Exclusif – Gérald Karsenti (HP France) : « Un mouvement vers plus de valeur »

Suite aux déclarations de Léo Apotheker, CEO de Hewlett-Packard, sur une restructuration de la compagnie, le 18 août dernier, lors de la publication des chiffres trimestriels, Gérald Karsenti, nouveau p-dg de HP France, apporte ici quelques éclaircissements

Pouvez-vous nous résumer, dans les grandes lignes,  les nouvelles orientations de HP -prises ou à prendre?
Gérald Karsenti : Dans l’esprit, le contenu de notre communication n’est pas nouveau.  Nous avions déjà annoncé ce que nous appelons un mouvement vers la valeur. C’est notamment le cas avec l’acquisition d’EDS, qui, il faut le rappeler, s’est traduite par le quasi doublement de la taille de HP [qui compte aujourd’hui environ 320.000 personnes]. Nous sommes ainsi devenus le numéro 2 mondial des services IT, avec près de 150.00 personnes dans l’activité des services.

Dans le software, rappelons aussi  que nous avons multiplié les acquisitions –dont Mercury, Opsware, Peregrine… et jusqu’à Vertica et Autonomy, tout récemment.  HP est ainsi devenu le numéro un  mondial des  logiciels d’infrastructure IT et numéro 6 mondial, tous logiciels confondus – ce qui est, tout de même,  une place respectable. L’activité ‘logiciels’ chez HP pèse 5% du chiffre d’affaires – ce qui signifie 6 milliards de dollars.

Dans les services, suite à l’acquisition d’EDS, nous avons continué de signer des contrats clients importants et stratégiques comme celui avec Alcatel-Lucent. Et rappelons que les services sont répartis sur deux entités : d’une part, «ES» (qui a intégré EDS) et  «TS»,  d’autre part.

Donc, les déclarations de Léo Apotheker, notre CEO, à la mi-août s’inscrivent bien dans la continuité de notre stratégie du changement, un changement vers plus de « valeur » – une stratégie que HP n’a cessé de mettre en œuvre depuis 4 à 5 ans.  Notre stratégie peut se résumer par cette formule : transmettre la bonne information à la bonne personne, au bon moment pour prendre la bonne décision.

Quelle est votre différenciation par rapport aux autres acteurs, concurrents – dont Dell, IBM ?

Il faut d’abord considérer  qu’il existe deux pôles : les utilisateurs et l’univers du ‘datacenter’ d’entreprise. Entre ces deux pôles, nous avons le réseau (HP Network)  et le logiciel.

IBM, comparativement, n’a pas ou très peu d’offre « réseau »: certes ils disposent d’une offre de stockage de données mais pas à la mesure de ce que propose HP .  Quant à Dell, ils proposent des PC, des serveurs et des solutions de stockage, mais n’ont pas l’équivalent de notre offre d’infrastructure -réseau, datacenter, etc.

Vous confirmez que HP va se scinder en deux entités. Pourquoi?  Que peut devenir la division ‘PSG’ (Personal Systems Group) ? Quels sont les scénarios envisagés ? Est-ce pour répondre à la pression des actionnaires qui estiment que l’activité n’est pas assez rentable ?
GK : Nous couvrons deux grands segments de marché :  1- celui de la technologie IT orientée vers les métiers  2-celui des utilisateurs, un marché qui va au-delà de celui du PC, avec les tablettes, l’impression, la numérisation, etc. Or ces deux marchés répondent à ce j’appelerais des « bio-rythmes » différents :  -le premier vise les professionnels, elle renvoie à de projets d’entreprise ;  -le deuxième, où s’inscrivent les PC portables, les ultrabooks, les tablettes par exemple,  renvoie à des opportunités de marché; sur ce créneau, un constructeur doit posséder une grande vélocité dans son organisation.  Or cette  activité, en restant  comme actuellement dans la même entité HP, peut manquer de réactivité, de vitesse d’exécution, en un mot: de souplesse ; elle subit des arbitrages, côté investissements par exemple, pouvant  jouer en sa défaveur -parce que, sur une période donnée, priorité va être donnée au réseau ou aux services.

Ainsi, nous sommes arrivés à la conclusion que le domaine des PC nécessite d’avoir une certaine indépendance, et  qu’il doit pouvoir s’affranchir de certains arbitrages. Il faut pouvoir accélérer le ‘go-to-market’, par exemple. Donc, une entité indépendante aura la liberté de prendre ses propres options.

Gerald Karsenti pdg HP France
Gérald Karsenti, p-dg de HP France

Qu’est-ce qui a été décidé pour l’activité ‘PSG’ ?
GK : Pour l’avenir de la division PSG, trois hypothèses sont étudiées : constituer une « spin-off », procéder à une cession ou maintenir le ‘statu quo’ . C’est l’hypothèse d’une ‘spin-off’ qui est privilégiée. La décision sera prise avant la fin 2011 et elle sera concrétisée sur les 12 à 18 mois suivants.
C’est le sens de la communication qu’a fait HP dans la presse américaine : « L’esprit ‘start-up’ avec la sécurité HP »

N’est-ce pas la même stratégie, la même démarche qu’IBM ?
GK : Non, ce n’est pas la même situation que celle d’IBM : à l’époque, IBM perdait de l’argent dans les PC ; et ils n’étaient pas leader.

Alors, une ‘spin-off’ probablement avec la division PSG ?
GK : L’objectif est de lui donner une autonomie. Le modèle qui s’en rapprocherait le plus est celui d’Agilent. C’est toute l’activité instruments de mesure de HP qui avait été séparée [il y a une dizaine d’années] pour créer cette nouvelle société.

Est-ce qu’une  telle ‘spin-off’ dans l’univers du PC aura les moyens de survivre ?
GK : Oui, sans aucun doute. Car PSG pèse environ 40 Mdrs de dollars et affiche une profitabilité de 5 à 6%. Avec ce chiffre d’affaires, la société indépendante qui en résulterait se rangerait au 60è rang mondial dans le classement Fortune 500 et à la 6è place des sociétés IT dans le monde.

Rappelons également que HP détient 20% de part de marché dans l’informatique personnelle (et même jusqu’à 30,5%  du marché en France -nos équipes peuvent s’en féliciter).  HP fabrique et livre 2 PC par seconde. En clair, la profitabilité de cette entité, en devenant indépendante, serait augmentée, car une partie des coûts de structure et frais généraux actuellement imputés à PSG disparaitrait ou serait diminuée.

Et la division IPG , l’activité des imprimantes?  Pourquoi ne suivrait-elle pas PSG ?
GK : L’activité IPG (imprimantes, logiciel de numérisation, etc. ) conserve tout son sens au sein de HP. Car elle s’inscrit dans la gestion des flux de données. Notez, à titre d’exemple, le logiciel Exstream pour la gestion de documents -récemment classé « leader du marché » par IDC.  Une bonne partie de l’activité IPG est constituée de services dits « management print services »

Pourquoi avoir abandonné si vite le créneau des tablettes ?
GK : Léo Apotheker, a déclaré, dès le mois de juin, que le système d’exploitation WebOS constituait une pépite,  un joyau –un système qualifié d’« élégant et intuitif » par des analystes.  Il a donc été décidé d’en continuer les développements et de l’optimiser : WebOS est désormais rattaché  à l’activité ‘software’ de HP.
Mais Léo Apotheker a eu également le courage de trancher : constatant que le marché des tablettes tardait à décoller et que les objectifs fixés n’étaient pas tenus, il a préféré arrêter les frais. Pour créer une tablette qui soit sûre de satisfaire un large part du marché, il faudrait investir beaucoup, beaucoup trop. Car HP n’a pas coutume de faire des équipements bas de gamme ou non satisfaisants ou à perte.
Quant au marché des ‘smartphones’,  HP considère que le créneau de  la téléphonie mobile  n’est pas son métier.

Alors, faut-il conclure que HP se réduira-t-il au monde professionnel ?
GK : Non, l’objectif n’est pas d’abandonner l’offre «consumer » [grand public].

Dans le domaine du logiciel, quelles sont les acquisitions envisageables ? Pourquoi pas SAP ?
GK : Oui, il y aura d’autres acquisitions.  Mais sur ce sujet,  « no comment » .

Et dans le logiciel de développement ? IBM a tiré une jolie carte avec Rational, non?
GK : Rien n’est impossible. Mais c’est peu probable.  HP est plutôt positionné sur l’infrastructure, le traitement des data (cf. le récent rachat de Vertica, spécialisé dans les ‘big data’; ou encore, tout récemment, celui d’Autonomy).  Des outils pour le développement « pur » ? Pourquoi pas, mais rien n’est sûr.

Et des acquisitions dans domaines des SGBD et le middleware ?
GK : Pour l’heure, je dirai que nous nous concentrons sur le « moteur » qui permet d’intégrer la donnée. Le SGBD, c’est un autre marché.  Pour résumer nos orientations en termes d’investissements,  nos 3 axes stratégiques demeurent : celui du ‘performance center’,  celui  du ‘quality center’ et le management SI.