Fibre : France Télécom va ouvrir ses fourreaux à la concurrence

Mais demande que les autres propriétaires d’infrastructures fassent de même

France Télécom confirme sa position : il ne jouera pas la carte de l’exclusivité dans ses infrastructures de génie civil (fourreaux souterrains) dans le domaine de la fibre optique. Traduction, les concurrents de l’opérateur historique pourront utiliser ses infrastructures, ce qui devrait permettre un déploiement plus rapide de cette technologie dans les villes.

« Pour garantir un déploiement rapide et équitable des nouveaux réseaux de fibre optique, France Télécom annonce aujourd’hui sa proposition d’ouvrir ses fourreaux (infrastructure de génie civil permettant le passage des câbles en fibre optique) à la concurrence. Cette proposition a été officiellement transmise à l’ARCEP (l’autorité française de réglementation des télécommunications), dans le cadre de la consultation publique. Une offre commerciale de gros pour l’utilisation des fourreaux de France Télécom sera finalisée d’ici fin 2007 » peut-on lire dans un communiqué.

Il y a une quinzaine du jours, René Pierre Bideaud, responsable national du raccordement fibre optique, nous confiait déjà : « Nous avons toujours dit que nous étions pour la mutualisation des travaux en amont. On ne cherche pas à avoir l’exclusivité ».

« L’accès aux infrastructures de génie civil existantes comprendra toutes les informations pertinentes (cartes, localisation des chambres, etc.) dont les opérateurs auront besoin, leur permettant d’installer leur propre réseau FTTH en appliquant les règles d’ingénierie appropriées. Ces règles seront conçues de façon à optimiser l’occupation des fourreaux, en gérant les ressources avec efficacité et en évitant leur saturation », poursuit l’opérateur historique.

Par contre, France Télécom entend que ce geste d’ouverture soit réciproque et demande aux propriétaires d’infrastructures similaires, comme les câblo-opérateurs, d’également jouer le jeu de l’ouverture.

« France Télécom propose également à l’Arcep que ces principes de saine concurrence s’appliquent aux autres propriétaires d’infrastructures nécessaires au déploiement de la fibre. Une ouverture réciproque permettrait en effet de définir un cadre réglementaire équilibré, fondé sur le principe de non discrimination entre opérateurs, tout en permettant l’émergence d’une vive concurrence en matière de plateformes, et en offrant de nouvelles expériences aux utilisateurs », explique le groupe.

L’ouverture des infrastructures est une bonne nouvelle pour la concurrence car les travaux de génie civil représentent la part la plus importante des investissements en matière de fibre optique. France Télécom dispose de près de 350.000 kilomètres de « tranchées » et pas moins de 1 million de kilomètres de gaines selon le régulateur du marché français.

Rappelons qu’en juin 2007, Free a déposé une plainte devant le Conseil de la concurrence. Le FAI accuse France Télécom de l’empêcher d’accéder correctement à ses gaines en vue d’y faire passer de la fibre optique.

D’ailleurs, le trublion des télécoms, ainsi que Viviane Reding, la commissaire à la Société de l’Information de la Commision européenne veulent aller plus loin. Ils plaident pour une séparation en deux branches des opérateurs historiques en situation de quasi monopole. Avec d’un côté, une division pour les services et une autre pour le réseau afin de permettre à la concurrence d’utiliser leurs infrastructures. Radicale, cette solution est encore à l’état de projet en Europe.

La décision de France Télécom devrait également un peu rassurer les associations de consommateurs qui craignent que France Télécom se retrouve en situation de monopole. Si dans les égouts, la question semble aujourd’hui réglée, reste le problème des immeubles (la dernière partie de fibre montant jusqu’aux foyers).

L’UFC craint ainsi que le premier arrivé, soit le premier servi. « La conquête des foyers a commencé, les différents fournisseurs d’accès internet (FAI) déploient avec précipitation leurs réseaux pour préempter au plus vite les zones géographiques les plus intéressantes. En effet, l’équipement des bâtiments en fibre optique implique de lourds travaux de génie civil, coûteux et générant beaucoup de nuisances, qui ne pourront pas être dupliqués. Si bien que le FAI qui déploie en premier son réseau dans une copropriété, a de fortes chances d’être le seul à le faire ! Or, il n’existe aujourd’hui aucun cadre réglementaire contraignant les FAI à partager leurs réseaux. Le FAI qui a équipé un bâtiment est donc en position de monopole sur ce dernier. Il est libre de pratiquer les prix qu’il souhaite et si le consommateur n’est pas satisfait et souhaite changer d’opérateur il devra déménager ! »

Une crainte encore une fois balayée par l’opérateur. « Dans les immeubles, nous sommes parfaitement prêts à cohabiter avec nos concurrents »,souligneRené Pierre Bideaud.Même si dans les faits, la présence de deux opérateurs et de deux infrastructures dans les immeubles risque de se heurter à des problèmes concrets d’espace.