France: 40 milliards d’euros pour déployer la fibre optique

Proposer le très haut débit par fibre optique à tous les Français coûtera très cher, estime l’Idate qui conseille de mutualiser les investissements et de réguler le secteur. Le gouvernement lance une consultation publique qui débouchera sur un plan d’action

Le haut débit français doit faire sa mue. Industriels et gouvernement en sont convaincus. Après le déploiement, relativement réussi, de la technologie DSL sur le territoire, l’avenir à court terme se nomme fibre optique. Qu’il soit ‘to the home’ ou pas, cette technologie doit permettre d’offrir jusqu’à 100 Mb/s de débit afin de supporter de nouveaux modes de consommation simultanés de contenus riches et de services dans le même foyer: Internet, TVHD, VoIP, VOD…

Certains pays, certains opérateurs ont déjà avancé leurs pions. En Allemagne, Deutsche Telekom investira 3 milliards d’euros dans la fibre. En France, France Télécom a annoncé des tests en grandeur nature pour un déploiement progressif. Par ailleurs, des opérateurs locaux, comme Erenis à Paris, commencent à équiper les immeubles avec leurs réseaux. Mais toutes ces initiatives sont isolées et le gouvernement tient à unir les efforts afin de proposer cette technologie le plus rapidement possible. Il a demandé en septembre dernier à l’Idate de réaliser un rapport sur la question. Première conclusion : le déploiement national de la fibre coûter cher, très cher. Selon l’Idate, il faudra d’abord débourser 10 milliards d’euros pour couvrir 40% de la population urbaine. 30 milliards supplémentaires seront nécessaires pour couvrir les 60% restants de la population des zones urbaines. L’institut estime que le génie civil représentera 65% à 70% du coût de déploiement d’un réseau très haut débit en fibres optiques. Du lourd! Coût du génie civil Seule solution pour supporter ces investissements colossaux: la mutualisation des coûts entre les opérateurs. Deux options sont a priori identifiables et compatibles avec la réglementation, explique l’Idate. « On peut imaginer la création de joint-ventures à l’initiative des opérateurs privés, qui décideraient de partager les investissements et d’assumer conjointement le risque particulier propre à ces zones. La mutualisation peut être intégrale ou limitée au partage du génie civil ou des fibres noires. Il est cependant probable que dans de nombreux cas, le concours des collectivités locales sera recherché. Celui-ci peut se concentrer sur la fourniture d’infrastructures, ou s’inscrire dans le prolongement des nombreuses DSP mises en oeuvre ces derniers mois pour dégrouper les centraux et étendre la couverture des offres DSL. Dans ce dernier cas, les nouveaux réseaux sont conçus comme des infrastructures ouvertes et partagées. Leur financement (incluant une subvention publique), construction et exploitation, sont délégués au terme d’une mise en concurrence à l’opérateur ayant fait la meilleure offre. Tous les opérateurs et fournisseurs de service sont égaux dans l’usage des ressources (fibre noire ou bande passante) du réseau d’accès ainsi mis en place. » L’Idate évoque aussi la possibilité d’exploiter les progrès dans les technologies sans-fil comme le WiMax, moins chères en termes de génie civil mais aux débits plus faibles: entre 10 et 50 Mb/s théoriques. Par ailleurs, l’Idate réclame que le secteur soir régulé, afin de stimuler la concurrence. Ce qui ne plaira pas forcément à l’opérateur historique. France Télécom a ainsi à plusieurs reprises déclaré qu’en contrepartie de ses investissements, il entendait ne pas partager dans un premier temps son réseau (lire nos articles). Régulation pour les pionniers ? C’est une volonté clairement affichée par Didier Lombard, président de France Télécom. Il souhaite que les marchés émergents, ne soient pas « sur-régulés », sous peine d’entraver le développement technologique et commercial de l’opérateur. Une vision qui n’est pas partagée par l’Arcep, le régulateur des télécoms. « Un scénario de développement de fibre dont les modalités conduiraient, de droit ou de fait, à une re-monopolisation du marché du haut débit professionnel, ne serait pas conforme aux objectifs fondamentaux de la régulation. A moyen terme, tant les entreprises individuellement, que la compétitivité de la France dans son ensemble, en paieraient le prix. Pour la clientèle résidentielle, le marché semble nettement moins mûr », expliquait-il en novembre dernier. De toutes les manières, si la France n’est pas en retard (malgré l’avance de certains autres pays notamment en Asie), l’Idate souligne qu’il faudra rapidement prendre des décisions, surtout au regard des investissements colossaux. Réponse du gouvernement: François Loos, ministre délégué à l’Industrie, a annoncé le lancement d’une consultation publique sur le très haut débit qui débouchera sur un plan d’action en faveur du déploiement d’infrastructures de communications s’appuyant sur la fibre optique. Cette consultation sera ouverte jusqu’en mai 2006. L’étude de l’Idate: www.telecom.gouv.fr/telecom/thd/rap_thd.pdf Quid des technologies ?

La fibre optique d’accord, mais de quel type ? Dans son rapport, l’Idate rappelle les différences technologiques entre le FFTH, le VDSL… « Aujourd’hui, les grands opérateurs de télécommunication semblent s’orienter plutôt vers des architectures hybrides de type VDSL2 ou vers des options FTTH de type PON. Le VDSL permet pour un débit de 40 Mbps et plus, de conserver en partie finale de la boucle locale, la paire de cuivre. Les contraintes de cette solution résident dans la nécessité de situer les équipements à moins de 400 m (environ car cela dépend aussi de la qualité de la paire de cuivre) de l’abonné. Cela nécessite soit de n’appliquer cette solution qu’à un tout petit nombre de répartiteurs (desservant probablement moins de 10% de la population si l’on veut atteindre le débit de 50 Mbps), soit plus couramment d’installer les équipements au niveau du sous-répartiteur, ce dernier étant raccordé au répartiteur par une liaison optique. Mais là aussi les distances peuvent être trop grandes (en France, le sous-répartiteur serait éloigné de 800 m de l’abonné en moyenne ; moins de 20% de la population serait éligible à 50 Mbps si tous les SRA étaient équipés en VDSL). Il faut alors placer un équipement nouveau sur la voie publique ou au pied des immeubles. Les hésitations à déployer le VDSL tiennent aussi aux perturbations que peut engendrer la coexistence sur un câble de paires téléphoniques d’accès ADSL et VDSL (avec les complications qui en découlent pour définir des modalités de dégroupage). Les architectures PON dites passives, justifient quant à elles l’installation de la fibre jusqu’à l’abonné avec une architecture physique similaire à la double étoile. Mais au lieu d’avoir un équipement actif au point de concentration, c’est un coupleur passif qui redistribue les signaux sur 32 ou 64 fibres pour un débit partagé pouvant aller dans sa version GPON jusqu’à 2.5 Gbits ».