Enfin une filière interministérielle pour les ingénieurs IT (tribune)

L’État entend faciliter le recrutement et la mobilité de ses professionnels IT à travers la création d’un corps d’ingénieurs interministériel. Une façon de dynamiser les carrières IT au sein de l’Etat, explique la Disic, la DSI de l’Etat. Ce corps s’ouvre aujourd’hui aux jeunes diplômés via un concours.

En ce mois de septembre, un concours innovant est organisé par le ministère de l’Intérieur pour recruter une quarantaine d’ingénieurs SIC (système d’information et communication) au sein de l’État. Innovant car il permet aux jeunes diplômés (Bac + 5 : diplôme d’ingénieur ou master 2 dans le domaine des SIC) d’intégrer un corps d’ingénieurs ouvert à l’interministériel. Le détail semble anodin ? Il est fondamental. Il donne en effet des perspectives inédites en termes de mobilité, d’opportunités de carrière et de formation.

Avec cette ouverture, soutenue par le SGMAP (Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique), l’État entend mettre fin à une situation pénalisante : le cloisonnement des filières SIC en son sein. On y dénombre en effet 90 corps qui accueillent des professionnels des SIC. Certains sont tout à fait appropriés et proposent des parcours de carrières riches et diversifiés. D’autres sont peu adaptés ou obsolètes (leurs grilles d’évolution s’appuient sur des métiers d’il y a plus de 20 ans). Sans compter les quelques ministères qui n’en possèdent pas… De fait, les passerelles étaient jusqu’à présent complexes à mettre en place d’une administration à l’autre.

Revaloriser les métiers IT

Ce constat est doublement préjudiciable. Pour les agents eux-mêmes, car ils ont du mal, dans de nombreux contextes, à diversifier leurs expériences professionnelles en s’ouvrant à d’autres environnements et à des expertises nouvelles. Pour les ministères ensuite, car ces cloisons administratives freinent les possibilités de partage d’expérience et de mutualisation. Ainsi, au vu de ces contraintes, il est parfois tentant, pour un ministère, de s’appuyer sur un prestataire plutôt que sur l’expertise d’un agent issu d’une autre administration, qui pourtant partage le même système de valeurs. Au final, l’État encourt le risque d’externaliser certaines expertises gages de la maîtrise de son système d’information.

Une mobilité interministérielle

Comment le nouveau corps à vocation interministérielle lèvera ces difficultés ?

En proposant des opportunités de carrières diversifiées, grâce à l’accroissement du nombre de postes disponibles puisque plusieurs administrations l’ont déjà choisi pour gérer tout ou partie de leur personnel SIC. A ce jour, les services du Premier ministre, les ministères de l’Intérieur des Finances, de la Justice, des Affaires sociales, de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ont signifié leur souhait d’utiliser ce corps.

Prenons l’exemple d’un ingénieur système aguerri dans ses fonctions. Il pourrait plus facilement accéder à des responsabilités de chef de projet technique ou d’architecte, postes relativement rares dans une seule administration. Bien entendu, l’agent en question sera formé en conséquence, conformément au nouveau décret qui inclut une obligation de formation au minimum tous les trois ans  et à chaque changement de poste.

Une porte sur les nouveaux métiers

Cet accroissement des opportunités de carrière élargit aussi l’accès aux nouveaux métiers de l’informatique.

L’État aura toujours besoin des fonctions traditionnelles de l’IT (ingénieurs systèmes et réseaux, urbanistes, chefs de projet ou responsables de la sécurité…). Ces métiers sont vitaux pour construire le SI de demain et assurer la qualité de service attendue des agents et des usagers.

Mais, il recherche aussi des compétences récentes pour opérer sa transformation numérique : gestion et analyse de la donnée, Cloud, applications mobiles, développements agiles ou encore direction de projets interministériels et accompagnement des politiques publiques.

Des opportunités de carrières diversifiées

Intégrés à ce corps revalorisé, les ingénieurs SIC suivront des trajectoires professionnelles marquées par la diversité. Diversité des métiers, on vient de le voir. Diversité des administrations d’accueil, dont l’étendue promet une mobilité géographique (territoire Charlotte Cadormétropolitain et ultramarin). Diversité enfin des missions puisque les projets informatiques de l’État touchent aussi bien à la modernisation de son système d’information qu’aux enjeux de l’administration électronique, c’est-à-dire à la fourniture de service public innovants aux usagers.

Par Charlotte Cador, qui anime et coordonne les travaux interministériels sur les emplois et compétences SIC de l’Etat au sein de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication). Diplômée de l’Edhec, Charlotte Cador a rejoint l’administration en 2004 où elle a d’abord travaillé au sein de la DSI du Conseil Général des Hauts de Seine, puis au sein de celle de Matignon.

Pour en savoir plus :

– La campagne de recrutement

– Le décret portant statut particulier du corps des ingénieurs SIC

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