Gemplus : une puce française dans un visa européen

La société française de cartes à puce Gemplus annonce avoir été sélectionnée pour l’expérimentation du visa électronique dans l’Hexagone et en Europe, visant à exercer un meilleur contrôle aux frontières de l’espace Schengen

Gemplus, qui a profité en 2004 de la forte reprise de ventes de cartes pour téléphones portables, vient de trouver un nouveau filon. Il s’agit d’une initiative menée par un groupement d’États européens dans le cadre du projet « Biodev », que Gemplus se partage avec Sagem. Ce projet européen, qui est piloté par la France, a pour objectif de fournir des cartes à puces à un certain nombre de pays. Lors de la première phase de l’expérimentation, le fabricant de cartes à puce a pourvu des cartes basées sur sa technologie de puce sans contact (Gemborder).

Cette technologie est dite sans contact, car la puce est inerte mais son contenu est acessible via une antenne intégrée. Elle comporte des informations biométriques sur le détenteur du visa d’immigration, comme par exemple des détails sur les empreintes digitales et faciales. De plus le visa contient les informations habituelles, comme l’état civil ou le lieu de résidence. Selon Gemplus, cette technologie représente un gain de temps pour le douanier, mais aussi une nette amélioration de la précision des contrôles et donc plus de sécurité pour le voyageur. La carte se trouve à l’intérieur du passeport, mais elle peut également être délivrée sous la forme d’un autocollant placé à l’intérieur des documents administratifs. Du point de vue de la sécurité des données, la firme précise : « il ne faut pas confondre RFID et puce intelligente qui n’autorise pas la géolocalisation, d’ailleurs la lecture de la puce ne peut se faire qu’à quelques centimètres du lecteur, ce qui empêche tout traçage ». En ce qui concerne l’utilisation que pourrait faire de ces données le ministère de l’Intérieur, Gemplus n’est pas en mesure de répondre. Pour commencer, le projet sera tout d’abord testé dans les aéroports de Roissy, d’Orly, de Marseille, de Lyon et de Bruxelles. Il impliquera les consulats français de 3 pays différents (Mali, Sri Lanka, et Biélorussie) pour l’émission de visas Schengen à puce et d’un pays pour la Belgique. Le but du partenariat Sagem-Gemplus étant bien évidemment d’étendre cette solution à d’autres pays. A noter que Gemplus ne se limite pas à la fabrication du visa dans le cadre de cette expérimentation, le groupe peut produire tous les papiers administratifs et professionnels, du passeport à la carte d’identité en passant par le badge. D’ailleurs, il fournit déjà la carte d’identité du Sultanat d’Oman et les badges de Boeing. En matière de financement, il est difficile à déterminer, car la mise en place de ce système nécessite bien d’autres composants qu’une simple puce. Il faut des applications, des systèmes d’exploitation et des lecteurs. La puce seule représente entre 30 et 40 % du budget. Selon Jacques Seneca, vice-président de la division Identité et Sécurité de Gemplus les avantages du visa électronique sont évidents : « La technologie de la carte à puce sans contact est aujourd’hui privilégiée pour les applications de contrôle aux frontières et elle est disponible sur de multiples supports tels que la carte d’identité, l’incrustation dans la page du passeport et les visas électroniques autocollants. Elle va non seulement aider les gouvernements européens à contrôler de manière plus fiable les personnes qui entrent dans l’espace Schengen, mais elle procure également des avantages aux détenteurs de visas qui bénéficient de contrôles de sécurité plus rapides et plus efficaces dans les aéroports » Du côté de Sagem, l’on se réjouit déjà du partenariat réussi avec Gemplus. Ainsi, comme l’affirme Jean-Paul Jainsky, un responsable du groupe : « Il était primordial pour nous de travailler avec un fournisseur tel que Gemplus, dont la technologie non seulement est en stricte conformité avec les normes pour les applications et visas électroniques, mais offre en plus des niveaux supérieurs de performances et de sécurité. » Les sociétés françaises de cartes à puces se portent bien (lire nos articles). Elles ont réalisé une excellente année 2004, Axalto affiche une impressionnante hausse de ses ventes de 30%, Oberthur de 8,8%, et Gemplus annonçait en février une progression de ses ventes de 4,3%. Avec un chiffre d?affaires qui s’élevait à 865 millions en 2004, 5 milliards de cartes à puces ont été vendues depuis la création de l’entreprise, dont 656 millions en 2004. Et avec ce nouveau marché qui se dessine, la firme peut souffler. Nul doute que le ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin, qui a fait de l’immigration clandestine une priorité du gouvernement Raffarin, est lui aussi satisfait de cette victoire franco-française. Reste qu’il faut être prudent, car ce genre de carte, si elle est détournée de son utilisation d’origine, peut rapidement se retourner contre son utilisateur. Une affaire à suivre…