La filière open source française en attend plus du secteur public

CNLL open source action publique

En matière d’open source, comment les offreurs perçoivent-ils l’action publique ? Une enquête du CNLL fournit des indicateurs.

Une méconnaissance de la loi, des décideurs peu sensibilisés, des initiatives locales pas assez valorisées… Les remarques positives à l’égard de l’administration publique sont rares dans l’enquête du CNLL sur l’état de la filière open source en France.

Cette enquête a donné la parole exclusivement aux offreurs. Les données publiées se fondent sur les réponses de 134 dirigeants. Essentiellement de microentreprises (jusqu’à 9 équivalents temps plein ; 59 % de l’échantillon) et de PME (jusqu’à 250 ; 35,1 %). 111 de ces entreprises ont des clients dans le secteur public. En premier lieu, des collectivités territoriales (83).

Au-delà des chiffres et de l’analyse qui en découle, il y a des « morceaux choisis », sous la forme de citations… peu avantageuses pour la puissance publique. Par exemple :

  • « La réalité nous montre le contraire d’un encouragement du logiciel libre dans le secteur public. Nombre d’administrations sont full Microsoft. »
  • « La loi n’est pas appliquée. Quand elle l’est, c’est par hasard ou parce que des personnes motivées se sont emparées du sujet. Il n’y a pas d’engagement institutionnel. »
  • « Mettre en place des serveurs Linux ne suffit pas. Sur les postes de travail, je ne vois que trop d’investissements dans Microsoft 365 et autres GAFAM dans les collectivités. »

De manière générale, le CNLL, au travers de cette étude, déplore l’absence d’une stratégie industrielle open source d’État efficace. Les fournisseurs, eux, n’ont pas attendu pour aller chercher d’autres marchés. En moyenne, sur l’échantillon de répondants, les entreprises réalisent 20,5 % de leur C. A. à l’export, contre 16,7 % pour le secteur du numérique (Syntec, 2020). Elles sont, au total, plus des deux tiers à faire de l’export. Vers l’Europe en premier lieu (56,1 %).

Open source : l’idéologie face au pragmatisme

La maturité chez les décideurs se révèle également faible sur l’enjeu de souveraineté numérique, nous explique-t-on. Là encore, citations à l’appui, featuring les Big Tech. Comme :

  • « Les GAFAM ont des palanquées de lobbyistes et d’équipes commerciales. Pas nous. L’open source est granulaire et il nous manque de la puissance de feu ».
  • « Les DSI et ingénieurs qui sont formés aujourd’hui sont biberonnés à Microsoft à 0 € [. Et] quand ils arrivent dans les entreprises et les administrations, ils veulent mettre du VMware et du MS partout. »
  • « Le marché français reste très sensible à la notion de ‘leader’. »

Le CNLL n’en oublie pas pour autant de prendre du recul sur l’offre. Il mentionne, en particulier, un point à améliorer : l’interopérabilité et la complémentarité des solutions libres. Et constate plus globalement la nécessité de tenir compte d’une clientèle « pragmatique et peu idéologue » et qui « recherche, en premier lieu, une réponse adaptée à son besoin […] à bon prix ».

Toujours du côté de l’offre, on aura noté l’évolution des modes de facturation. Les moins répandus sont aussi ceux qui se développent le plus. Parmi eux, les fonctionnalités complémentaires (freemium, open core…), que proposent 18,7 % des entreprises. Mais aussi les licences, abonnements ou assimilés (39,6 %) et la tarification à l’usage (49,3 %). Celles au forfait (72,4 %) et au temps passé (78,4 %) sont encore majoritaires. Même si plus de la moitié des entreprises (51,1 %) commercialisent du SaaS/cloud.

La plupart des entreprises interrogées (78,9 %) sont généralistes : elles ne dépendent pas de secteurs économiques donnés. Cela peut expliquer, estime le CNLL, pourquoi la traversée de la crise Covid a été « relativement » indolore (activité stable pour 40,8 % des entreprises ; en augmentation pour 23,8 %). Autre élément potentiellement contributeur : un effet d’aubaine lié aux réductions de coûts et à la recherche de ROI rapides.

Illustration principale © Yves Roland