France Télécom privatisé

L’Etat va céder entre 9,6 et 12% de l’opérateur historique. Sa part va ainsi tomber à moins de 50%. Belle opération pour les finances publiques mais des questions restent en suspens et la grogne monte

La Messe est dite: France Télécom est sur le point de passer du côté du privé, l’Etat va prochainement passer sous la barre symbolique des 50% du capital. Ce mercredi, le ministère des Finances a annoncé son intention de placer (en fait céder) 9,6% à 12,1% du capital de l’opérateur historique. Soit au minimum 235 millions de titres.

Résultat: l’Etat va rafler le pactole, entre 4,5 et 5,7 milliards d’euros qui serviront en priorité à financer la dette. Et sa part dans le groupe tombera de 53,1% à moins de 43,5%.On savait que la privatisation aurait lieu, elle a cependant été brutale: tout a été bouclé en une journée. Pour autant, l’Etat ne souhaite pas se désengager brutalement. « L’Etat entend demeurer un actionnaire important de France Télécom à moyen terme », précise le communiqué de Bercy. Actionnaire important mais pas majoritaire. Près de sept ans après la mise sur le marché boursier, par le gouvernement de Lionel Jospin, d’une partie du capital de l’opérateur de télécommunications, l’Etat privatise une entreprise qui a essuyé, comme la plupart des opérateurs, d’importants revers financiers ces dernières années: 20 milliards d’euros de pertes en 2002. L’Etat considère que France Télécom « aura désormais surtout besoin d’accroître ses marges de manoeuvre pour pouvoir s’adapter aux évolutions futures des marchés de télécommunication ». Rappelons qu’une privatisation de l’opérateur était possible depuis le vote fin 2003 d’un texte de loi, tout en maintenant le statut des 106.000 fonctionnaires du groupe. Le gouvernement avait indiqué début avril qu’il comptait « accélérer » les privatisations et le ministre délégué à l’Industrie, Patrick Devedjian, avait réaffirmé en juin, lors de la fusion de l’opérateur avec sa filiale Internet Wanadoo, que l’Etat n’avait « pas vocation à rester actionnaire majoritaire de France Télécom ». Par ailleurs, France Télécom proposera à son conseil d’administration réuni ce mercredi de procéder simultanément à l’émission d’obligations convertibles, « pour ses besoins propres », pour un montant de 1 à 1,15 milliard d’euros, a précisé Bercy dans son communiqué. Fatalisme Du côté des syndicats, on oscille entre fatalisme, colère et doutes. Evidemment, la privatisation n’est pas une surprise. « Le projet ne nous surprend pas », souligne Marc Maouche, président de la CFTC France Télécom. « Mais le gouvernement ne tient pas ses promesses. Cette privatisation devait en théorie être utilisée pour un projet industriel. Or ce n’est pas le cas. Une fois de plus, l’Etat va se servir de France Télécom pour financer sa dette. ». Et la Confédération de s’inquiéter des conséquences de cette privatisation. « Le gouvernement doit avoir conscience de l’enjeu sociétal de cette opération. L’Etat ne pourra plus imposer des missions à l’opérateur. Il y a des risques de distorsion de l’offre égalitaire: les nouveaux actionnaires accepteront-ils de vendre à perte certains services à certains endroits? ». La CFTC « refuse cette perte de contrôle organisée de l’Etat sur l’avenir de France Télécom et du Service Public des télécommunications. Ce retrait de l’Etat provoquera inéluctablement l’accentuation de la souffrance au travail dans le groupe, la remise en cause après 2009 du statut de fonctionnaires des agents de France Télécom, et des délocalisations massives de l’emploi avec les licenciements associés. » Désormais, le syndicat attend la réaction de la base. Mais la marge de manoeuvre sera étroite pour les salariés. La tonalité est plus violente du côté de la CGT. « Cette décision scandaleuse est en phase avec les choix politiques libéraux du gouvernement: privatisation des entreprises publiques et cadeaux au patronat », dénonce la centrale dans un communiqué. Le syndicat, qui appelle à une « semaine d’initiatives » du 13 au 17 septembre, estime que « cet argent ne servira ni au développement du droit à la communication sur l’ensemble du territoire, ni à l’emploi, ni au progrès social, mais à financer, sur fond de chantage aux délocalisations, une nouvelle baisse des charges, notamment pour les grands groupes tel Vivendi, alors que les profits explosent ». Enfin, du côté du syndicat Sud-PTT, on souligne que « L’Etat livre ainsi entièrement l’opérateur aux appétits des marchés financiers ». Sud appelle « tous les salariés de l’entreprise et l’ensemble des organisations syndicales à se mobiliser contre ce nouveau coup de force ».