Futur de l’IT : la 5G tiendra-t-elle toutes ses promesses ?

Avec une hausse du débit et une forte réduction du temps de latence, la 5G devrait concrétiser les espoirs placés dans l’usine du futur, la smart city ou le véhicule autonome. Les progrès seront toutefois très progressifs.

Des débits multipliés par dix pour un temps de latence proche de la milliseconde. Sur le papier, les performances techniques de la 5G se révèlent pour le moins prometteuses. Elles laissent augurer des cas d’usage véritablement disruptifs dans la télémédecine, la voiture autonome et les expériences immersives de réalité virtuelle et augmentée.

La 5G devrait tenir ces belles promesses sur la durée, mais ce n’est  pas encore le cas depuis son récent lancement commercial  en France. Les réseaux de cinquième génération ne seront déployés que progressivement. Dans la phase dite « non-standalone », entre 2021 et 2023, la 5G cohabitera avec un cœur de réseau 4G et le débit ne sera augmenté que dans un facteur de deux, voire trois seulement.

Durant cette période transitoire, « le principal atout de la 5 G sera de soulager la 4 G », concède Stéphane Allaire, directeur du programme 5G chez Bouygues Telecom. « Dans certaines zones à forte affluence, dans lesquelles le réseau peut arriver à saturation, la 5G offrira une capacité supplémentaire. L’augmentation du débit, associée à une réduction de la latence, apportera de la fluidité pour naviguer sur Internet et regarder des vidéos de meilleure définition. »

Démarrer avec la 5 G « standalone »

Pour profiter de tous les bénéfices de la nouvelle norme, il faudra attendre 2023 et l’arrivée de la 5 G « standalone », soit la 5 G « pure ». D’ici là, les opérateurs auront fait évoluer leur cœur de réseau qui deviendra « cloudifié » et virtualisé. Cette couche d’abstraction au-dessus de l’infrastructure physique – routeurs, commutateurs… – permettra de « découper » virtuellement un réseau en tranches pour les déployer à la volée.

Cette technique dite de « network slicing » garantit une qualité de service de bout en bout pour des cas d’usage à très fortes exigences, comme les process critiques d’un site industriel ou d’un réseau de communication privé tout entier dévolu aux services d’urgence.

Les débuts de la 5G en France sont aussi conditionnés par le choix du régulateur. La bande de fréquences qui a été attribuée fin septembre par l’Arcep se situe dans la moyenne du spectre (3,4 – 3,8 GHz). « Un compromis entre les capacités réseaux et la portée du signal », note Mathieu Lagrange, directeur réseaux & sécurité de l’Institut de recherche technologique (IRT).

Selon les lois de la physique, une fréquence basse autour de 1 Ghz porte le signal très loin, mais avec un débit limité. À l’opposé, les ondes millimétriques (24,25 – 27,5 GHz) offrent une couverture très faible, mais des performances excellentes. Ces dernières seront privilégiées pour couvrir les stades ou les sites industriels.

Cloud gaming et expériences immersives

En dépit de ces réserves, des cas d’usage se dessinent. Dans le domaine grand public, la 5G accélérera le développement du cloud gaming. Les nouvelles plateformes de jeux vidéo en streaming de Google (Stadia), Microsoft (xCloud), Apple (Arcade) ou Amazon (Luna) profiteront de la dimension temps réel du nouveau standard pour fluidifier les interactions entre joueurs.

Les expérimentations menées par Orange dans son « 5G Lab » de Châtillon (92) portent aussi sur les tournois d’e-sport, le streaming vidéo en 4K/8K et les expériences immersives en réalité virtuelle ou augmentée. « En réduisant au minimum le temps de latence, on évite le phénomène de mal de mer », poursuit Mathieu Lagrange.

Le secteur des médias et du divertissement sera le premier bénéficiaire de la couverture 5G : le téléchargement d’un film prendra quelques secondes. La SNCF teste dans ses gares de Rennes et Lyon cette possibilité de téléchargement instantané pour les voyageurs encore à quai.

La 5G devrait aussi donner le vrai top départ de l’Internet des objets (IoT) dans les domaines de la distribution d’énergie (compteurs intelligents, smart grids…) ou de l’industrie. Dans l’usine du futur, les données de milliers de capteurs d’humidité, de choc ou de température alimenteront les algorithmes de machine learning dédiés à la maintenance prédictive.

Muni d’un casque de réalité augmentée, le technicien de maintenance interagira avec l’équipement à dépanner en superposant dans son champ de vision des informations contextuelles sur son état de santé ou les instructions d’un manuel constructeur. L’inspection des bâtiments ou des infrastructures en hauteur, comme un pylône électrique ou une éolienne, s’effectuera grâce à un drone équipé d’une caméra 4K et agrémenté de capteurs thermiques ou acoustiques.

Le contrôle qualité sera aussi automatisé. « En couplant des caméras connectées à des algorithmes de computer vision, il est possible de détecter en temps réel les incidents ou les défauts sur une chaîne de production », avance Guillaume Vaquero, senior manager, expert en digital et technologies émergentes chez Wavestone.

Boom de la cobotique

La 5G développera, par ailleurs, la cobotique. Aujourd’hui, les AGV (Automated Guided Vehi­cles) – véhicules autonomes dédiés au transport de marchandises – ralentissent à l’approche d’une voie de passage pour « regarder » à droite et à gauche avant de traverser. « Avec une caméra dans le bâtiment qui les informe en temps réel et grâce à la faible latence de la 5G, ils ne ralentiront pas si la voie est libre devant eux », prédit Stéphane Allaire.

Pour Nicolas Sironneau, expert de la Fondation Concorde et auteur du rapport « La 5G : prendre le virage du monde d’après », la 5G sonnera, plus généralement, l’avènement du sans-fil en milieu industriel. « Gagnant en intermodularité, les industriels pourront modifier plus rapidement leur appareil productif. Un professionnel du textile qui confectionne des robes peut décider demain de fabriquer des masques », explique-t-il

Dans un autre registre, la smart city devrait largement recourir à la 5G. En agrégeant les données des équipements connectés (Abribus, éclairage public intelligent, bâtiments…) à celles des régies de transports et des distributeurs d’énergie (eau, électricité, gaz), la ville intelligente procèdera à une gestion plus efficiente de ses ressources.

Les grandes métropoles résoudront pour partie leurs problèmes de congestion grâce à l’avènement de la voiture et de la navette autonomes. Ces derniers devront interagir à la milliseconde près avec leur environnement et l’infrastructure routière. La 5G sert aussi le volet sécuritaire.
Couverte depuis juillet 2019, la Principauté de Monaco a doté ses pompiers de drones connectés pour inspecter les sites sinistrés avant intervention et allouer des fréquences aux forces de l’ordre.

La 5G permettra, enfin, de généraliser la vidéosurveillance avec un traitement automatisé des flux vidéo générés par des caméras connectées de haute résolution. Dans les limites, bien sûr, du cadre réglementaire.