Fibre : l’UFC exhorte les syndics à attendre

L’association estime que les règles du jeu ne sont pas fixées et craint que les déploiements dans les immeubles soient synonymes d’exclusivité pour les opérateurs. France Télécom rejette ces accusations

Le déploiement commercial de la fibre optique est une réalité. Orange, Neuf Cegetel et dans une moindre mesure Free, commencent à « tirer leurs fibres » vers les immeubles et les foyers. Aujourd’hui, seuls quelques grandes villes comme Paris sont concernées. Mais l’association de défense des consommateurs, l’UFC Que Choisir ? demande aux propriétaires et aux syndics d’immeuble (les raccordements doivent en effet être autorisés) de ne pas céder aux sirènes des opérateurs. Et d’attendre.

Dans un communiqué, l’association estime que l’engouement des opérateurs est risquée. « La conquête des foyers a commencé, les différents fournisseurs d’accès internet (FAI) déploient avec précipitation leurs réseaux pour préempter au plus vite les zones géographiques les plus intéressantes. En effet, l’équipement des bâtiments en fibre optique, technologie nécessaire au déploiement de ce service, implique de lourds travaux de génie civil, coûteux et générant beaucoup de nuisances, qui ne pourront pas être dupliqués. Si bien que le FAI qui déploie en premier son réseau dans une copropriété, a de fortes chances d’être le seul à le faire ! Or, il n’existe aujourd’hui aucun cadre réglementaire contraignant les FAI à partager leurs réseaux. Le FAI qui a équipé un bâtiment est donc en position de monopole sur ce dernier. Il est libre de pratiquer les prix qu’il souhaite et si le consommateur n’est pas satisfait et souhaite changer d’opérateur il devra déménager !

Par ailleurs, il n’existe pas non plus de normalisation des installations, ce qui signifie que rien ne garanti que la technologie déployée par un FAI spécifique permettra à un autre opérateur, s’il y est autorisé, de délivrer ce service.

L’UFC-Que Choisir juge cette situation très préoccupante et, par conséquent, soutient pleinement l’Autorité de Régulation des Commun ications Electroniques et des Postes (ARCEP) dans sa volonté d’encadrer cette activité. L’objectif est d’obtenir une mutualisation de la partie terminale de la fibre i.e. contraindre les FAI à louer leur réseau à leurs concurrents lorsqu’un consommateur souhaite bénéficier des services d’un opérateur alternatif. Ce mode opératoire est proche de celui utilisé à l’heure actuelle pour l’ADSL et le téléphone fixe. France télécom loue la boucle finale cuivre, dont il est propriétaire, aux autres opérateurs de téléphonie et FAI.

Le processus est amorcé, cependant on n’en connaît pas encore l’issue. L’UFC-Que Choisir conseille donc aux copropriétés de ne pas se précipiter et d’attendre une clarification de la législation avant d’accepter l’installation de la fibre dans leurs habitations ».

Il faut dire en effet que les opérateurs ayant lancé leurs déploiements en fibre n’utilisent pas des technologies parfaitement compatibles. Orange a opté par le GPON (Gigabit Passive Optical Network) point à multipoints, soit 1 fibre pour 64 clients, tandis que Free a opté pour le EFM P2P.

Pour autant, si un opérateur équipe un immeuble, sera-t-il de fait en situation de monopole, empêchant donc les consommateurs de choisir leur fournisseur ? Pour l’UFC, tant que le cadre légal n’aura pas tranché la question, la réponse est oui.

Pour France Télécom, le plus actif en terme de déploiements, on rejette ces accusations. Pour René Pierre Bideaud, responsable national du raccordement fibre optique, interrogé lors d’une visite des infrastructures fibre de l’opérateur (qui fera l’objet d’un prochain reportage), France Télécom ne cherche pas l’exclusivité.

« Nous avons toujours dit que nous étions pour la mutualisation des travaux en amont, ensuite, dans les immeubles, nous sommes parfaitement prêts à cohabiter avec nos concurrents. On ne cherche pas à avoir l’exclusivité », souligne-t-il.

Le discours officiel se veut rassurant. Mais dans les faits, le risque ‘premier arrivé, seul servi’ est bien réél. On sait bien que le déploiement de différentes fibres dans un immeuble posera problème : manque de place dans les gaines, travaux en double, nuisances diverses… risquent de pousser les propriétaires à ne choisir qu’un seul opérateur fibre dans leurs immeubles.

Désormais, la balle est dans le camp de l’Arcep, qui a lancé une consultation publique en juillet dernier. Le régulateur pourrait obliger France Télécom a, comme dans l’ADSL, louer les derniers mètres de fibre qui connectent les foyers.