Le déphasage entre la formation et l’emploi des informaticiens n’est pas une fatalité

La formation et l’emploi des informaticiens en France ont fait l’objet d’un débat animé par le CPI-B2B en présence des dirigeants du Groupe IONIS, 42, Accenture, Capgemini et Teradata.

Le secteur informatique est un moteur de croissance numérique pour la France. Toutefois, le déphasage entre l’offre et la demande ainsi que les difficultés de recrutement limitent encore trop souvent le champ des possibles.

De la formation à l’emploi, quelles sont les pistes d’avenir ? Pour tenter d’y répondre, le Club de la presse informatique B2B (CPI-B2B) a organisé mercredi 18 septembre à Paris une table ronde en présence de dirigeants du Groupe IONIS, 42, Accenture, Capgemini et Teradata.

La formation des informaticiens au cœur des débats

Si les écoles d’ingénieurs restent plébiscitées par les grands acteurs IT, il existe des alternatives qui séduisent à la fois les SSII et les jeunes pousses du numérique. Le groupe IONIS (EPITA, Epitech, SUP’Internet, Web@academie…), référence de l’enseignement supérieur privé, propose parallèlement à ses formations d’ingénieurs, des cursus plus courts ou en alternance. Tous sont liés au monde de l’entreprise.

« Dans le système classique, les étudiants sont invités à suivre un parcours établi, à se formater, puis on leur demande d’innover… Forcément ça coince ! Epitech et EPITA, notamment, proposent depuis plusieurs années une autre approche : celle de l’autonomie et de l’innovation nécessaires pour avancer et s’adapter », a déclaré Fabrice Bardèche, vice-président exécutif du IONIS Education Group.

Nicolas Sadirac, ancien dirigeant d’Epitech et directeur général de 42, école informatique qu’il a créée avec le dirigeant historique d’Iliad Xavier Niel, l’entrepreneur IT Kwame Yamgnane et l’ingénieur télécom Florian Bucher, rejoint ce point de vue.

« On a chaque année des retours d’entreprises du numérique qui ne trouvent pas les gens dont elles ont besoin. Notre idée consiste à former des jeunes qui ont décroché du système scolaire et de leur apprendre à programmer. Ces gens, qui ne sont pas informaticiens à la base, peuvent très bien programmer. Nous voulons former des gens dont le numérique a besoin », a expliqué Nicolas Sadirac.

Soutenu par ses fondateurs, 42 ouvrira ses portes avant la fin 2013 avec l’objectif de former gratuitement près de 1000 jeunes chaque année dans le cadre d’un cursus qui durera entre trois et cinq ans, mais ne fournira aucun diplôme. « Nous, on transmet zéro connaissance, on développe des individus autonomes capables d’apprendre seuls », a-t-il ajouté. « Le marché est demandeur, ce qui manque ce sont les entrées. On s’est retrouvé avec 70 000 candidats, on finalise la sélection des 800 pour cette rentrée ».

L’université française, qui peine à établir une passerelle solide avec l’entreprise, évolue également. Établissement public, l’Université de Technologie de Compiègne est un bon exemple. Formé à l’UTC, Yaya Sylla, Enterprise Architecture Consultancy Service CoE chez Teradata, l’a confirmé. « L’innovation en matière de formation et de gestion de carrière est très importante… S’il n’y a pas d’innovation, le jeune ne pourra pas suivre », a-t-il commenté.

Le terrain, moteur de l’emploi IT

Les entreprises, qui rêvent du mouton à cinq pattes, sont toujours à la recherche de talents, jeunes diplômés et/ou profils expérimentés. Pour ce faire, les SSII/ESN et sociétés de conseil IT vont chercher les élèves dans les écoles et forment des stagiaires ou des alternants susceptibles d’intégrer leurs équipes ou de passer à la concurrence. Si le côté technique a bien été intégré à l’école, une formation interne reste la règle.

« La notion de services, le savoir-être et le savoir-vivre s’apprennent sur le terrain. Nous devons former à l’opérationnel. Il faut éveiller l’esprit, aller vers l’avant et se former en permanence. On ne les forme pas pour les perdre. Mieux ils sont formés au début, mieux c’est pour nous. Si un jeune part et revient quatre ou cinq ans plus tard c’est très bien ainsi », a expliqué Geoffrey Burns, directeur du recrutement chez Capgemini AS France. La SSII française a recruté 2500 collaborateurs cette année au niveau national, dont 1200 pour sa division Application Services (AS). Les deux tiers sont de jeunes diplômés ou alternants, le tiers restant des candidats expérimentés.

Accenture, multinationale du conseil IT, forme également ses jeunes recrues pour développer leur connaissance de l’entreprise, de ses clients, ainsi que « leur employabilité », selon les termes d’Anissa Deal, directrice du recrutement chez Accenture France. « Nous avons recruté près de 1000 collaborateurs l’an dernier », et la tendance est à la hausse cette année. Parmi les recrutés, l’on trouve un tiers d’alternants, un tiers de jeunes diplômés et un tiers de professionnels expérimentés. Accenture déclare former chacun d’entre eux en interne.

Le revers de la médaille… senior

Après 5 ans, 10 ans ou plus d’expérience, certains informaticiens se retrouvent au chômage (le taux de chômage des informaticiens était en décembre 2012 de 7,8% pour la catégorie A – celle des sans-emploi – et de 9,6% pour les catégories ABC). Or, comme l’a souligné José Diz, créateur et animateur du CPI-B2B, les professionnels qui se retrouvent au chômage à 40 ans peuvent avoir du mal à se repositionner.

« Quelqu’un qui aura mené correctement sa carrière, on se l’arrache, sinon il y a autre chose. Le diplôme ne suffit pas, les compétences sont primordiales. La formation tout au long de la carrière est nécessaire et la volonté aussi », estime Geoffrey Burns. « C’est notre responsabilité de suivre nos collaborateurs. Chez Accenture, nous disposons d’un large portefeuille de métiers, le repositionnement peut donc être envisagé », a ajouté Anissa Deal.

La génération numérique a une certaine capacité d’adaptation, « elle trouve des trucs par elle-même et accepte de se tromper. Pour les anciennes générations, l’erreur était un péché, un échec vécu comme une dégradation », constate Fabrice Bardèche. Les individus évoluent : certains s’en sortent, d’autres moins. La remise en question est « difficile mais nécessaire », parfois « mieux vaut quitter le métier », ont commenté les intervenants.

Senior ou junior, comment se réinventer ? « Au bout d’un moment on tourne en rond, il faut casser une routine, créer… L’objectif c’est de produire ensemble. Ce qui est important c’est la diversité, mieux vaut dix personnes différentes, plutôt qu’un même profil », a conclu Nicolas Sadirac.

La formation continue pourrait faire l’objet d’une nouvelle table ronde du CPI-B2B.

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