Freescale : un autre modèle pour les semi-conducteurs

Freescale, ex Motorola Semiconductors, a inauguré un nouveau modèle pour les semi-conducteurs. Un modèle qui séduit, à l’exemple de Philips en Europe, qui vient de créer sa ‘spin off’ NXP, ou les géants asiatiques qui revoient leurs modèles et consolident. Retour sur le succès exemplaire de ce que d’aucun considérait il y a deux ans comme l’abandon par Motorola de sa filiale condamnée?

La lecture de ce dossier/analyse renvoie sur des articles déjà publiés et accessibles par les liens placés dans le texte.

Lorsque Henri-Alain Rault, le vice-président et CEO de NXP France, ex Philips Semiconductors, évoque la volonté du groupe européen d’être « le Freescale d’aujourd’hui« , il reconnaît implicitement le succès d’un modèle industriel et économique que le marché ne donnait pas gagnant à l’origine.

Un peu d’histoire, tout d’abord? Cinquante ans après la création de sa division semi-conducteurs, à l’origine destinée à la fabrication de simples contrôleurs ou transistors, Motorola décide de se séparer de sa filiale, particulièrement chahutée en interne et sur le marché. Difficile en effet de développer des activités comme les processeurs embarqués sur la base de la plate-forme PowerPC ou les composants pour l’automobile lorsque l’on est un géant de la téléphonie.

Voici deux ans, donc, la division semi-conducteurs de Motorola devient Freescale. Sujet de raillerie pour certains analystes, véritable opportunité pour la ‘spin-off‘ rangée en ordre derrière le moins connu et pourtant unique patron français d’une multinationale américaine figurant au Top 500 des entreprises mondiales : Michel Mayer.

Comme nous l’explique Michel Mayer, CEO de Freescale, profil bas, tout d’abord, il faut assurer ses arrières financiers et rassurer les investisseurs. Mais aussi s’engager dans une nouvelle aventure, avec un nouveau modèle : ‘Nous voulons être un des leaders de l’ère post PC’, nous a-t-il confié lors du Forum Freescale qui s’est déroulé fin juillet à Orlando (Floride ? USA).

Quelles sont les spécificités de ce nouveau modèle, qui attire tant les acteurs des semi-conducteurs comme NXP ? Un choix de stratégie de marché, tout d’abord, avec l’embedded, les technologies embarquées. Ici, Michel Mayer se différencie très clairement de la stratégie dominante d’un Intel, mais vise aussi la proximité avec ses partenaires et clients.

La R&D ‘(Recherche & Développement), le nerf de la guerre, toujours et toujours plus. D’ailleurs, Freescale est partenaire de l’alliance Crolles 2, à Grenoble, qui développe les 90 nanomètres, 65 nm et 45 nm en compagnie des européens STMicroelectronics et? Philips ? NXP.

De cette R&D, Freescale ;

– Touche le Graal avec la MRAM (Magnetoresistive Random Access Memory), la révolution de la mémoire universelle ;

– Expérimente les 45 nm, avec le ‘Strain SOI’, la technologie CMOS avancée SSOI ‘strained silicon-on-insulator’ en 45 nm, avec en perspective 30 % de puissance en plus pour une réduction de consommation de 40 % ;

– crée le premier MOSFET en AsGa, le premier circuit au monde associant les hautes performances de l’arséniure de gallium (AsGa) aux avantages offerts par les transistors MOSFET traditionnels.

– Participe au programme LISPA, le nouveau laboratoire de recherche CNRS-Freescale, autour des « défis énergétiques » lancés par les nouvelles générations de systèmes mécatroniques.

Parmi les axes majeurs de Freescale, l’architecture Power, le rebond du PowerPC, le processeur pour serveurs dans sa version IBM, le processeur embarqué pour Freescale, qui collabore avec IBM, et qui surtout s’inscrit comme un partenaire de premier plan de l’évolution majeure de l’architecture Power.

Autre axe, la téléphonie :

– Freescale a ainsi créé le 1er processeur modem ‘mono-c?ur’ pour la 3G et le marché WCDMA ;

– Ainsi que le premier DSP 4 c?urs + mémoire, avec le DSP MSC8144 qui réunit quatre c?urs et la mémoire afin de répondre aux attentes du futur sur le multimédia au-delà de la seule téléphonie ;

– Lors du Forum, Freescale a présenté MXC300, la plate-forme 3G du futur ;

– Un investissement qui s’est aussi traduit par un recrutement de tout premier ordre, avec le gourou d’Ericsson Mobile, le Dr Sandeep Chennakeshu, qui va prendre la tête de la division Wireless and Mobile Solutions Group.

Mais pour gagner des marchés et s’imposer, la stratégie de Freescale doit passer par la proximité avec ses partenaires et clients. Pour cela, le groupe mise une nouvelle fois sur la R&D afin de développer des outils visant à simplifier la conception de produits :

– Au Forum, Freescale a présenté RCP, une nouvelle technologie de packaging, pour permettre à ses clients et partenaires de créer des ‘assemblages’ de semi-conducteurs 30 % plus petits.

Ce rapprochement se traduit ainsi par une nouvelle approche, à l’image du développement d’un ‘reference design’ 3G avec Nokia et Symbian, après le ‘reference design’, place au ‘reference phone’, le programme Elektrobit pour la création de plusieurs ‘form factor’ de téléphones mobiles qui intègreront sa future plate-forme 3G ;

– Résultat exemplaire, un ‘smartphone’ 3G à 150 euros, Freescale, Nokia et Symbian, avec l’appui des grands opérateurs européens qui sont demandeurs de produits plutôt orientés vers l’entrée de gamme, développent un ‘reference design’ 3G.

Cette évolution, elle se traduit par une mutation de l’industrie, car bientôt les Freescale, NXP, STMicro et autres Infineon devront non plus fabriquer et distribuer des composants, pour quelques centimes, mais bien distribuer des logiciels, des outils de développement, des bibliothèques, et c’est sur le software qu’il pourront se différencier et faire de la marge !

Cette mutation est d’ailleurs visible dans l’écosystème de Freescale. Par exemple, Wind River, l’éditeur de VXWorks, le premier OS embarqué de l’industrie, passe au multiprocessing et affronte la complexité de la programmation ‘multicore’, car si les processeurs à plusieurs c?urs apportent de la puissance et réduisent les coûts, leur adoption s’accompagne d’un regain de complexité, d’où l’initiative MCP d’optimisation des logiciels pour équipements ‘multicore’.

Et jusqu’à Microsoft qui par sa présence a créé la surprise au Forum Freescale. Pour Denis Griot, le directeur général Europe et Emea de Freescale, ‘Nous avons un intérêt à travailler avec Microsoft’ !

Rappelons cependant que, comme pour NXP et ses autres concurrents, même si les IT et la R&D poussent vers les technologies de communication ou vers le gigantesque marché de l’automobile, le c?ur de leurs revenus provient de l’industrie, et en particulier des microcontrôleurs, dont les volumes compensent largement leur coût, de quelques centimes.

Et même dans ce domaine, Freescale avance : ColdFire V1 réunit 8 et 32 bits. Encore une révolution?