Efficacité énergétique des datacenters : l’indicateur européen DCEM veut enterrer le PUE

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Fruit de plus de deux ans d’un travail initié par le CRIP, le club des responsables de production informatique, le DCEM vise à instaurer une nouvelle norme en matière d’efficacité énergétique. Et à enterrer l’actuel standard de fait : le PUE.

« Le PUE est mort, car il n’est pas exploitable au niveau opérationnel. C’est en tout cas l’avis de l’Europe. Les Chinois sont d’accord. Et les Japonais pas loin de l’être. » Dans le cadre de sa convention annuelle, qui se déroule les 17 et 18 juin à Paris-La Défense, le CRIP (le Club des responsables d’informatique de production) a dévoilé les fruits de ses travaux menés depuis plus de deux ans dans le cadre de l’ETSI (un organisme de standardisation européen), avec l’appui de la Commission européenne. Un nouvel indicateur d’efficacité énergétique conçu par les utilisateurs de technologies : le DCEM (Data Centre Energy Management). Un indicateur qui se veut donc le fossoyeur du Power Usage Effectiveness (PUE), selon Dominique Roche, qui dirige le groupe de travail Data Centre & Eco-efficacité du club des directeurs de production.

Le PUE a pourtant pour lui une relative universalité. Et il est par ailleurs simple à comprendre (c’est le produit de l’énergie totale consommée par les systèmes informatiques sur l’énergie consommée par les seuls équipements informatiques). Mais il comporte quelques graves lacunes, comme l’expliquait d’ailleurs récemment dans nos colonnes Fabrice Coquio, le président en France de l’opérateur de datacenters Interxion. Pour Jean-Marc Alberola, responsable de la gestion des énergies chez Airbus – une des sociétés qui a participé à l’élaboration du DCEM -, « le PUE n’est tout simplement pas fiable. Car on peut le mesurer de multiples manières. Sur un de nos datacenters construit récemment, on a observé une différence très significative entre la mesure produite par l’équipement d’un prestataire et celle issue de notre propre méthode ». Autre reproche adressé à l’indicateur : il est incomplet, ne prenant pas en compte par exemple la réutilisation de la chaleur produite dans le datacenter à d’autres fins.

La réutilisation de l’énergie prise en compte

DCEMPour supplanter le PUE – conçu par le consortium The Green Grid (où figurent les grandes sociétés américaines mais aussi Schneider Electric) -, le CRIP propose donc un nouvel indicateur composite normalisé par l’ETSI. Il combine un indicateur de gabarit (S, M, L ou XL permettant de classer les salles en fonction de leur taille) et un indicateur de performances (sur le modèle des classes énergétiques des appareils électroménagers, voir ci-contre). Ce dernier étant lui-même le reflet de quatre facteurs : la consommation énergétique annuelle, l’efficacité énergétique (un calcul proche du PUE mais « avec la même définition pour tous », selon Henri-Claude Moreau, responsable des datacenters du groupe PSA), la part d’énergie réutilisée pour d’autres usages et la part d’énergie renouvelable employée. Subtilité : le DCEM intègre le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre. « Les datacenters construits avant sa signature en 2005 bénéficient des mêmes classes énergétiques, mais leur échelle est décalée afin de valoriser également les efforts réalisés dans ces salles construites à une époque où la préoccupation environnementale était quasi-absente », explique Henri-Claude Moreau.

Car l’objectif des grands comptes qui se sont lancés dans cette aventure (Airbus, PSA, Société Générale, La Banque Postale, Orange, SFR, Bouygues Télécom) est de généraliser l’emploi d’un indicateur leur permettant de se benchmarker avec d’autres entreprises et d’améliorer l’efficacité énergétique de leurs salles. Aujourd’hui, une trentaine de datacenters ont été évalués et référencés dans la base de données liée au DCEM. Un outil de calcul des indicateurs (sous Excel) a également été développé. « Ces éléments sont pour l’instant réservés aux membres du CRIP, détaille Dominique Roche. Mais nous allons développer une plate-forme Web ouverte, qui permettra aux entreprises de s’évaluer via des comparatifs effectués avec des données anonymisées. » L’outil permettra aussi de conserver la plupart de données en local et ne transférer à la base que les indicateurs agrégés.

Convaincre les hébergeurs

Si la mayonnaise semble prendre auprès des entreprises utilisatrices, reste à séduire les hébergeurs. Orange Business Services s’est déjà engagé dans la démarche, selon Dominique Roche, lui-même salarié de l’opérateur. Airbus et PSA veulent croire que l’industrie sera forcée de suivre par le biais des appels d’offres que passeront les entreprises converties au DCEM pour leurs datacenters internes et qui voudront en étendre l’usage aux prestations externes. Reste que le PUE demeure, sur le marché de l’hébergement, un repère incontournable. Ne serait-ce que parce qu’il permet d’afficher une efficacité énergétique flatteuse, notamment via le calcul du design PUE (optimum qui pourrait être obtenu si le datacenter tournait à pleine charge).

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