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Smart City : déjà un enjeu électoral ?

En matière de Smart City, les services et projets se déclinent surtout dans les domaines du stationnement et des transports : veiller au meilleur taux de remplissage des bus et des trains, orienter les automobilistes vers les places de parking libres, prévoir une heure à l’avance les conditions de circulation dans les périodes de pointe. Autre axe de services innovants, la simplification des relations avec l’administration, tant pour les entreprises que pour les citoyens. L’utilisation des réseaux sociaux et des applications de téléphonie mobile est un outil privilégié, mais pas exclusif.

Ces objectifs doivent être réalisés en créant les conditions optimales d’un développement durable et d’une meilleure qualité de vie. Dans un contexte de compétition entre les villes, en France ou en Europe, la Smart City fait partie d’une stratégie visant à accroitre l’attractivité du territoire. De plus, la proximité du scrutin municipal en mars 2014, pousse sans aucun doute les collectivités territoriales à jouer la carte de la modernité en communiquant sur la notion de « Ville intelligente » et des technologies du numérique, des thèmes jugés porteurs et innovants, susceptibles de leur amener les voix d’un électorat jeune et connecté.

Casser l’organisation en silos des services

Même si le numérique n’est pas le seul facteur de changement, ni la solution à tous les problèmes d’un territoire urbain, il impacte fortement les outils et les programmes qui sont mis en œuvre.

La gouvernance et l’organisation des villes et collectivités fonctionne avec des services de la ville en « silos » (transport, voirie, propreté, etc.) ; chaque service dispose de son propre système d’informations, autant de données qui ne sont pas ou peu mutualisées. Mais, comme le souligne Bruno Marzloff, sociologue et fondateur de la société Chronos : « La transversalité entre les services ne s’est pas encore imposée, or elle est indispensable aujourd’hui pour articuler tous les services d’une ville. C’est une analyse prospective que nous avions énoncée voici plusieurs années. Il faut décloisonner ». D’autant que ce mode de travail en silos concerne tant les communes, que les intercommunalités ou conseils généraux mais aussi les acteurs privés qui agissent sur les infrastructures, l’énergie, l’eau, les transports ou les intégrateurs de systèmes informatiques.

Côté usager, cette transversalité doit aboutir à une simplification des démarches, via un principe de guichet unique servant de passerelle dans les relations des citoyens avec les différents service. Et les relations des usagers, particuliers ou entreprises, avec une collectivité territoriale, se veulent aujourd’hui interactives et mobiles avec les tablettes, et smartphones, rendant marginaux des outils de consultation de l’opinion par enquêtes et focus groups. Ce mode de communication entre usagers et services de la ville suppose à la fois l’usage de nouveaux canaux déjà évoqués, comme Twitter employé par la Ratp ou le Transilien, et la prise en compte des capteurs placés sur les bornes de paiement, les horodateurs ou sur la voirie.

Les expériences en cours et les projets finalisés

Si ces projets sont évidemment risqués – car ils supposent une remise en cause des organisations en place -, ils sont aussi porteurs de promesses pour les gestionnaires de collectivités. Pour ces derniers, l’objectif est d’optimiser des budgets qui ne sont pas en expansion avec des dotations d’Etat en diminution, dans la plupart des villes, de 5 à 20 %, selon Christophe Bernard, secrétaire général de l’Adcf (assemblée des communautés de France). Hier encore expérimentaux, ces projets bénéficient aujourd’hui de premières implémentations, permettant de mieux baliser les démarches et de rendre plus fiables les projections des décideurs.

Ile-de-France et Issy-les-Moulineaux

Le réseau de transport Transilien de la SNCF en Ile-de-France a ainsi présenté en juin 2013, l’application pour iPhone Tranquilien de crowdsourcing (utilisation de la créativité, de l’intelligence et du savoir-faire d’un grand nombre de personnes pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par une organisation) basée sur l’Open Data de la SNCF. Tranquilien permet d’optimiser les places assises en informant les utilisateurs en temps réel sur l’encombrement des trains. Bénédicte Tilloy directrice générale de SNCF Transilien, explique que les usagers sont mis à contribution pour informer la communauté du taux de remplissage des wagons à l’aide d’un code couleur (rouge/orange/vert).

Signalons également l’initiative de l’association OpenStreetMap France, qui propose aux usagers d’améliorer l’information de proximité. Et vient de signer un partenariat avec la SNCF pour enrichir le mapping de l’accessibilité d’une partie des gares de banlieue parisienne. Cette micro-cartographie, disponible ici, a débuté en juillet 2013 sur la ligne C du RER.

A Issy-les-Moulineaux, IssyGrid, piloté par Bouygues Immobilier, est un projet pilote qui met en place le compteur intelligent chez l’usager à l’échelle d’un quartier de 10 000 habitants, appelé à produire en partie son électricité grâce à des panneaux solaires.

Strasbourg sans contact

La ville de Strasbourg a expérimenté dès 2011 le programme Cityzi de services pour la téléphonie mobile NFC sans contact. C’est sur cette base que la CTS (Compagnie des Transports Strasbourgeois) a lancé en juin 2013, un système de paiement des titres de transports via une application gratuite Android (U’GO). Celle-ci permet d’acheter des titres à l’unité, des abonnements et les valider sur une borne. Le paiement des parkings est en service depuis 2011 et met aujourd’hui en œuvre un double système NFC et par QR code pour ceux qui ne disposent pas d’un terminal compatible. Ce système, co-financé par l’Etat, a couté environ 1 million d’euros à la communauté urbaine de Strasbourg (CUS). Sandrine André, responsable de l’économie numérique à la CUS, met en avant « la facilité accrue de paiement du stationnement et des moyens de transports qui devrait permettre à la CUS de récupérer plusieurs millions d’euros sur le long terme » .

Bordeaux en pleine réflexion

De son côté, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et la ville ont lancé un appel à projets sur 4 ans afin de développer des services mobiles sur la billetique, le stationnement et d’autres usages. Mais, pour l’heure, aucune réalisation importante n’est finalisée. La CUB a toutefois mis en place en février 2013 l’opération e-Pionniers, des tablettes numériques confiées à une centaine de volontaires des deux sexes et d’âges différents, répartis sur l’ensemble du territoire. Béatrice de François, vice-présidente de la Cub chargée des relations avec les usagers et les usages numériques, pointe les priorités: « Il faut d’abord terminer le câblage haut débit de la ville, quant à l’Open Data, il reste encore à normaliser les données avant de les utiliser. En pratique, il faut prévoir des clauses spécifiques dans les cahiers des charges et les appels d’offres. Nous ne devons pas accepter les offres pré-formatées de l’industrie ».

Lyon : prévisions de trafic à une heure

Le Grand Lyon, plus grande communauté urbaine de France après l’Ile-de-France, avec ses 1,3 million d’habitants, affiche 40 programmes finalisés, en cours ou en projet sur 4 thématiques : nouvelles mobilités, services numériques, énergie et smartgrids, conditions de l’innovation. Parmi ces programmes figurent, notamment, des actions de mobilité multimodales (métro, bus, tram, vélo, voiture électrique) et le partage des données publiques (Grand Lyon Smart Data). Le projet Grizzly, aujourd’hui en phase de déploiement, concerne la gestion de la chaussée en cas de neige ou de verglas. Il fait appel à des capteurs de la société Hikob, autonomes en énergie et permettant de récupérer les informations sur l’état de la voirie. Le bénéfice attendu ? Une meilleure gestion des conséquences des intempéries (salage, interventions, conditions de circulation, etc.).

Le projet le plus ambitieux en cours est le programme Optimod, une centrale de mobilité accessible par des applications de smartphones et des ordinateurs qui répond à la question : comment aller d’un point A à un point B le plus rapidement et au meilleur prix ? Optimod est le premier système européen de prévision de trafic à 1 heure grâce à l’analyse des données de trafic collectées sur les 5 années précédentes et la comparaison avec les informations en temps réel générées par des capteurs et boucles sans fil sous la voirie. La gestion des aires de livraison et du stationnement est intégrée au projet. Boris Demay, responsable du développement du bureau d’études Phoenix ISI, précise la contribution de sa société au programme Optimod : « Nous récupérons et analysons en temps réel toutes les données liées au trafic, provenant de plus de 500 points de mesure. Toutes les 6 minutes, nous effectuons une prévision, détaillant tout ce qui va se passer sur le réseau dans l’heure qui arrive ». Optimod bénéficie d’un budget de 7 M€ avec un cofinancement de 3 M€ par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Nice le pionnier

A Nice, la municipalité à ouvert tôt et grand les portes aux partenariats privés avec les grands groupes et les PME avec, notamment, IBM, Cisco, Orange, Veolia Environnement, EDF, ERDF, GDF-Suez ou encore Schneider. Labellisée EcoCité en 2008, la ville a déjà reçu jusqu’ici plus de 4 millions d’euros de subventions versées par le fonds « Ville de demain » de l’Etat, et en espère 32 millions au total. D’après Florence Barale, déléguée à l’innovation de la ville de Nice : « Le rôle des outils intelligents est notamment de créer de l’emploi et d’améliorer la productivité des services dans une gouvernance qui échange avec le privé. Il est plus difficile d’intégrer le citoyen dans la réflexion ».

Dans la ville, Cisco réalise à sa charge un projet test, « Le boulevard connecté » sur une zone du centre ville de 400 m par 800 m. Plus de 200 capteurs équipent le secteur, pour gérer le stationnement, détecter des présences, lever les doutes par caméra, connaitre le niveau de remplissage des containers à déchets. Selon Jean-François Balcon, chef de marchés SmartCities chez Cisco : « En France, les horodateurs ne recouvrent que 15 % des montants liés aux temps de stationnement. Avec un paiement à distance via le WiFi, le conducteur pourra étendre sa durée de parking lorsqu’une réunion s’éternise. ». Et la ville peut espérer de meilleures rentrées d’argent, en simplifiant le paiement via les outils numériques, et en accélérant les contrôles et la constatation des infractions, via la centralisation de l’information.

Cisco expérimente aussi une gestion intelligente de l’éclairage urbain, avec à la clé, des économies d’électricité via une gestion fine de la consommation en fonction du flux de véhicules, de l’heure, etc. Jean-François Balcon estime que les économies d’énergie dans ce domaine peuvent être importantes, « de l’ordre 20 à 80 % selon les cas de figure ».

Des Smart Cities créées de toute pièce : Songdo et MasdarDans la lointaine banlieue de Séoul en Corée du Sud, la ville nouvelle de Songdo est une vitrine pour les cités connectées. Les technologies numériques sont systématiquement intégrées aux infrastructures, publiques comme privées. Cisco a pris en charge l’ensemble du réseau de Songdo. Mais cet immense projet a pris du retard et les investisseurs se font encore attendre.Le projet de démonstration Masdar (en arabe « la source »), initié par la famille régnante d’Abu Dhabi (le Sultan Ahmed Al Jaber), ambitionne d’intégrer dans une ville, prévue pour 50 000 habitants et dont l’achèvement est attendu en 2025, toutes les technologies nouvelles, numériques et environnementales.

Les bénéfices attendus par les communautés urbaines

  • La ville et la métropole doivent proposer de nouveaux services aux usagers, particuliers et entreprises pour fluidifier les déplacements sous toutes leurs formes, dans des métropoles de plus en plus congestionnées. Sans ressources budgétaires supplémentaires, la « ville intelligente » doit mieux gérer la circulation, le stationnement. L’utilisation partagée des données publiques peut susciter des initiatives collaboratives avec les usagers, comme pour le RER en Ile-de-France. Beaucoup de villes ont déjà mis en place ou travaillent sur des projets de billetique de transport, mettant en œuvre des terminaux NFC sans contact, ou d’horodateurs « intelligents ».
  • La Smart City est vue aussi par les villes sous l’angle de la réduction des coûts en améliorant le taux de paiement des horodateurs et la productivité des services. A Nice, l’expérience Spot Mairie, développée par Cisco, est un système de mairie virtuelle implanté dans une enseigne de la grande distribution. Il est censé alléger les tâches administratives du personnel de la ville. Cisco reconnait cependant qu’il n’est pas possible de s’affranchir du personnel pour aider les habitants peu à l’aise avec les bornes interactives.
  • Réduire la consommation des ressources et mieux collecter les eaux usées sont deux objectifs clefs de la Smart City. IBM, a par exemple, engagé un programme de gestion optimisée des ressources à Malte, avec la volonté de mieux gérer la consommation d’électricité et de prévenir les fuites dans les réseaux de distribution d’eau par une connaissance en temps réel des consommations.

Les limites et les contraintes de la Smart City

  • La concertation avec les habitants et leur participation réelle aux projets qui les concernent doivent être remises en question. Surtout, la mise en place des technologies numériques ne doit pas être considérée comme une baquette magique. Pierre Musso, enseignant-chercheur, titulaire de la chaire « Modélisations des imaginaires, innovation et création » affirme « son scepticisme à l’égard du slogan des ‘territoires’ ou des ‘villes numériques’ qui est tout sauf heureux, car il met l’accent sur le numérique là où il faudrait le mettre sur les ressources humaines, culturelles, sociales, etc. des territoires. ». La  communication des collectivités territoriales sur les Smart Cities ne doit pas occulter les lourds problèmes que sont, par exemple, le prix du foncier, la ghettoïsation de certains quartiers ou l’asphyxie des transports. Bruno Marzloff, sociologue spécialiste de la mobilité, souligne : « Il n’y a aucune innovation de rupture dans le domaine des Smart Cities. En mobilité, il faut en finir avec le schéma existant, où l’on crée de nouvelles voies qui se remplissent ce qui crée une demande supplémentaire, etc. Il faut savoir quelle ville on veut ? Quelle mobilité ? Comment la cité s’organise. L’intelligence n’est pas que numérique, elle doit être aussi politique. »
  • Les acteurs privés qui interviennent dans les villes intelligentes développent et installent des technologies dont les effets et la véritable utilité ne sont pas toujours envisagés et contrôlés par les collectivités territoriales. L’Open Data, les smartgrids et d’autres nouveaux projets sont aujourd’hui encore en phase d’expérimentation.

Les contraintes techniques

  • La multiplication rapide des capteurs de toute nature, des smartgrids et autres applications, connues sous le terme d’Internet des objets, exige le déploiement rapide du protocole IPv6 permettant d’utiliser un nombre considérable d’adresse IP (soit 2128).  Aujourd’hui, seuls 2 à 5 % du trafic européen se fait en utilisant le protocole IPv6 alors que sa standardisation remonte déjà à 1998.
  • L’Open Data, le partage des données que beaucoup de villes et acteurs publics mettent en avant, est encore peu utilisé a cause d’un frein lié aux habitudes de rétention des données. Surtout, il existe des contraintes techniques comme l’utilisation et la compatibilité des formats des données, issues de multiples sources. De plus, les données doivent être précises et justes, sans doublons et mises régulièrement à jour… Toutes choses qui demandent des investissements importants. Les gains financiers risquent donc de se faire attendre.

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