réseaux IP), pour environ 56 millions de dollars en actions
  • Clarity Wireless (communication sans fil), pour environ 157 millions de dollars en actions
  • PipeLinks (technologies de transport de données), pour environ 126 millions de dollars en actions

En 1999, Cisco dépasse les 20 000 employés et les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Le 10 décembre, elle devient la troisième entreprise à atteindre les 300 milliards de capitalisation, après General Electric et Microsoft.

L’approche du marché grand public se dessine, avec l’annonce d’une stratégie axée sur les réseaux domestiques.

La liste des acquisitions de l’année a une forte coloration multimédia, faisant écho au développement d’une architecture unifiée voix-vidéo-data :

phase finale d’une migration AVVID (extrait du livre « Configuring Cisco AVVID », par Wayne Lawson, 2001)
  • Cerent (technologies de transport optique), pour près de 7 milliards de dollars en actions
  • Pirelli Optical Systems et Monterey Networks (même spécialité), respectivement pour environ 2,15 milliards de dollars et 500 millions de dollars.
  • Une partie des actifs de la division Networking Hardware d’IBM, dans le cadre d’un accord plus large valorisé à 2 milliards de dollars
  • GeoTel Communications (logiciels pour centres d’appels), pour environ 2 milliards de dollars
  • Amteva Technologies (communications unifiées), pour environ 170 millions de dollars
  • TransMedia Communications (passerelle multimédia), pour environ 407 millions de dollars en actions
  • StratumOne Communications (semi-conducteurs pour équipements réseau), pour environ 435 millions de dollars en actions
  • Sentient Networks et Fibex Systems (passerelles ATM), pour un montant global d’environ 445 millions de dollars en actions
  • Calista (solutions d’interopérabilité entre téléphonie analogique et IP)
  • MaxComm Technologies (solutions voix et data sur accès xDSL), pour environ 143 millions de dollars en actions
  • CoCom A/S (accès Internet par câble et satellite), pour environ 65 millions de dollars en actions
  • WebLine Communications (logiciels de gestion de la relation client), pour 325 millions de dollars en actions
  • Tasmania Network Systems (technologie de cache réseau), pour environ 25 millions de dollars
  • Aironet Wireless Communications (solutions de communication sans fil), pour environ 800 millions de dollars en actions
  • V-Bits (traitement vidéo), pour 128 millions de dollars en actions
  • Worldwide Data Systems (conseil et ingénierie pour la convergence voix-data), pour environ 25 millions de dollars en actions
  • Internet Engineering Group (technologies de routage), pour environ 25 millions de dollars

Sur le marché des entreprises, Cisco oriente plus sensiblement sa stratégie vers les réseaux privés virtuels (VPN). Et annonce plusieurs nouveautés en la matière, dont l’accélération IPSec sur certains routeurs et des services de gestion du SLA (engagement de niveau de service).

La gamme de switchs Gigabit s’élargit avec notamment la famille Catalyst 6000. Cisco y ajoute une technologie de clustering qui permet d’administrer, avec une même IP, des équipements dispersés géographiquement.

extrait d’un livre blanc Cisco paru en 2001

Mobile et sans fil

La décennie se termine sur la création, avec dix autres sociétés dont Motorola, Samsung, et Toshiba, d’une alliance pour développer des standards d’accès Internet sans fil.

Pendant ce temps, Juniper Networks a lancé son premier produit : le routeur M40, (ci-contre), qui traite le trafic Internet directement au niveau  du matériel.
L’effet est immédiat sur le marché des opérateurs télécoms. Ce qui poussera Cisco à proposer, entre autres, des cartes additionnelles pour ses switchs et ses routeurs. Mais aussi à monter en puissance sur les ASIC (circuits intégrés spécialisés).

Début 2000, avant l’éclatement de la bulle Internet, Cisco devient brièvement la plus grosse capitalisation boursière au monde, frôlant les 570 milliards de dollars.

L’offensive auprès du grand public se précise avec l’annonce, au CES, d’une « plate-forme ouverte pour les réseaux domestiques ». On ne parle pas encore d’Internet des objets, mais c’est tout comme, avec le fabricant d’électroménager Whirlpool dans la boucle.

Comme il l’avait fait notamment pour les accès optiques, Cisco annonce une stratégie en cinq phases pour les communications unifiées. Le groupe crée aussi une division dédiée à son offre logicielle (et se réjouit de compter HP et Oracle parmi ses clients).

Parallèlement au développement de l’offre d’accès sans fil (dont la série d’équipements Cisco Aironet 340 pour Windows et Novell Netware) est lancée l’initiative Internet Office. Centrée sur les VPN, elle doit permettre l’accès aux réseaux d’entreprise depuis des lieux publics.

extrait du manuel d’utilisation des passerelles Aironet 340 (année 2000)

La stratégie se reflète largement dans la vingtaine d’acquisitions réalisées cette année-là :

publicité pour la plate-forme d’e-learning KnowledgeNet (extrait de la revue « The Packet », 3e trimestre 2000
  • Altiga Networks et Compatible Systems (VPN), pour un montant global d’environ 567 millions de dollars en actions
  • Growth Networks (technologies de commutation haut débit), pour environ 355 millions de dollars en actions
  • Atlantech Technologies (gestion des équipements réseau)
  • InfoGear Technology (gestion de l’information), pour environ 300 millions de dollars en actions
  • JetCell (téléphonie sans fil), pour environ 200 millions de dollars en actions
  • SightPath (CDN), pour environ 800 millions de dollars en actions
  • Pentacom (transport optique), pour environ 118 millions de dollars en actions
  • Une filiale de Seagull Semiconductor (composants pour routage haut débit), pour environ 19 millions de dollars
  • ArrowPoint Communications (technologies de commutation), pour environ 5,7 milliards de dollars en actions
  • Qeyton Systems (transport optique), pour environ 800 millions de dollars en actions
  • HyNEX (équipements pour réseaux ATM), pour environ 127 millions de dollars
  • Netiverse (optimisation du transport de données), pour environ 210 millions de dollars
  • Komodo Technology (passerelle VoIP pour téléphones analogiques), pour environ 175 millions de dollars en actions
  • NuSpeed Internet Systems (connexion du stockage SAN aux réseaux IP), pour environ 450 millions de dollars en actions
  • IPmobile (logiciels pour l’accès Internet sur réseaux cellulaires), pour environ 425 millions de dollars en actions
  • PixStream (équipements et logiciels pour la vidéo numérique), pour environ 369 millions de dollars en actions
  • Vovida Networks et IPCell Technologies (VoIP), pour un montant global d’environ 369 millions de dollars en actions
  • CAIS Software Solutions (connectivité haut débit) pour environ 170 millions de dollars
  • Active Voice (messagerie vocale unifiée), pour environ 266 millions de dollars
  • Radiata (puces sans fil), pour environ 295 millions de dollars en actions
  • Exio (technologies d’accès sans fil), pour environ 155 millions de dollars en actions

Cisco progresse dans la capacité de traitement des paquets IP avec la technologie Parallel express Forwarding (PXF), basée sur une puce programmable multiprocesseur.
Ses équipes commencent aussi à intégrer le chiffrement matériel dans certains routeurs et la détection d’intrusions dans des switchs.

2000 : bulle et déboires

En 2001, le chiffre d’affaires dépasse les 20 milliards de dollars. Les activités de support et de service en représentent une frange sans précédent (environ 12 % du C.A.). Mais avec l’explosion de la bulle Internet, Cisco enregistre ses premières pertes, qui dépassent le milliard, favorisées par une charge de plus de 2 milliards pour dépréciation d’actifs.
Plusieurs milliers de collaborateurs sont remerciés à cette occasion.

extrait du rapport annuel 2001 de Cisco

Le rythme des acquisitions faiblit nettement. On en compte deux sur toute l’année. D’une part, AuroraNetics (transport optique), pour 150 millions de dollars en actions. De l’autre, Allegro Systems (accélération VPN), pour 181 millions de dollars en actions.

Cisco recentralise par ailleurs le marketing et la R&D, abandonnant l’organisation par segments de marché.

La gamme de routeurs est complétée avec la série 12400, qui met en œuvre le MPLS, alors standardisé. S’y ajoute aussi le SN 5420 Storage Router, qui permet d’accéder à des volumes de stockage en utilisant la technologie iSCSI développée avec IBM.

extrait de la documentation du SN 5420

Cisco continue sa marche en avant vers la VoIP et commence vraiment à parler d’IPv6. Tout en travaillant sur la mise à l’échelle des réseaux IP (témoin la technologie Very Short Reach sur liens optiques).

En 2002, l’équipementier livre son millionième téléphone IP. Le résultat net revient au vert, mais pour la première fois, le nombre d’employés baisse : 35 670 en fin d’année, contre 38 402 fin 2001.

Les acquisitions sont un peu plus nombreuses :

  • Hammerhead Networks (agrégation IP), pour environ 173 millions de dollars en actions
  • Navarro Networks (circuits intégrés pour équipements Ethernet), pour environ 85 millions de dollars en actions
  • AYR Network (services réseau), pour 113 millions de dollars en actions
  • Andiamo Systems (switchs pour stockage SAN), pour environ 2,5 milliards de dollars en actions
  • Psionic Software (réduction des faux positifs pour la détection d’intrusions), pour environ 12 millions de dollars en actions

Cisco crée une division dédiée aux opérateurs (Carrier Systems Group). Et met notamment à leur disposition une gamme d’interfaces 10GbE (Ethernet 10 gigabits). Ainsi que des technologies destinées à maximiser la disponibilité réseau.

extrait de la revue « The Packet », 4e trimestre 2002

La lignée Cisco Aironet s’étoffe avec des dispositifs bibandes à 54 Mbps et des points d’accès en PoE (Power-over-Ethernet).
Les routeurs SN 5420 sont complétés par les switchs MDS 9000, destinés à pousser le SAN dans le datacenter.

Les routeurs MDS utilisent le système d’exploitation NX-OS. Basé sur un noyau Linux, il apporte le multitâche avec préemption (hiérarchisation des processus) et prend en charge les scripts Python. Il est possible de ne charger que les fonctions nécessaires et ainsi diminuer son empreinte.

La tentation du BtoC

Nouvelle baisse du nombre d’employés en 2003 : en fin d’année, ils sont 34 466.

L’année est marquée par l’acquisition de Linksys, pour environ 500 millions de dollars en actions. Elle ouvre à Cisco une grande porte sur le marché des équipements réseau domestiques.

Trois autres acquisitions s’ajoutent à la liste ;

  • Okena (sécurité client et serveur), pour environ 154 millions de dollars en actions
  • SignalWorks (VoIP haute qualité), pour environ 13,5 millions de dollars en actions
  • Latitude Communications (communications unifiées), pour environ 80 millions de dollars

Cisco continue d’étoffer son portefeuille de solutions de sécurité, entre pare-feu et prévention d’intrusion. Et « verticalise » son offre de routeurs, entre environnements difficiles (Catalyst 2955) et secteur éducatif (Catalyst 2940).

Six axes de développement sont identifiés dans le domaine des « technologies avancées » : réseaux optiques, téléphonie sur IP, sécurité réseau, réseaux locaux sans fil, stockage en réseau et réseaux domestiques.

extrait de la revue « The Packet », 3e trimestre 2003

Le nombre d’employés baisse à nouveau en 2004 (ils sont 34 371 en fin d’année). Le chiffre d’affaires sur l’exercice fiscal passe les 20 milliards de dollars.

Cisco consolide les relations avec ses partenaires, entre autres pour accompagner la demande de ses clients en stockage réseau.

Les acquisitions retrouvent leur rythme de la fin des années 90. Vu la chute de l’action Cisco, les opérations sont réalisées en numéraire :

  • Twingo Systems (sécurité VPN), pour environ 5 millions de dollars
  • Riverhead Networks (protection contre les attaques DDoS), pour environ 39 millions de dollars
  • Certains actifs de Procket Network (routeurs), pour environ 89 millions de dollars
  • Actona Technologies (gestion des données), pour environ 82 millions de dollars
  • P-Cube (outils de gestion pour opérateurs télécoms), pour environ 200 millions de dollars
  • Parc Technologies (gestion du trafic IP), pour environ 9 millions de dollars
  • NetSolve (gestion distante d’infrastructures)
  • dynamicsoft (gestion des accès et de la conformité), pour environ 74 millions de dollars
  • Jahi Networks (gestion réseau), pour environ 16 millions de dollars
  • BCN Systems (solutions de routage), pour environ 34 millions de dollars

Linksys annonce plusieurs produits, dont une caméra sans fil et un lecteur multimédia connecté de salon.

publicité extraite du magazine « HVM », mars 2006

Offensive  sur les télécoms

Sur le marché des opérateurs télécoms, Cisco monte en capacité avec le routeur en rack CRS-1, atteignant 92 Tbit/s en agrégation avec le Carrier Routing System. Les prix démarrent à 450 000 $.

Le système d’exploitation embarqué est basé sur le noyau QNX Neutrino (proche d’UNIX). Nommé IOS XR, il introduit le multitâche avec préemption.
La prise en charge des processeurs multicœurs améliore la disponibilité. Le système de paquets logiciels permet d’installer des fonctions additionnelles sans redémarrer.
La version actuelle n’est plus basée sur QNX, mais sur Wind River Linux.

Le portefeuille de solutions de communication Cisco accueille aussi, en 2005, un service d’appels vidéo.

Pour Linksys, l’année est synonyme de montée en puissance auprès des PME. Entre autres à travers une plate-forme de communication unifiée. Destinée aux FAI, elle est portée par la promesse d’une facturation unique pour le client final.
L’initiative est complétée par une alliance avec Skype autour d’un téléphone sans fil.

Cisco aussi lance des offres de communication calibrées pour les petites et moyennes entreprises (à partir de 20 collaborateurs).
Pour en encourager l’adoption, il leur associe notamment une technologie qui « parle le langage des applications » : l’Application-Oriented Networking. Elle analyse le trafic IP pour en comprendre la nature et l’optimiser en conséquence.

L’acronyme SDN prend un deuxième sens au portefeuille du groupe américain : « Self-Defending Network ».

La lignée Adaptive Security Appliance (ASA) 5500 comprend à l’origine trois modèles. Ci-dessus, l’ASA 5510.

Une douzaine d’acquisitions rythment l’année :

  • Airespace (switchs WLAN), pour 450 millions de dollars en actions
  • Sipura Technology (VoIP « grand public »), pour environ 68 millions de dollars. C’est la première acquisition de la division Linksys.
  • Topspin Communications (switchs pour le datacenter), pour environ 250 millions de dollars
  • FineGround Networks (gestion des applications réseau), pour environ 70 millions de dollars
  • M.I. Secure (sécurité réseau), pour 13 millions de dollars
  • Vihana (semi-conducteurs), pour environ 30 millions de dollars
  • NetSift (technologies de commutation), pour environ 30 millions de dollars
  • Sheer Networks (gestion réseau), pour environ 97 millions de dollars
  • KiSS Technology (appareils multimédias connectés). C’est la deuxième acquisition de la division Linksys.
  • Nemo Systems (gestion de la performance réseau), pour environ 12,5 millions de dollars
  • Scientific-Atlanta (modems et box ; technologies de distribution multimédia), pour environ 7 milliards de dollars en actions. Ce qui permet à Cisco de proposer une solution aux (câblo)-opérateurs une solution convergente « data + voix + vidéo + mobilité ».
  • Une partie des technologies de Cybertrust (cybersécurité), pour environ 14 millions de dollars

Sur le marché des opérateurs télécoms, l’équipementier lance ses routeurs à services intégrés (ISR). Ils permettent de personnaliser des solutions en ajoutant à la plate-forme de routage des fonctionnalité de sécurité, de voix et de sans fil.

Sans fil et sécurité

En 2006, Cisco Systems devient Cisco.
Le groupe accélère avec la marque Linksys :

extrait du rapport d’activité 2006 de Cisco, intitulé « Welcome to the Human Network »

L’offre à destination des câblo-opérateurs s’élargit avec deux set-top box signées Scientific-Atlanta.
Cisco fait aussi son entrée sur le marché de la téléprésence.

Le spectre des acquisitions se diversifie :

Dans le domaine de la sécurité, Cisco concentre ses efforts sur les réseaux sans fil, capitalisant notamment sur l’acquisition de Meetinghouse.

En 2007, le chiffre d’affaires atteint 30 milliards de dollars.

extrait du rapport annuel 2007

Cisco commence à ajouter la connectivité cellulaire (3G) dans ses équipements pour les opérateurs télécoms.

Son catalogue mobilité se verticalise avec notamment une offre pour le secteur de la distribution. Construite sur la plate-forme de communication unifiée, elle inclut une technologie qui « connecte » les chariots. Ceux-ci sont dotés d’écrans qui délivrent des informations au client selon sa localisation dans un magasin.

Une dizaine d’acquisitions sont officialisées :

  • IronPort (sécurité de la messagerie électronique), pour 830 millions de dollars
  • Five Across (gestion de communautés)
  • Reactivity (passerelles XML), pour environ 135 millions de dollars
  • NeoPath Networks (gestion du stockage de fichiers)
  • SpansLogic (semi-conducteurs)
  • BroadWare Technologies (vidéosurveillance)
  • Cognio (gestion des réseaux sans fil)
  • Latigent (outils analytiques pour centres d’appels)
  • Navini Networks (solutions WiMAX), pour environ 330 millions de dollars
  • Securent (administration des environnements IT), pour environ 100 millions de dollars
  • WebEx (communications unifiées), pour 3,2 milliards de dollars

Cisco fait alors la jonction entre WebEx et plusieurs solutions collaboratives. Parmi elles, Microsoft Office et le CRM Siebel d’Oracle.

issu des archives du Center for Cisco Heritage

Blade et virtualisation

En 2008, Cisco annonce sa puce 40 cœurs QuantumFlow Processor et en dote les routeurs à services d’agrégation ASR 1000.

Ces derniers sont pourvus d’une version dérivée d’IOS. Nommée IOS XE, elle repose, comme NX-OS, sur un noyau Linux qui fait tourner plusieurs processus (IOS est l’un d’entre eux). Cette architecture permet notamment l’exécution parallèle de tâches dans des zones mémoire séparées. Les séries de switchs Catalyst 3000 et 9000 bénéficieront également d’IOS XE.

L’année 2008 est aussi celle du lancement des switchs Nexus 7000, qui utilisent NX-OS, optimisé pour les liens Ethernet 10 gigabits (10GbE).

La gamme Nexus s’élargit rapidement et accueille notamment un switch virtuel (1000v) pour VMware et Hyper-V.

L’Application eXtension Platform (AXP) voit le jour. Elle consiste en plusieurs modules hardware qui permettent le développement d’applications Linux à destination des ISR.

Les acquisitions se comptent au nombre de quatre :

  • DiviTech (gestion des contenus et flux vidéo)
  • Pure Networks (gestion des réseaux domestiques), pour environ 120 millions de dollars en actions
  • PostPath (messagerie collaborative avec calendrier), pour environ 125 millions de dollars en actions
  • Jabber (communication et présence)

En 2009, la virtualisation du datacenter prend du relief dans la communication de Cisco.

Sur l’année fiscale, l’activité de routage représente environ 17 % du chiffre d’affaires, contre 33 % pour la commutation, 26 % pour les « technologies avancées » et 19 % pour les services.
Les grandes entreprises restent le principal pourvoyeur de revenus (environ 40 %), devant les opérateurs télécoms (30 %) et les PME (25 %).

Le segment grand public ne capte encore que 5 % des revenus. Pour autant, Cisco persiste en réalisant l’acquisition de Pure Digital Technologies, propriétaire et exploitant de la marque de caméras Flip Video… dont la production sera suspendue au printemps 2011.

Quatre autres opérations de croissance externe sont annoncées cette année-là :

En lançant, toujours en 2009, son architecture UCS (Unified Computing System) associant serveurs, switchs et accès au stockage, Cisco arrive sur le marché du blade. Et stoppe en conséquence ses partenariats avec IBM et HP.

Dix ans plus tôt, HP et Cisco s’étaient associés pour fournir aux opérateurs une plate-forme destinée à mesurer l’usage de leurs services (issu de la revue « The Packet », 3e trimestre 1998).

La vidéo à la relance

Le chiffre d’affaires dépasse 40 milliards de dollars en 2010, année du lancement du CRS-3 (ci-contre ; successeur du CRS-1) et de Quad. Cette plate-forme web associe l’aspect réseau social aux outils de communication et de collaboration. Elle sera rapidement proposée en mode cloud.

Pour la première fois, Cisco annonce qu’il versera un dividende (de 1 à 2 %).

Les acquisitions reflètent l’importance grandissante de la vidéo dans la stratégie :

  • Tandberg (visioconférence), pour environ 3 milliards de dollars en actions. Les technologies de cette entreprise norvégienne aideront Cisco à faire le pont entre ses différentes offres dans ce domaine.
  • MOTO Development Group (conseil en design pour l’industrie grand public)
  • CoreOptics (processeurs de signaux numériques pour réseaux optiques), pour environ 99 millions de dollars
  • ExtendMedia (gestion de contenus vidéo)
  • Arch Rock (réseaux sans fil)
  • LineSider (gestion réseau)

Les effets de la crise se font ressentir en 2011. Cisco annonce un vaste plan d’économies visant à réduire ses dépenses d’exploitation d’un milliard de dollars sur une base annuelle. Il supprime plus de 10 000 postes, simplifie son organisation décisionnelle et se recentre sur son cœur de métier : les réseaux d’entreprise, en lorgnant les pays émergents.

La tablette Cius (7 pouces, sous Android) lancée cette année-là se révèle un échec. La commercialisation, réalisée uniquement en indirect dans les canaux BtoB, sera stoppée à peine un an plus tard.

Les acquisitions gardent une forte coloration multimédia et commencent à toucher à l’univers du cloud :

  • Pari Networks (gestion réseau)
  • Inlet Technologies (gestion multimédia), pour environ 95 millions de dollars
  • newScale (déploiement de services cloud)
  • Les actifs logiciels d’AXIOSS (à destination des opérateurs télécoms)
  • Versly (plug-in collaboratif pour Office)
  • BNI Video (gestion de contenus vidéo), pour environ 99 millions de dollars

Le cloud, justement, devient un argument pour les opérateurs télécoms, qui viennent marcher sur les plates-bandes de Cisco : Huawei avec l’offre U2Net, Nokia Siemens Networks avec LiquidNet…

La prise de distance avec le marché grand public se confirme jusque dans les acquisitions réalisées en 2012 :

  • NDS Group (sécurité des contenus multimédias), pour environ 5 milliards de dollars
  • Lightwire (réseaux optiques)
  • Virtuata (sécurité du cloud et du datacenter)
  • Cloupia (gestion cloud), pour environ 125 millions de dollars
  • Meraki (équipements réseau), pour environ 1,2 milliard de dollars

Cisco lève le voile sur sa stratégie SDN sous la bannière ONE, pour Open Networking Environment. Objectif : faire en sorte que chaque couche du réseau soit programmable.

L’accord noué trois ans auparavant avec VMware s’en trouve fragilisé.
Quelques semaines après la présentation de ONE, le premier fait l’acquisition de Nicira (virtualisation du réseau) pour 1,26 milliard de dollars. Rapidement, le second signe un partenariat avec Lenovo sur les serveurs.

En parallèle, face à Citrix et F5 Networks, Cisco met un terme à son offre Application Control Engine axée sur l’optimisation de la performance applicative.

John Chambers évoque pour sa part l’éventualité d’un départ. Sur le volet business, il affirme vouloir doubler, sur cinq ans, les revenus du groupe dans le secteur des logiciels (et atteindre ainsi les 12 milliards de dollars).

Le slogan « The Human Network » laisse sa place à « Tomorrow Starts Here » (« Demain commence ici »). Et Cisco lance une campagne « Internet of Everything ».

Entre le cloud et l’IoT

Les suppressions de postes se poursuivent en 2013. Elles touchent environ 5 % des effectifs.

Dans la lignée de son initiative ONE, le groupe insiste sur l’unification du réseau : ASIC pour la gestion combinée du wireless et du filaire, préparation de l’arrivée du SDN…

L’aventure sur le segment grand public prend véritablement fin avec la vente de Linksys à Belkin.

Le trio cloud – mobilité – sécurité fait cette année-là l’objet de plusieurs acquisitions :

  • Intucell (administration des réseaux cellulaires), pour environ 475 millions de dollars
  • Cognitive Security (cybersécurité)
  • SolveDirect (intégration de services)
  • Ubiquisys (technologies de réseau cellulaire), pour environ 310 millions de dollars
  • JouleX (gestion énergétique des environnements réseau), pour environ 107 millions de dollars
  • Composite Software (virtualisation), pour environ 180 millions de dollars
  • Sourcefire (cybersécurité), pour environ 2,7 milliards de dollars
  • BroadHop (gestion de services télécoms)
  • WHIPTAIL (mémoires flash), pour environ 415 millions de dollars. En naîtra l’entité Invicta.
  • Insieme Networks (solutions d’infrastructure pour le datacenter), pour 830 millions de dollars
  • Collaborate.com (plate-forme collaborative cloud)

Nouveau temps dans la stratégie d’unification en 2014. D’une part pour la gestion des réseaux physiques et virtuels, avec la mise en oeuvre de la plate-forme ACI (Application Centric Infrastructure), concurrente de VMware NSX. De l’autre avec l’offre de cloud hybride Intercloud… qui fermera trois ans plus tard.

Cisco continue de supprimer des emplois, mais l’effectif grossit en conséquence des acquisitions.

Cette année-là, ces dernières ont pour la plupart un dénominateur commun. En l’occurrence, l’analyse des données, que ce soit pour optimiser le datacenter, orchestrer les réseaux ou en renforcer la sécurité :

  • Tetration Analytics (traitement analytique du datacenter)
  • ThreatGRID (détection de menaces)
  • Assemblage (outils collaboratifs)
  • Tail-f Systems (orchestration réseau), pour environ 175 millions de dollars
  • Metacloud (cloud privé OpenStack)
  • Neohapsis (services en sécurité)

Sur le marché des opérateurs télécoms, le troisième des CRS (CRS-X, dont un modèle figure ci-contre) voit le jour. Il permet d’atteindre des capacités avoisinant 1 Pbit/s.

Pour appuyer son ancrage dans l’univers IoT, Cisco établit un fonds de 150 millions de dollars à destination des accélérateurs et des start-up en amorçage.

Le groupe se désengage quasi intégralement de la coentreprise VCE qu’il avait constituée avec VMware et EMC.
En interne, il réorganise ses équipes sous le prisme du DevOps.
La stratégie ONE est alimentée, entre autres, par le lancement du centre de ressources en ligne DevNet.

Le 26 juillet 2015, John Chambers laisse la direction générale du groupe à Chuck Robbins, SVP commercial monde (il lui cédera, fin 2017, la présidence exécutive).

Quelques heures plus tôt, Cisco avait officialisé la vente de son activité modems et set-top box au français Technicolor, pour 600 millions de dollars.
La division était née de l’acquisition de Scientific Atlanta.

Scientific Atlanta dans les années 1990 (issu des archives du Center for Cisco Heritage)

Hyperconvergence & Cie.

Tandis que HP scinde ses activités et que Dell vise la fusion avec EMC, Cisco choisit de conserver sa structure… en abandonnant cependant l’aventure dans le monde du stockage avec Invicta.

Les acquisitions réalisées en 2015 confirment l’importance que les services ont prise dans l’offre de Cisco :

  • Tropo (API cloud de communication et collaboration)
  • Embrane (gestion du cycle de vie des services réseau)
  • Piston Cloud Computing (gestion cloud)
  • OpenDNS (protection contre les menaces), pour environ 635 millions de dollars
  • MaintenanceNet (gestion des contrats clients), pour 139 millions de dollars
  • Pawaa (partage de fichiers)
  • 1Mainstream (plate-forme vidéo)
  • ParStream (sécurité des environnements IoT)
  • Acano (passerelles logicielles pour les solutions de communication et de collaboration), pour environ 700 millions de dollars
  • Lancope (sécurité réseau), pour environ 452 millions de dollars

En 2016, le résultat net dépasse pour la première fois les 10 milliards de dollars.

L’entrée sur le marché de l’hyperconvergence se fait  avec l’offre HyperFlex Systems. Elle associe des serveurs Cisco UCS et une technologie SDN signée d’une start-up fondée par des anciens de VMware.

L’alliance entre EMC et Cisco autour de VCE n’est pas remise en cause par le rapprochement avec Dell. Sur le volet IoT, des partenariats sont noués avec IBM et Salesforce.

Quatre acquisitions sont annoncées :

En 2017, l’intelligence artificielle prend du volume dans le discours de Cisco. Objet d’une alliance avec McAfee, elle se fait aussi une place dans la liste des acquisitions :

  • AppDynamics (gestion de la performance applicative), pour environ 3,7 milliards de dollars. L’entreprise visait initialement une introduction en Bourse.
  • Viptela (SD-WAN), pour 610 millions de dollars
  • MindMeld (plate-forme de développement de chatbots), pour 125 millions de dollars
  • Observable Networks (sécurité cloud)
  • Springpath (système de fichiers hyperconvergent)
  • Perspica (analyse de données). C’est officiellement la 200e acquisition de Cisco.
  • BroadSoft (centre d’appels cloud), pour environ 1,9 milliard de dollars

L’année 2017 est aussi celle d’un partenariat d’envergure avec Google Cloud en vue d’une combinaison d’offres autour de « piliers » technologiques tels que Kubernetes.

Côté partenaires, Cisco pousse des certifications visant à développer le « réflexe logiciel », entre gestion des réseaux et développement d’applications.

En 2018, le chiffre d’affaires frôle les 50 milliards de dollars.

Cisco doit gérer les effets de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis : plusieurs milliers de produits voient leurs prix relevés.
Le groupe rapatrie par ailleurs près de 70 milliards de dollars de fonds offshore en conséquence de la « réforme Trump ». Cette dernière autorise ledit rapatriement en contrepartie d’un taux d’imposition abaissé.

Les acquisitions consomment plusieurs milliards de dollars :

  • SkyPort Systems (systèmes hyperconvergés)
  • Accompany (gestion de la relation client), pour 270 millions de dollars
  • July Systems (technologies de géolocalisation)
  • Ensoft (automatisation réseau)
  • Duo Security (cybersécurité), pour environ 2,35 milliards de dollars
  • Luxtera (semi-conducteurs), pour 660 millions de dollars
  • Singularity Networks (gestion de la performance réseau), pour 660 millions de dollars

Le tableau de chasse s’est allongé en 2019 avec Sentryo (gestion des réseaux IoT). Acacia Communications (réseaux optiques) devrait rejoindre la liste, moyennant un investissement de près de 3 milliards de dollars.

Le partenariat avec Google s’est décliné sur plusieurs axes, dont le développement de la connectivité Wi-Fi à l’échelle de la planète.

L’IA, elle, infuse dans les outils collaboratifs. Tandis que l’IoT hérite d’une composante SD-WAN.

Illustration principale © Cisco

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