Europe : non au super-régulateur, oui à la séparation fonctionnelle des réseaux

Les ambitions de la Commission européenne ont été réduites par les eurodéputés

Le paquet télécom, qui doit être voté en septembre par le Parlement européen (pour être appliqué en 2010), doit établir les nouvelles règles du jeu européennes concernant les réseaux fixes et mobiles. Dire que le texte est important est un euphémisme. Il comporte de nombreuses évolutions majeures qui pourraient bouleverser la donne.

Actuellement, des commissions parlementaires examinent le texte et adoptent des rapports qui vont influer sur le vote final. Deux points essentiels ont été examinés : le super régulateur européen et la séparation fonctionnelle des réseaux.

Sur le premier thème, les eurodéputés se sont prononcés contre l’idée de la Commission. Cette dernière a pour objectif de créer ce gendarme européen qui ressemblerait à la FCC (Federal Communications Commission) américaine. Cette entité « fera travailler les 27 régulateurs nationaux ensemble, et permettra de prendre partout des décisions similaires. A l’heure actuelle, nous n’utilisons pas le potentiel de notre marché intérieur de quelque 500 millions de consommateurs, ça ne peut plus durer », explique Viviane Reding, la redoutée Commissaire européenne en charge de la société de l’Information. En fait, les différentes pratiques réglementaires de l’Europe des 27 pénalisent les développements paneuropéens des opérateurs télécoms, estime-elle.

Par ailleurs, Viviane Reding s’agace des différentes interprétations des directives européennes d’un pays à l’autre. La façon dont l’Etat allemand protège Deutsche Telekom de la régulation dans le secteur de la fibre optique en est un exemple symptomatique.

Mais pour les députés européens, la solution préconisée n’est pas bonne. Ces derniers optent pour une structure plus légère qui réunira simplement les différents régulateurs nationaux. Cet instrument, baptisé Bert « répond mieux aux exigences de connaissance du marché pour agir dans ce secteur », explique la rapporteuse Pilar del Castillo Vera.

Une décision qui rassurera les régulateurs nationaux, très hostiles à la proposition de Reding. « Nous sommes convaincus que les marchés nationaux seront toujours mieux contrôlés et régulés par des régulateurs nationaux » a expliqué un porte-parole du European Regulators Group.

Secind point critique : la séparation fonctionnelle des réseaux. Traduction, il s’agit d’obliger les sociétés de télécommunications en situation de quasi monopole à se diviser en deux branches. Avec d’un côté, une division pour les services et une autre pour le réseau afin de permettre à la concurrence d’utiliser leurs infrastructures. Un point très important notamment pour la fibre qui nécessite des investissements d’infrastructures colossaux. Objectif: permettre une meilleure concurrence et donc des baisses de prix pour le consommateur.

« Des opérateurs dominants, souvent protégés par les autorités gouvernementales, contrôlent toujours des segments critiques, en particulier dans le secteur de la large bande », déplore Viviane Reding.

L’idée de cette séparation semble avoir été validée par les eurodéputés. Mais ils préconisent un durcissement du mécanisme qui doit rester de dernier recours et être approuvé par la Commission et par le Bert.

Pour autant, le dispositif angoisse toujours autant les opérateurs qui multiplient les actions de lobby afin d’échapper à cette séparation. L’association des opérateurs historiques (l’Etno), se dit « très inquiète ».

La mesure divise même au sein de la Commission. Interrogée par le Financial Times, Neelie Kroes, Commissaire à la Concurrence estime que cette « séparation fonctionnelle » est une aberration et risque de menacer les importants investissements des acteurs du secteur notamment les opérateurs qui commencent à déployer des réseaux à très haut débit sur fibre optique. Pour elle, « il s’agit d’une mesure qui est non seulement superflue, mais également dommageable. Car la séparation fonctionnelle n’empêche pas la discrimination. »

Et pour le syndicat français CFTC des postes et télécommunications, 600.000 à 800.000 emplois seraient menacés.

Rappelons que pour être appliqué, le Paquet télécom devra être ratifié par les Vingt-Sept et le Parlement européen.