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La France bonnet d’âne pour les dépenses R&D des grandes entreprises

Emmanuel Macron a bien fait de lancer une OPA sur la French Tech, sujet qu’il déléguait volontiers jusqu’à récemment à sa secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire. Car le ministre de l’Economie, mais aussi de l’Industrie, ne peut guère compter sur les grandes entreprises pour investir en R&D dans l’Hexagone. Entre 2007 à 1015, les 44 groupes français figurant dans l’étude de PwC, qui a ausculté les dépenses R&D de 1 000 entreprises cotées dans le monde, ont réduit leurs investissements en recherche et innovation dans l’Hexagone de 20 %. Malgré des mesures comme le Crédit Impôt Recherche (CIR), ces grandes entreprises ne dépenseront cette année que 8 milliards d’euros en R&D dans notre pays. 2 milliards de moins qu’il y a 8 ans. Dans le même temps, les dépenses en innovation consenties par les groupes français hors de nos frontières passent de 10 à 14 milliards, et prennent le chemin des Etats-Unis (28 %), de la Chine (13 %), de l’Allemagne (8 %) ou encore de l’Inde (7 %).

Globalement, la France ne pèse plus que 16 milliards de dollars pour les investissements R&D des grandes entreprises, contre 20 il y a huit ans. Car les investissements des groupes étrangers dans l’Hexagone sont eux aussi en recul de 21 %. Le pays est devancé par les Etats-Unis (145 milliards), la Chine (55), le Japon (50), l’Allemagne (32), la Grande-Bretagne (22) et a été doublé par l’Inde (28). PwC publie ainsi un graphique cruel (ci-contre), montrant qu’entre 2007 et 2015, l’évolution de la dépense R&D en France a été 41 % inférieure à celle des Etats-Unis. Le moins bon résultat parmi les 11 premiers pays du classement…

L’Asie premier continent pour la R&D

En fait, explique PwC, la tendance qui se dessine en France se retrouve à l’échelle de l’Europe. Au Royaume-Uni, 80 % des sommes investies en R&D par les entreprises du cru le sont en dehors de l’archipel. « De plus en plus d’entreprises européennes choisissent d’étendre leurs opérations de R&D à l’étranger dans des pays low cost asiatiques (définis comme des pays où le salaire moyen d’un ingénieur est inférieur à 35 000 dollars par an), mais aussi dans des pays à hauts coûts comme les Etats-Unis », écrit PwC. Les entreprises européennes investissent par exemple dans la Silicon Valley pour s’imprégner de la culture d’innovation qui y règne et recruter des talents en ingénierie logicielle qui y sont concentrés.

Globalement, ce mouvement de délocalisation de la R&D vers l’Asie, qui touche aussi les grandes entreprises américaines, permet au continent de devenir la première zone d’investissement dans l’innovation dans le monde, avec 35 % du total. Et plus d’un dollar sur deux investi en Asie provient de firmes non locales. La proportion monte même à 81 % pour la Chine. Les entreprises françaises recensées par PwC investissent ainsi 1,8 milliards de dollars en R&D en Chine, contre 1,1 en 2007. Pour les firmes américaines, la somme globale dépensée en innovation dans l’Empire du milieu est passée, sur la même période, de 7,6 à 18,2 milliards de dollars.

Derrière l’Asie, les Etats-Unis (33 %) et l’Europe (28 %) sont les deux autres zones concentrant les investissements. Le vieux continent était en tête lors de la première étude de PwC sur le sujet, en 2007. Globalement, les 1 000 entreprises surveillées par le cabinet de conseil et d’audit dépenseront, en 2015, 3,7 % de leur chiffre d’affaires en R&D, soit 680 milliards de dollars. Une progression de 5,1 % par rapport à l’année dernière (4 % pour les entreprises européennes) ! En 2014, cette croissance n’était que de 1,4 %.

Le logiciel dévore le monde

Ce bond est notamment dû à la profondeur des budgets de R&D des entreprises du logiciel et de l’Internet (segment où figurent Microsoft, Google et Amazon), qui ont augmenté leurs dépenses d’innovation de 27,4 % en 2015. Au cours des 10 dernières années, ce secteur est celui qui a connu la croissance moyenne la plus soutenue, avec une progression de 13,2 % à l’année. La R&D cumulée des secteurs informatique/électronique (où sont classés Samsung, Intel, Cisco ou Apple) et logiciel/Internet pèse désormais 35,7 % de l’innovation dans le monde. Et ce chiffre seul masque les investissements consacrés par d’autres secteurs (la santé, l’automobile, l’industrie) dans le logiciel.

Parmi le top 20 des sociétés dépensant le plus d’argent en R&D (ci-dessus), figurent de nombreux groupes de la high-tech : Samsung (n°2 derrière Volkswagen), Intel, Microsoft, Google, Amazon, Cisco et Apple. Cupertino apparaît toutefois comme une exception dans ce top 20 : il ne consacre que 3,3 % de son chiffre d’affaires à la R&D, contre une moyenne de 12,5 % pour les 19 autres groupes recensés.

A lire aussi :

Innovation technologique : KPMG boude la French Tech
Pierre Kosciusko-Morizet : « La French Tech ne doit pas se limiter à une R&D en France »
SAP Walldorf : à la découverte du plus grand centre européen de R&D logicielle

Crédit photo : Dmitry Guzhanin / shutterstock

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