Fibre : le torchon brûle entre Bruxelles et Deutsche Telekom

Bruxelles prépare une procédure d’infraction contre l’Allemagne au sujet de
l’opérateur historique qui ne veut pas ouvrir dans un premier temps son futur
réseau en fibre optique

La régulation des marchés émergents donne des sueurs froides aux géants européens des télécoms. En Allemagne, Deutsche Telekom va investir 3 milliards d’euros pour déployer ce réseau et proposer à terme le très haut débit à 100 Mb/s.

Mais l’opérateur historique considère que cet investissement colossal doit lui permettre d’avoir l’exclusivité de ce réseau, au moins pendant quelques années. En clair, il refuse toute régulation dans ce domaine.

Il a obtenu le soutien du gouvernement qui a donné son feu vert pour une loi le protégeant de la concurrence. Une loi qui déplaît fortement à la Commission européenne.

Bruxelles prépare ainsi une procédure d’infraction contre l’Allemagne. La Commission passe de la parole aux actes: elle avait menacé en mai dernier le pays d’une telle procédure.

« (La commissaire aux Télécommunications) Viviane Reding a demandé mardi à ses services de préparer une procédure d’infraction contre l’Allemagne au sujet de sa nouvelle loi sur les médias », a-t-on indiqué. « Dès lors que l’Allemagne aura publié sa nouvelle loi au journal officiel, en janvier ou février, la procédure d’infraction démarrera une semaine plus tard. »

La procédure, qui dure habituellement plusieurs mois et peut même prendre plus d’un an, pourrait être accélérée et l’affaire serait alors portée devant la Cour européenne de justice d’ici mai 2007.

Une réunion organisée ce jeudi entre la Commission européenne et des membres du gouvernement allemand n’a rien donné. Selon des sources proches du dossier, Berlin et Bruxelles sont bien partis pour aller au « clash ». Le ministre allemand des Finances s’est défendu de mettre en place un monopole pour protéger Deutsche Telekom mais a estimé que l’entreprise avait le droit de récolter le fruit de son travail de « pionnier. »

En France, l’opérateur historique partage à peu près la même position que son concurrent allemand. France Télécom a ainsi à plusieurs reprises déclaré qu’en contrepartie de ses investissements, il entendait ne pas partager dans un premier temps son réseau. C’est une volonté clairement affichée par Didier Lombard, président de France Télécom. Il souhaite que les marchés émergents, ne soient pas « sur-régulés », sous peine d’entraver le développement technologique et commercial de l’opérateur. Pour autant, le groupe français est en opposition avec le régulateur qui explique qu’ « Un scénario de développement de fibre dont les modalités conduiraient, de droit ou de fait, à une re-monopolisation du marché du haut débit professionnel, ne serait pas conforme aux objectifs fondamentaux de la régulation. A moyen terme, tant les entreprises individuellement, que la compétitivité de la France dans son ensemble, en paieraient le prix ».

Néanmoins, la position de France Télécom est soutenue par le gouvernement. Pour « déployer rapidement » un réseau en fibre optique, « il faut laisser un avantage à celui qui prend le risque de l’investissement », a déclaré en juin dernier François Loos, ministre de l’Industrie lors du conseil télécommunications de Bruxelles, réunissant les vingt-cinq ministres chargés de ce secteur.

Rappelons que selon l’Idate, il faudra d’abord débourser 10 milliards d’euros pour couvrir 40% de la population urbaine française. 30 milliards supplémentaires seront nécessaires pour couvrir les 60% restant de la population des zones urbaines. On comprend pourquoi France Trélécom tient à un monopole, même provisoire.