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Ecotaxe : mise à mort d’un chantier M2M géant

En annonçant la suspension sine die du dispositif écotaxe, la ministre de l’Ecologie ne provoque pas la seule colère des écologistes. Se pose aussi la question de l’avenir d’Ecomouv, la filiale de la société filiale d’Autostrade per l’Italia avec laquelle l’Etat (via le ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement à l’époque) avait signé un accord de partenariat en octobre 2011 pour 14 ans. Ecomouv est chargée de la mise en place de l’infrastructure permettant la collecte des données et sa gestion.

Rappelons que, inscrite au Grenelle de l’Environnement en 2008 sous la majorité précédente, cette taxe visait à faire payer aux poids-lourds transporteurs de marchandise de plus de 3,5 tonnes l’usage de la quasi-totalité du réseau routier national selon des paramètres bien définis (spécificité des véhicules, régions traversées, etc.). Soit 15 000 km de routes à surveiller. Un réseau réduit à 4000 Km dans le cadre du péage transit poids lourds, le nouveau dispositif appelé à remplacer l’écotaxe mainte fois reportée et qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2015.

Un système complexe et coûteux

Un système complexe qui repose d’une part sur un équipement électronique embarqué à bord des véhicules (GPS de localisation des transporteurs, système DSRC de transmission de données à ondes courtes utilisé pour les zones non couvertes par le GPS et pour valider la conformité de l’équipement embarqué au regard des caractéristiques du véhicule, et un émetteur GPRS des données sur les réseaux mobiles) et, d’autre part, des points de contrôles automatiques (les portiques) le long des routes et les dispositifs de réception GPRS. A terme, 800 000 camions (dont 200 000 étrangers) devaient être équipés. Soit, à n’en pas douter, l’un des plus importants projets M2M français… qui risque de ne jamais voir le jour malgré les investissements engagés.

En octobre 2013, le chantier avait déjà nécessité entre 800 millions et 1 milliard d’euros d’investissements selon ce qu’annonçait le vice-président d’Ecomouv, Michel Cornil. Une somme financée par un pool bancaire (Deutsche Bank, UniCredit, Banca Intesa, Mediobanca, Calyon et la CDC) et complété par Astarade et ses partenaires Thales (qui détient 11% du capital), la SNCF (10%), SFR (6%) et Steria (3%), à hauteur de 125 millions d’euros. A l’automne 2013, 250 bornes mobiles et 180 portiques avaient été installés. Mais moins de 200 000 poids lourds se seraient enregistrés auprès d’Ecomouv pour s’équiper (ils peuvent également utiliser les services d’abonnement mensuel d’une société habilités de télépéage – SHT).

2000 serveurs qui tournent à vide

Les reports successifs de l’écotaxe (le cinquième à ce jour après ceux de 2012, juillet puis octobre 2013 et janvier 2014) n’arrangent certainement pas les affaires des partenaires d’Ecomouv. A commencer par Steria. Chargée de mettre en œuvre la partie informatique de collecte des données, l’ESN accusait un recul de 8,2% de son chiffre d’affaires français contre 0,3% pour l’ensemble des marchés au quatrième trimestre 2013. L’entreprise, qui avait passé une provision de 8 millions d’euros dans le cadre du contrat écotaxe, aurait créé un cloud de 2 000 serveurs situés en région parisienne, selon le PDG François Enaud. Autant de serveurs qui risquent de tourner à vide désormais.

La question de la résiliation du contrat avec Ecomouv se pose désormais. L’Etat en a la possibilité, notamment dans le cadre de l’abandon pur et simple du projet. Mais il devra indemniser son partenaire de « l’intégralité du dommage subi par le titulaire du marché et prendre ainsi en compte les dépenses engagées et le manque à gagner pour le titulaire », selon les dispositions juridiques sur la fin de contrat rapportées par un rapport du Sénat. Lequel évalue entre 850 et 950 millions le dédommagement que pourrait verser l’Etat à Ecomouv. L’Etat pourrait également avoir à faire aux SHT qui avaient acheté 600 000 badges écotaxe à 150 euros pour équiper les poids lourds qui leur achètent des abonnements aux péages d’autoroutes.

190 salariés concernés chez Ecomouv

En attendant, se pose l’avenir de la société et de ses 190 salariés (160 au centre d’appel de Metz et 30 à Paris) selon les propos de Jacques Stirn, délégué CFDT, rapportés par L’Express. Selon lui, « le seul engagement que l’on a aujourd’hui c’est que les salaires seront maintenus jusqu’à la fin de l’année ». 130 douaniers sont également rattachés au pôle écotaxe. Sans négliger les sous-traitants engagés chez les partenaires SFR et SNCF.

La taxe poids lourds aurait dû rapporter 1,24 milliard d’euros par an à l’Etat, dont 760 millions de recettes nettes pour l’Afitf (l’Agence de financement des infrastructures de transport de France) et 160 millions pour les collectivités.


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