Frank Esser (SFR) étrille la taxe télécom et la baisse des tarifs de gros dans le mobile

L’opérateur s’inquiète pour son cash-flow

Ce n’est pas une surprise. La taxe de 0,9% sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms et des FAI afin de financer une partie de l’arrêt de la pub sur les chaînes de France Télévisions ulcère les patrons de ces géants pourtant en très bonne santé… Ces derniers ont également très peu apprécié la nouvelle baisse des tarifs de gros exigée par l’Arcep, le régulateur des télécoms. L’Autorité entend ramener ses coûts au niveau connu dans la téléphonie fixe, soit 1 à 2 centimes contre 6,5 à 8,5 centimes la minute aujourd’hui.

Les opérateurs font les comptes et font grise mine. La Fédération Française des Télécoms joue à fond son rôle de lobby et son président, Frank Esser, également p-dg de SFR, multiplie les déclarations.

Dans un entretien au Figaro, le patron agite le chiffon rouge, prévoyant un recul des résultats et des investissements pour son groupe…« Dès 2009, nos cash-flows seront très largement amputés par les multiples nouvelles taxes auxquelles le secteur des télécoms est soumis (coût des mesures de la loi Chatel, cosip, taxe audiovisuelle…), ainsi que par les décisions brutales de baisses de prix imposées par le régulateur (Arcep). Ce dernier vient d’annoncer une très forte baisse de la terminaison d’appel mobile, c’est-à-dire du coût d’acheminement d’un appel vers un mobile. Or c’est un élément important du revenu des opérateurs mobiles. Pour nous, l’ardoise ne cesse de s’allonger ! Comment convaincre ensuite des actionnaires de continuer à investir ? »s’emporte Frank Esser.

La taxe de 0,9% a particulièrement du mal à passer :« Pourquoi faire payer SFR alors que nous n’avons pas de lien, ou très peu, avec la télévision ? Notre activité télévision sur mobile pèse 30 millions d’euros. Nous acceptons de contribuer sur cette assiette, mais pas sur la totalité de notre activité. Pour SFR mobile le coût de la taxe serait de 70 millions d’euros par an, soit l’équivalent de presque 10 % de nos investissements. C’est loin d’être « infinitésimal » ».

Et de menacer :« Au final, c’est encore le consommateur qui va payer. Soit nous allons devoir lui répercuter cette taxe, ce qui équivaut à 14 euros par an par foyer. Soit nous serons contraints d’investir moins dans nos réseaux, et c’est encore le client qui paiera car il aura une moins bonne qualité de service!

Sur les deux prochaines années, cette décision nous fera perdre près d’un demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires. C’est énorme et cela amputera nos investissements dans la couverture du territoire ou l’innovation. C’est contradictoire avec le plan gouvernemental d’Éric Besson ! Il est normal que la terminaison d’appel mobile baisse. Nous sommes d’accord sur le principe. Pas sur le rythme et l’ampleur de la baisse décidés par l’Arcep, qui ne tiennent aucun compte du contexte européen. La France est déjà le pays d’Europe ou la terminaison d’appel est la plus faible ! En l’abaissant encore plus, l’Arcep pénalise les opérateurs français face à leurs concurrents européens. Nous voulons une harmonisation européenne.

Je note d’ailleurs que la commissaire européenne Viviane Reding, toujours soucieuse des consommateurs, félicite l’Italie qui aura en 2010 une terminaison d’appel deux fois supérieure à la nôtre ! En outre, si la nouvelle méthode de calcul des coûts de l’Arcep est appliquée, il deviendra plus intéressant pour SFR d’acheter des minutes en gros que d’investir dans son propre réseau. Un non-sens économique ! Il est important que l’Arcep revoie son projet ! »

L’Autorité en prend pour son grade :« L’Arcep ferait mieux de s’occuper du téléphone fixe, où les prix augmentent (l’abonnement est passé de 13 à 16 euros en trois ans), et où la régulation a été supprimée cet été. Je suis scandalisé par cette décision qui laisse un monopole non régulé de plus de 20 millions de lignes téléphoniques ! L’ensemble des concurrents de France Télécom ne représentent que 25 % du marché du fixe et de l’Internet haut débit, et en plus ils reversent presque la moitié de ce qu’ils gagnent à France Télécom. La situation du fixe est préoccupante. »

Quant à l’arrivée d’un 4e entrant sur le marché du mobile, son intérêt est limité pour Frank Esser (le contraire eut étonné). Le p-dg plaide pour une distribution des fréquences aux opérateurs en place… « Un quatrième opérateur, s’il a une couverture nationale, ne fera pas baisser les prix, qui sont déjà parmi les plus bas d’Europe. Il n’apportera pas plus d’innovation, la France étant déjà en pointe. En revanche, cela conduirait les opérateurs à investir moins sur les zones rurales. Il serait plus judicieux d’attribuer aux opérateurs en place ces fréquences dont ils ont tant besoin, notamment pour faire face à l’essor considérable d’Internet mobile. Quant à la concurrence, elle existe, et SFR est prêt à la stimuler encore plus en accordant de nouvelles concessions aux opérateurs mobiles virtuels (MVNO) ».