Remplacement du cuivre par la fibre : Paul Champsaur détaille les enjeux

Pour l’ancien président de l’Arcep Paul Champsaur, chargé d’une mission d’évaluation sur l’extinction du cuivre, le déploiement national de la fibre de bout-en-bout, ou FTTH, reste la priorité.

Paul Champsaur, président de l’Autorité de la statistique publique, a profité de la plénière du Graco (groupe d’échange entre l’Arcep, les collectivités locales et les opérateurs) mercredi matin pour présenter les grandes lignes de la mission de réflexion sur l’extinction de la boucle locale cuivre, dernier maillon faible pour l’établissement d’un réseau fixe à très haut débit, que le gouvernement lui a confiée en juin 2013.

« Les réseaux d’accès en fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH) sont, sur le long terme, les mieux adaptés pour répondre aux besoins croissants en débit des usagers, à la fois des particuliers et des entreprises », a établi d’entrée l’ancien président de l’Autorité de régulation des télécoms (2003-2009). Le très haut débit est en effet considéré comme porteur des promesses de compétitivité pour l’économie française à travers la croissance de l’économie numérique et de l’attractivité des territoires qu’il apporte. « Il n’y a donc pas de débat sur la cible à atteindre en matière d’aménagement numérique du territoire : le remplacement de la boucle locale de cuivre par de nouvelles boucles locales optiques. »

Ce constat posé, il reste à savoir comment atteindre le très haut débit pour tous à l’échéance de 2022, fixée par l’actuel gouvernement. A défaut d’apporter aujourd’hui les réponses, Paul Champsaur pose les questions auxquelles il conviendra de répondre selon les différents aspects économiques, techniques, juridiques et sociaux, qui constituent l’objet de sa mission.

Le cuivre ne doit pas ralentir la fibre

Sur les aspects économiques, il reconnaît que le réseau cuivre constitue aujourd’hui une large part des revenus des opérateurs, Orange en premier lieu. Manne qui pourrait les inciter à prolonger l’exploitation de cette source aux dépens du basculement dans les réseaux de nouvelle génération. Mais « une transition trop lente du cuivre vers la fibre affecterait les plans d’affaires des opérateurs qui déploient des réseaux FTTH – notamment dans le cadre de réseaux d’initiative publique – et repousserait mécaniquement l’échéance du très haut débit pour tous ». Le basculement se fera à marche forcée s’il le faut.

Pourtant, si le passage au tout optique s’impose, les conditions techniques ne sont pas toujours réunies. Nombre de services (téléalarmes, alarmes d’ascenseurs, modems industriels, systèmes de télé-relève…) basés sur les réseaux cuivre n’ont pas d’équivalence aujourd’hui en fibre. Ce sera tout le but de l’expérimentation de Palaiseau qui, en basculant toute la ville sur l’optique, permettra un recensement de l’ensemble des conséquences propres à la coupure du cuivre.

L’objet de l’expérimentation visera également à définir des plans de migration qui, au-delà des infrastructures (autocommutateurs notamment), entraineront des coûts à travers la reconfiguration des systèmes d’information. Les opérateurs ne pourraient donc ne pas être les seuls à freiner sur le tout optique, les entreprises aussi, d’autant que « les tarifs de la fibre optique sur ce segment restent à ce jour sensiblement supérieurs à ceux pratiqués sur le réseau de cuivre », note Paul Champsaur.

Garantir la sécurité juridique

Dans ces conditions, et face aux investissements à venir, il sera nécessaire « de garantir la sécurité juridique du dispositif qui sera proposé par la mission ». Dispositif qui se conformera aux règles européennes en matière de communications électroniques tout en prenant en compte les questions liées à la propriété du réseau cuivre.

Enfin, la rupture que le passage du cuivre à l’optique entraînera ne sera pas sans conséquence pour nombre d’acteurs en matière de formation et gestion des ressources humaines. Pour anticiper ces ruptures sociales, deux tendances opposées émergent : l’établissement d’un calendrier d’échéance pour l’extinction brutale du cuivre poussant ainsi les acteurs à accélérer les investissements ou la transition en douceur pour ne pas risquer, notamment, de tarir brutalement la source cuivre qui alimente les investissements optiques.

Autant de questions que Paul Champsaur et son équipe de treize personnalités* devront trancher avant la fin 2014, date prévue pour la remise du rapport final. Une échéance qui laisse ouverte la fenêtre du VDSL2. Néanmoins, attendu prochainement, un rapport intermédiaire issu des travaux réalisés en 2013 permettra de dégager les premières tendances pour organiser l’extinction du cuivre.

* Yves Rome (sénateur, président de l’Avicca), Pierre Hérisson et Bruno Retailleau (sénateurs), Gwenegan Bui, Patrice Martin-Lalande et Jean Launay (députés), Martin Cave et Jacques Cremer (économistes), Jean Marimbert (conseiller d’Etat, ancien DG de l’Arcep), Jacques Champeaux (ancien dirigeant d’opérateurs de télécommunications), Roland Courteille et Sophie Rognon (représentants des RIP), Catherine Tiquet (experte)


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