G. Gauthey (CDC): oui aux collectivités opérateurs d’opérateurs!

La directrice NTIC à la Caisse des Dépôts et Consignations, ne voient pas d’objection à l’émancipation des collectivités.

Comment l’aménagement numérique du territoire est-il en train de se mettre en place ? Avec quelle organisation ? Au moins 20 grands réseaux devraient être déployés d’ici à deux à trois ans ans. Les tarifs auront fortement chuté. Cependant, la couverture du territoire ne sera pas égalitaire. En matière de haut débit, les besoins des entreprises et des particuliers ne sont pas les mêmes. Nous ne sommes pas en train de réaliser un nouveau « plan câble jacobin », mais simplement de faire du mieux que nous pouvons, avec les moyens que nous avons. Un nouveau mode de fonctionnement est en train de s’instaurer. Jusqu’en 1996, France Télécom était chargé du développement des infrastructures télécoms. Puis, de 1996 à 2001, ce sont les opérateurs privés qui ont pris le relais. Aujourd’hui, nous constatons un besoin d’Etat. Les collectivités locales ont un rôle important à jouer ? reste à déterminer à quel niveau. Est-ce la région ou le département? Le gouvernement veut propulser les régions comme tête de file. Or, les départements sont souvent moteur dans les projets d’infrastructures, et ils se sont déjà dotés de compétences. Cependant, vu leur assise territoriale limitée, ils cherchent des logiques interdépartementales. Partant, la région pourrait jouer un rôle fédérateur et de cohésion.

Quel rôle reste-t-il à l’Etat central ? L’Etat semble écartelé par des exigences contradictoires, qui freinent son action. Actionnaire de France Télécom, il ne peut se désintéresser de l’avenir et des performances de l’opérateur historique. Responsable de la modernisation du pays, il est conscient de la nécessité d’ouvrir le marché des télécoms à la concurrence. Par ailleurs, l’Etat a du mal à laisser les collectivités locales agir de façon autonome et à prendre leurs responsabilités. Difficile de se défaire d’une tradition centralisatrice. Je pense qu’il faut libérer les énergies locales, par exemple en clarifiant l’article 1511-6 du Code public des collectivités locales, concernant leur compétence à financer des infrastructures passives. A quel stade en sont les collectivités locales dans leurs projets d’infrastructure ? Paradoxalement, nous essayons de freiner les collectivités locales dans leurs projets, plus que d’accélérer le processus. Il est indispensable qu’elles consacrent du temps à évaluer la demande du grand public, des entreprises, des institutions, à se demander quels vont être les usages? avant de se lancer dans un projet qui risque de ne pas être rentable. Nous accompagnons les collectivités sur 130 projets d’infrastructure. La plupart sont encore très embryonnaires. Seulement huit sont en cours de montage juridique et financier, et sept sont déjà finalisés. Quels obstacles rencontrent-elles ? Le financement, principalement. Les banques sont très frileuses, quand il s’agit de participer au déploiement. Même quand la caisse des dépôts est présente. Entraîner des gestionnaires privés d’infrastructures à s’engager représente un autre défi : eux aussi sont réticents à prendre des risques financiers. Et pourtant, le modèle fonctionne, une fois les opérateurs libérés du poids de l’investissement des infrastructures! Par exemple, à Nancy, la régie va bientôt rejoindre l’équilibre. En région parisienne, quatre ou cinq opérateurs se sont déjà présentés auprès du Sipperec. OPERATEUR D’OPERATEUR

Alors, est-ce souhaitable que les collectivités locales deviennent opérateurs? Les collectivités demandent à être opérateur d’opérateur, c’est à dire de fournir les infrastructures mutualisées aux opérateurs. Elles ne souhaitent pas être opérateurs de services. Elles n’en ont, de toute façon, pas la possibilité. C’est pourquoi il n’y a pas d’opérateurs locaux en France, contrairement à l’Allemagne, l’Italie ou la Suède, où ils sont largement soutenus par les collectivités locales. Le cas de Sienne, à cet égard est exemplaire. La ville a pris des participations dans l’opérateur, et cela fonctionne très bien. En France, nous ne disposons pas d’outil pertinent pour permettre la participation du privé et public, dans ce domaine. Et après le haut débit ? Après le haut débit, les usages. Il ne faut jamais dissocier leur développement. Nous travaillons déjà sur des projets d’usage comme le e-learning, la numérisation du patrimoine, la confiance sur Internet? Les champs à explorer restent vastes.l Propos recueillis par Anne Daubrée

Gabrielle Gauthey

Gabrielle Gauthey, polytechnicienne de 40 ans a participé à la libéralisation des télécommunications, comme conseiller technique auprès de François Fillon, de 1995 à 1997. Auparavant, elle a débuté sa carrière chez France Télécom, puis à la Datar.