Fibre optique : l'Arcep fixe les règles du jeu

Très attendu par les acteurs en présence, ce cadre doit permettre d’accélérer le déploiement du très haut débit dans les immeubles

Depuis plusieurs mois, la tension monte entre les opérateurs et les FAI dans le domaine de la fibre optique. D’un côté, France Télécom est accusé par ses concurrents de profiter de sa force de frappe pour préempter le marché, comme à l’époque de l’ADSL. De l’autre, les associations de consommateurs dénoncent l’anarchie ambiante et la règle du : ‘premier arrivé, premier servi’. Bref, tous ce petit monde s’accorde sur un point : ce marché naissant exige des règles du jeu strictes et après de longues semaines d’attente, l’Arcep, le gendarme des télécoms, vient de publier ses propositions.

Le régulateur se prononce pour que France Télécom fournisse un accès non discriminatoire à son génie civil. C’est désormais chose faire puisque l’opérateur historique a déjà annoncé qu’il ouvrirait ses fourreaux si la concurrence en fait de même.

L’Arcep exige par ailleurs la mutualisation de la partie terminale du réseau, une position connue depuis longtemps. Il s’agit de poser un principe s’appliquant à tous les opérateurs, selon lequel le premier opérateur ayant équipé un immeuble en fibre doit donner accès à son réseau aux autres opérateurs. En effet, il ne paraît pas viable que plusieurs opérateurs installent chacun de la fibre dans un même immeuble. Inversement, l’équipement par un seul opérateur ne doit pas se traduire pour les habitants par une situation de monopole local sur le très haut débit, souligne l’Autorité.

Et de poursuivre : Il s’agit d’imposer à l’opérateur qui pose la fibre dans un immeuble de  » faire droit aux demandes raisonnables d’accès « des autres opérateurs (les opérateurs alternatifs estiment que France Télécom ne joue pas le jeu). Il appartiendrait ensuite à l’ARCEP de déterminer les conditions techniques et tarifaires permettant effectivement de répondre à cette obligation. Le projet de loi prévoit également l’encadrement de la pratique conventionnelle entre opérateurs et copropriétés ou gestionnaires d’immeubles.

Reste que les modalités d’application de ces principes posent des questions, d’où le lancement d’une consultation publique par l’Arcep. Qui est autorisé à installer et exploiter la fibre dans une propriété ? Cette partie traite notamment des conditions dans lesquelles l’opérateur d’immeuble doit mettre à disposition de tout opérateur tiers les informations préalables nécessaires pour garantir l’exercice d’une concurrence loyale au bénéfice du consommateur.

Comment encadrer les relations entre opérateurs télécoms et copropriétés ? « L’Autorité souhaite favoriser un climat de confiance entre opérateurs et acteurs de l’immobilier, pour permettre aux opérateurs de déployer la fibre dans les meilleurs délais. Dans l’attente de l’adoption de la loi et de ses textes d’application, la convention type prévoit notamment un engagement de mutualisation de l’opérateur renvoyant aux recommandations de l’ARCEP ».

Cette convention-type « a vocation à s’appliquer à tout opérateur installant de la fibre optique dans les immeubles ».

Enfin, point sensible qui divise les opérateurs : la question de la localisation du point de mutualisation. L’Arcep estime qu’une mutualisation au pied de l’immeuble n’est pas la bonne solution. « Si la mutualisation se faisait uniquement au niveau du pied d’immeuble, tous les immeubles ne pourraient être raccordés en pratique par tous les opérateurs en même temps, de sorte que les habitants feraient face à un choix réduit (au moins de façon transitoire) ».

Le régulateur ne plaide non plus pour une mutualisation au niveau du NRO (noeud de raccordement optique).« D’une part, elle suppose la définition des conditions d’interopérabilité entre les réseaux, processus qui peut s’avérer difficile compte tenu de l’hétérogénéité des choix technologiques entre opérateurs et de l’évolutivité des solutions possibles, notamment sur les réseaux PON (Ethernet, WDM). D’autre part, le caractère transitoire peut conduire à des frais de migration significatifs pour les opérateurs, entre la mutualisation au NRO et la mutualisation au pied d’immeuble, susceptibles de détériorer l’équation économique du très haut débit ».

Conclusion, l’Arcep propose une solution mixte. La mutualisation en pied d’immeuble pourra être suffisante dans certains cas : grands ensembles, Paris intra-muros, où la présence d’égouts visitables et la densité de population rendent crédible le déploiement de plusieurs boucles locales optiques en parallèle jusqu’au pied de la plupart des immeubles.

Dans les zones moins denses, « il est envisageable de mutualiser la fibre sur une partie plus importante de la boucle locale que celle située dans le domaine privé, par exemple à l’échelle d’un pâté de maisons ou de quelques rues, sans pour autant remonter jusqu’au NRO. Cela suppose l’installation de points de mutualisation intermédiaires rassemblant quelques dizaines ou centaines de foyers, où les opérateurs pourraient raccorder leurs réseaux dans des conditions économiques et opérationnelles plus favorables que la mutualisation en pied d’immeuble. Cette solution parait s’imposer notamment pour les zones pavillonnaires et les immeubles de petite taille ».

Rappelons que la fibre optique est un enjeu majeur pour les opérateurs. Free a annoncé qu’il comptait investir 1 milliard d’euros dans la fibre d’ici 2012 dont 300 à 400 millions pour 2008-2009. Pour Orange, les investissements cumulés pour la période 2007-2008 sont évalués à 270 millions d’euros. Au 31 décembre 2007, 7.268 clients avaient choisi l’offre de fibre du groupe et 146.006 foyers étaient raccordables. Neuf Cegetel a annoncé un investissement de 300 millions d’euros d’ici 2009.