France: des adeptes du P2P voient leur accès ADSL coupés

Cette mesure fait partie de la Charte d’engagement signé entre les maisons de disque et les FAI. Moins scandaleuse que les procès et les perquisitions à 6 heures du matin, elle concerne pour le moment une dizaine d’abonnés. Mais la procédure est contestable

L’étau se resserre autour des adeptes, en masse (et pas assez discrets!), du ‘peer-to-peer’ (Kazaa, Emule…) en France. Après le dépôt d’une cinquantaine de plaintes en octobre dernier (cf. nos articles), on apprend qu’une dizaine d’abonnés du haut débit ont vu dernièrement leur contrat se résilier suite à des plaintes déposées par des maisons de disques.

Cette mesure, la déconnexion franche et brutale, fait partie de la Charte anti-piratage signée cet été entre les FAI (fournisseurs d’accès Internet) et les maisons de disques. Après plusieurs avertissements, l’internaute concerné pouvait donc voir son contrat résilier purement et simplement, sans autre forme de procès! Les premières applications de cette mesure sont donc visibles aujourd’hui. Et elles confirment un certain changement de ton de la part des Majors françaises. Le dépôt de plaintes, les perquisitions, les poursuites faites un peu au hasard sont en effet très mal perçues. Formations politiques et associations ont demandé un moratoire jugeant ces méthodes « brutales et disproportionnées ». De quelle manière procèdent les majors? Elles surveillent les principaux services d’échanges P2P, comme Kazaa ou eMule, pour y repérer les usagers les plus actifs et collecter leur adresse IP. Il leur suffit ensuite de se rendre au tribunal de grande instance afin d’obtenir une ordonnance sur requête d’un juge civil, procédure non contradictoire et très rapide. Avec cette ordonnance, ils se retournent ensuite vers le fournisseur d’accès ­ seul à même de faire la correspondance entre l’adresse IP et l’identité de l’internaute ­ pour exiger la résiliation de l’abonnement, comme tous les prestataires s’y sont engagés avec la charte de cet été. La déconnexion semble donc être une nouvelle solution intermédiaire qui devrait éviter les scandales. Ainsi, le délégué général de l’AFA (Association des fournisseurs d’accès à l’Internet) précise que « ces mesures sont moins brutales que l’action pénale et les perquisitions à 6 heures du matin ». Pour autant, la méthode est dénoncée par l’association UFC Que Choisir. L’association estime qu’elle « approfondit une fracture entre le public et le monde de la musique plutôt que d’essayer de trouver une solution d’équilibre ». L’UFC, comme beaucoup, estime que les maisons de disque ont leur part de responsabilité dans la crise qu’elles traversent actuellement. Car même si elle semble plus douce qu’un procès (jusqu’à trois ans de prison et 300.000 euros d’amende), la méthode vise toujours l’internaute lambda qui, la plupart du temps, ne fait pas commerce de ses téléchargements et ne les utilise que pour un usage privé. Par ailleurs, où est la présomption d’innocence, où sont les débats contradictoires? Certains utilisent les réseaux de P2P pour s’échanger des fichiers de façon parfaitement légale… Et le transfert de fichiers de musique peut se faire à leur insu. D’après la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), à l’origine des mesures, d’autres résiliations devraient avoir lieu prochainement. Soulignons que rien n’interdit aux internautes ainsi « débranchés » d’aller se réabonner chez un autre fournisseur d’accès. L’Adami propose un livre blanc

A l’issue des « 5èmes rencontres européennes des artistes », organisées par l’Adami, l’organisation propose dans un communiqué

« la réalisation d’un livre blanc sur les bonnes et les mauvaises pratiques contractuelles » et « l’organisation d’une conférence internationale sur le «peer-to-peer» avec la participation d’industriels du logiciels et de fournisseurs d’accès ». Depuis plusieurs mois, l’association milite pour le versement d’une licence légale par les FAI (indéxé sur le prix de l’abonnement) qui permettrait de payer les ayants droits.