Le Named Data Networking, fossoyeur de TCP/IP ?

Une poignée d’universités, rejointes par Cisco et Verisign notamment, planchent sur une nouvelle architecture du réseau Internet, à la fois décentralisée et sécurisée.

Le protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol) à la base d’Internet va-t-il disparaître au profit du Named Data Networking (NDN) ? S’il est trop tôt pour le dire, un certain nombre d’acteurs, et pas des moindre, travaillent néanmoins sur une nouvelle architecture de réseau planétaire. On y retrouve notamment Cisco, Verisign et Panasonic au milieu d’une flopée d’universités américaines (UCLA, UCSD, Arizona, Washington…) et internationales (Corée, Chine, Suisse, France et Japon).

Avec MobilityFirst, Nebula et eXpressive Internet Architecture, NDN fait partie des quatre projets de recherche soutenus, depuis 2010, par la National Science Foundation et visant à développer un Internet plus fiable. Le NDN s’inscrit comme une nouvelle architecture Internet visant à en dépasser les limites actuelles. Notamment en révisant le principe de nommage, par adresse IP, des serveurs et terminaux appelés à échanger des données.

Indexer des noms de données plutôt que des adresses IP

« Les noms dans les datagrammes NDN sont structurés hiérarchiquement, mais avec d’autres identificateurs arbitraires de données, peut-on lire sur le site dédié au projet. Ils peuvent être utilisés pour nommer un bloc de données dans une communication, tout comme l’identifiant de connexion de transport TCP/IP le fait aujourd’hui, mais ils peuvent aussi nommer un bloc de données directement à partir d’une vidéo YouTube, plutôt que de forcer l’intégration dans une conversation entre l’hôte et Youtube.com. » Autrement dit, exploiter les noms des données plutôt que les adresses numériques de leurs conteneurs pour faire circuler les contenus sur Internet.

Concrètement, un utilisateur envoi sa requête à travers un « paquet d’intérêt » que le routeur peut stocker dans une « table d’intérêt » pour partir à la recherche du contenu désiré, en ligne et auprès des différents terminaux connectés. Parce que la donnée est stockée dans un paquet à nom unique, le routeur peut localiser toutes les instances de cette donnée et l’envoyer à son destinataire sous forme de données brute ou de flux (stream).

Architecture décentralisée et sécurisée

Pour les concepteurs du projet, le NDN offre plusieurs avantages. Alors que, dans le NDN, la requête est formulée directement par le nom de la donnée, la nouvelle architecture permettrait d’abord de supprimer les serveurs d’adresses IP chargés de la translation entre le nom de la donnée (un fichier) et l’endroit où elle se trouve (le serveur identifié depuis une adresse IP). Ensuite, dans le NDN, la données est signée par son producteur et vérifiée par le consommateur, ce qui permet d’authentifier les contenus et donc sécuriser les échanges. Alors que le protocole IP ne peut pas garantir que toutes les transactions entre un client et un serveur proviennent bien du serveur en question.

Enfin, à la manière du protocole P2P, les données en question seraient stockées un peu partout sur le réseau et bénéficieraient d’une forme de distribution décentralisée. Ce qui ouvrirait la porte à de nouvelles fonctionnalités de routage aujourd’hui inaccessible aux routeurs IP. A commencer par l’élimination du « data looping » (boucle de données) en permettant aux nœuds de routage d’utiliser l’ensemble de leurs capacités de connexion. Ce qui éliminerait potentiellement l’asymétrie qui persiste entre les gros opérateurs contrôlant les principaux nœuds de routage du réseau et les fournisseurs d’accès plus locaux.

Un réseau dédié à la recherche scientifique

Une architecture bien plus appropriée que le TCP/IP face à l’explosion des appareils connectés que l’Internet actuel devra supporter à l’avenir, avancent les concepteurs du NDN, en regard des problèmes de capacité et de bande passante que cela posera inévitablement. Pour l’heure, si les tests et démonstrations se multiplient, il est encore trop tôt pour évoquer l’idée de supplanter l’Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui. Néanmoins, les travaux avancent. Le NDN Consortium s’est constitué le 3 septembre dernier visant à promouvoir les travaux en ce sens. Et la communauté NDN se réunissait à l’Université Californienne de Los Angeles (UCLA) les 4 et 5 septembre pour débattre de l’opportunité de déployer des plates-formes NDN dédiées à la recherche scientifique. Souvenons-nous, c’est notamment en reliant les universités qu’Internet a fait ses premiers pas dans les années 70.


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