France Télécom: la crise des suicides n'est pas terminée

Sur la « mode des suicides », Technologia rend ses conclusions . Fin du « déni » de la souffrance au travail chez France Télécom. Mais encore 15 suicides depuis janvier 2010.

« Le renouveau viendra avant tout, nous en sommes persuadés, d’une vraie réflexion sur les erreurs passées qui doivent être assumées comme telles pour être dépassées. » Après neuf mois de travail, le cabinet indépendant Technologia, spécialisé dans les risques au travail, a livré ses préconisations dans son « Etat des lieux sur le stress et les conditions de travail » sur France Télécom à l’équipe dirigeante.

C’est la «mode des suicides»* des salariés de France Télécom qui a poussé l’entreprise à réagir, publiquement du moins. En 2008 et 2009, pas moins de 35 salariés se sont en effet donné la mort. Le rapport rendu par Technologia le 21 mai est la dernière phase de travail du cabinet, après les premières conclusions rendues en décembre 2009 et les 107 préconisations du mois de mars.

Souffrance au travail : néo-taylorisation des tâches, volatilité de l’entreprise

Le rapport met en cause « la néo-taylorisation » des tâches pour atteindre ses objectifs financiers, la volatilité de l’entreprise qui a entraîné « une perte de repère et de compétences des salariés » ou la « précarisation du rapport au travail » de par la surcharge des missions…

Car aujourd’hui, en dépit des accords conclus début mai par la direction et par un bon nombre de syndicats et en dépit des améliorations tentées au quotidien par la direction ( comme la rénovation de certains centres par exemple ), le rapport du cabinet spécialisé « confirme la profondeur de la crise qui se poursuit encore». Pour le syndicat Sud PTT France Télécom – Orange, « ce rapport sonne comme un véritable réquisitoire contre la politique de gestion du personnel à France Télécom ».

Dans le rapport du cabinet, on trouve en effet la consultation réalisée auprès des 100 000 salariés du groupe – « mobilisation historique » selon le cabinet. Elle est l’une des illustrations les plus frappantes de cette crise. Ils sont en effet 80 000 salariés à avoir répondu à cette consultation. Et ce, sans compter les 27 000 verbatim ajoutés aux questionnaires. Sans oublier les «milliers d’appels téléphoniques, [les] milliers de mails » reçus et les « demandes nombreuses de rencontres parfois impromptues avec des techniciens, des cadres, mais aussi des cadres supérieurs ».

Les syndicats restent très critiques sur la stratégie du groupe

Conclusion, ça ne va pas encore mieux chez l’opérateur. Le 14 mai, l’Observatoire du stress et des mobilités forcées indiquait « 15 suicides et 9 tentatives depuis le début de l’année 2010 ». Comment en est-on arrivé là? Le rapport de Technologia pointe notamment « la déréglementation du marché des télécommunications et le changement de statut de France Télécom ». Ces derniers éléments « ont profondément changé les règles de jeu internes de l’entreprise et les salariés ont perdu beaucoup de leurs repères».

Les constats de Technologia sont qualifiés « d’alarmants», le bout du tunnel n’est pas encore en vue pour l’opérateur téléphonique, ni pour ses salariés mais le cabinet appelle le groupe à un « redoublement des efforts et à la poursuite opiniâtre d’une stratégie en profonde rupture avec le passé ».

Pour sa part, le syndicat Sud PTT précise que « le personnel attend […] un signal fort avant l’été » et la CFE-CGC/UNSA** affirme que le « départ de la vieille équipe s’impose ! » (ndlr Didier Lombard est président du conseil d’administration). Dans la même veine, cette dernière appelle le groupe à signer deux nouveaux accords (dont la négociation est actuellement bloquée) ceux « susceptibles d’entraîner un réel changement dans le quotidien des équipes, à savoir organisation du travail et conditions de travail, est actuellement bloquée ».

* expression utilisée en septembre 2009 par Didier Lombard, alors dirigeant du groupe

** CFE-CGC/UNSA : Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres – Union nationale des syndicats autonomes