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Edouard Fourcade, SAS Institute : « le Big Data heurte la culture française »

Silicon.fr : Le marché du décisionnel voit se côtoyer de grands éditeurs offrant des plates-formes logicielles complètes (SAP, IBM, Oracle) et de jeunes sociétés nées notamment avec la dataviz (Tableau Software, Qlik notamment). Comment se positionne SAS Institute face à ces deux tendances ?

Edouard Fourcade : Notre finalité a toujours été de faire parler les données, via de la mise en forme – le reporting – ou de l’analyse de données qu’elles soient internes ou externes, qu’elles soient homogènes – venues d’un ERP ou d’un historique de ventes – ou hétérogènes, comme c’est le cas de la maintenance prédictive sur des plates-formes offshore (référence à un contrat remporté par l’éditeur avec Shell, NDLR). Cela fait 35 ans que nous travaillons sur ce sujet. Nous sommes reconnus pour notre capacité à réaliser des traitements statistiques sur plusieurs milliards de lignes en quelques secondes. Le buzz autour du Big Data a simplement donné une actualité nouvelle à notre positionnement.

Le Big Data correspond aussi à un virage technologique avec l’émergence de bases de données NoSQL, nées en dehors des acteurs traditionnels de la BI…

Certes, SQL présente des limites en termes de capacités volumétriques ou de gestion des requêtes complexes. Mais, fondamentalement, c’est le contexte économique global qui explique l’engouement pour le Big Data. Il y a seulement 10 ans, prendre une décision en une semaine paraissait raisonnable. Aujourd’hui, ce délai se chiffre plutôt en heures. D’autre part, les volumes de données ont explosé, notamment avec les réseaux sociaux. Amenant des questions de plus en plus complexes. C’est cette combinaison de trois facteurs – volumes, vélocité, complexité -, combinée à la volonté des entreprises de répondre de plus en plus à des questions d’anticipation, qui explique le buzz autour du Big Data, certes favorisé par la brèche technologique ouverte par certains.

Ces tendances de fond confortent notre positionnement axé sur la visualisation statistique de très gros volumes de données – des tables comportant des To de données – et sur nos outils d’analyse permettant de répondre à des questions mal définies au départ. Il s’agit par exemple de faire émerger des corrélations dans des historiques de votes ou les paramètres qui vont influencer les choix des consommateurs pour optimiser une politique de réassorts dans la grande distribution. Pour ce faire, il faut des outils suggérant des modes de représentation. C’est là que nous intervenons, sans jamais avoir la prétention de nous substituer aux métiers.

Justement, qui doit avoir la main sur les données à votre avis : les métiers ou la DSI ?

C’est un vrai débat dans le secteur. Il serait, à mon avis, illusoire de faire l’impasse sur une démarche commune entre IT et métiers. A moins d’inventer un troisième métier, un Data Scientist en chef par exemple. Pour l’instant, je constate souvent que l’IT n’arrive pas à conceptualiser les attentes des métiers, tandis que ces derniers ne connaissent pas précisément les données qui sont à disposition. Pour tirer pleinement parti des données dont elle dispose, une organisation doit donc instaurer une forme d’intimité entre IT et métiers.

A votre avis, quel est le principal obstacle à la mise en place d’applications Big Data dans les organisations françaises ?

La culture des ingénieurs français. Le système éducatif français valorise beaucoup les mathématiques. Or, les ‘matheux’ ont besoin de comprendre comment les choses fonctionnent. Quand on entre dans le détail des scénarios d’utilisation, on se heurte souvent à une forme d’incrédulité, au syndrome NIH (not invented here, pas inventé ici, NDLR). Par exemple, nous avons récemment proposé à une grande banque française de réaliser ses stress tests avec nos solutions en environ 2 heures, au lieu de 5 à 7 jours actuellement. Notre interlocuteur a juré qu’un tel gain était irréalisable. Or une grande banque européenne réalise précisément ses stress tests avec nos solutions en 1 h 40. Un fossé est en train de se creuser entre la culture française et la culture anglo-saxonne, plus ouverte à l’expérimentation.

Le Big Data s’accompagne de l’émergence d’un nouveau métier, celui de Data Scientist. Ces profils existent-ils déjà dans les entreprises françaises ?

On rencontre des profils de ce type dans les télécoms ou les assurances par exemple. Mais, clairement, le pays n’est pas prêt sur ce sujet. Il y a quelques mois, une unique école proposait un mastère dédié au Big Data. Alors que les secteurs éligibles à ce type de profils sont légion : la banque, la grande distribution, les industries manufacturières, les médias, l’hôtellerie… En Grande-Bretagne, trois opérateurs télécoms ont mis en commun leurs données – une fois anonymisées – pour constituer une vaste base comportementale. La co-entreprise qu’ils ont créée revend ces informations à des tiers annonceurs. En France, on est encore loin de telles démarches.

Nombre des applications Big Data sont basées sur la collecte et l’analyse des données du consommateur. Ce dernier peut-il se rebeller contre cette forme d’intrusion ?

Clairement, l’inquiétude autour de la confidentialité des données est en train de monter dans la société. Mais il est trop tôt pour savoir qui de cette vague ou de celle consistant à exploiter les données au maximum pour mieux servir les consommateurs prendra le dessus. Pour l’instant, deux choses nous importent en tant qu’éditeur de logiciels : ne jamais être freiné par le volume de données à analyser et ne jamais être freiné par la nature desdites données.

En complément :

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