Gérald Karsenti, HP France: « Comment développer la valeur en période de crise »

Comment fait-on face à la crise chez HP? Comment se déroule l’intégration d’EDS ?  Entretien avec Gérald Karsenti, dg Ventes TSG, chez HP France

Globalement, les chiffres de Hewlett-Packard sont bons. Est-ce à dire que le géant de l’informatique échappe totalement à la crise, en France et ailleurs?Gérald Karsenti* : La crise a un impact, mais relatif. Ce qui a été perdu en volume, nous nous efforçons de le regagner en valeur. L’objectif prioritaire est de maintenir la rentabilité, de ne pas vendre en marge négative. La crise ne nous a pas fait changer de cap, mais nous a permis de conforter nos choix antérieurs. Nous avons amélioré nos résultats, même s’il faut admettre que nous ne sommes pas encore au niveau où nous devrions être.

Si l’on regarde trois ans en arrière, il faut rappeler que HP en France connaissait une croissance mais la rentabilité n’était pas suffisante pour financer l’ensemble de la structure commerciale. Par ailleurs, nous sortions d’un plan social, après les restructurations dues au rachat du groupe Compaq.

Nous ne générions pas assez de chiffre d’affaires dans les domaines qui apportent de la marge opérationnelle. En clair, nous étions trop concentrés sur le volume et pas assez dans la valeur et la délivrance de solutions

En avril 2007, un plan d’actions a été mis en place pour 2007-2010. Un de ses principaux objectifs était de rehausser le ratio « marge brute sur coûts commerciaux »: +30 à fin 2009 et +10% additionnels en 2010.

Quel est le bilan intermédiaire?

GK : L’activité TSG a cru tous les trimestres, la plupart du temps à deux chiffres jusqu’à la fin 2008; croissance à un chiffre depuis 2009, la crise se faisant légèrement ressentir. Donc, pas de décroissance.

A ce jour ce ratio visé a été amélioré de 25 %. Et nous avons bon espoir d’atteindre l’objectif fixé d’ci à la fin 2009.

Nous avons continué d’embaucher des jeunes diplômés (environ 25), essentiellement issus des grandes écoles de management, et en 2008, nous avons continué d’embaucher des compétences dans les domaines en forte croissance, comme le logiciel (10 personnes).

Quelles actions ont alors été engagées?

GK : Nous avons agi dans trois directions: plus de présence commerciale, plus de qualité dans l’action et plus de solutions.

La première idée était de renforcer notre présence chez nos clients. Et de nous concentrer sur tout ce qui peut apporter de la valeur. Nous avons étoffé nos forces de ventes commerciales sur certains comptes clients, ceux que nous appelons le « top 30 » de notre chiffre d’affaires. Nous avons également mis en place une organisation de « télévente » pour toucher un millier de clients supplémentaires. Nous avons également renforcé notre couverture commerciale en région sur environ 250 clients.

Dans cette présence, nous mettons en avant des profils d’architectes afin notamment de prendre en charge des projets à forte complexité.

Nous avons également établi une liste de 10 sociétés non clientes de HP, sur lesquelles nous avons décidé d’investir sur le long terme, au vu du potentiel estimé.

Mais comment faire plus de valeur en période de récession?

GK : Il faut avoir en tête un ensemble de changements sur toute la chaîne de ses activités: mieux adapter les solutions, développer l’approche « ventes conseils » ou « consultative selling » (par opposition à la vente produits). Cela suppose d’étoffer ses compétences, grâce à des formations adéquates.

Vous dites avoir gagné en efficacité… mais encore?GK : Parmi les mesures prises, nous avons créé un centre de services pour les activités de « back-office ». Nous avons également créé un programme d’attachés commerciaux (jeunes diplômés) pour supporter la charge des commerciaux plus expérimentés.

A cela s’ajoutent des initiatives visant à accélérer le développement des activités de ventes directes pour les offres simples, engageant peu de lignes de produits (par les unités de téléventes) ;

Autre indicateur : les commerciaux expérimentés doivent consacrer 80 % de leur temps aux projets à très forte valeur ajoutée.

Et comment mesurer vos résultats?

GK : Deux ans après le début de nos chantiers de transformation, nous avons plus de croissance, une amélioration du ratio « marge sur coûts commerciaux » dans les proportions attendues…

La part « valeur » dans le chiffre d’affaires total a progressé de l’ordre de +20%, à périmètre constant (hors acquisition d’EDS) en 2 ans.

Précisément à propos d’EDS, comment se passe l’intégration d’EDS France au sein de HP?

GK : Cette intégration est en cours. Pour ma part, je constate de réelles « connivences » de compétences entre les deux entités. Pour le reste, vous savez que le groupe a décidé au niveau mondial que ce serait une seule entité.

Comment s’articule la synergie en pratique?

GK : Les responsables de comptes clients chez TSG identifient et qualifient les affaires; ils vérifient les ressources, le budget du client. Ensuite, ils peuventt transmettre le dossier aux équipes d’EDS, pour évaluer plus en détail et lancer le processus d’externalisation.

Parleriez-vous de succès face à IBM ? HP est devenu numéro 1 mondial, du reste, non?

GK : Nous ne nous targuons pas d’être numéro 1. En revanche, nous voulons être une véritable alternative à IBM, comme le prouve le contrat d’externalisation avec Alcatel-Lucent [NDLR: reprise de 1022 personnes]

HP est numéro 1 sur le créneau des serveurs x86. Ainsi en France, IDC nous attribue la première part de marché avec 40,6% en chiffre d’affaires et 38,9% en unités sur le 1er trimestre 2009. En infrastructure réseau, nous sommes numéro 2 derrière Cisco avec 18% de part de marché. Nous sommes numéro 3 dans les solutions de stockage et numéro 6 en édition de logiciels.

Deux initiatives clé pour la rentrée 2009:Une école de management et un appui chez les partenaires

« Nous annonçons pour la rentrée, la création d’une « Ecole de Management des Affaires » (EMA) au sein de HP France, en liaison avec le centre de formation d’HP, avec celui de nos partenaires et des professeurs d’universités ou d’écoles. » « Par ailleurs, la division TSG de HP France est en train de finaliser un programme de détachement de collaborateurs volontaires. Il s’agit de mettre en place un programme de rotation auprès de nos partenaires, qui va consister à leur proposer de détacher, chez eux, des collaborateurs, évidemment volontaires, pendant un an ou deux. Ce partenariat sera encadré par une convention tri-partite. « 

* Avant de rejoindre HP, recruté quelques mois après l’arrivée d’Yves de Talhouët, p-dg de HP France, Gérald Karsenti était dga chez Sogeti (groupe Cap Gemini). Auparavant, il a passé près de 17 ans chez IBM occupant successivement des fonctions de vice-président au sein des différentes entités d’affaires d’IBM (division des partenaires commerciaux, IBM Software Group, secteur des industries de manufacturing et de process, secteur de l’Assurance). Il a également occupé des responsabilités internationales, notamment au Japon, en Russie, en Europe (en charge de la division WebSphere Softwares) et aux Etats-Unis. Diplômé de l’IEP de Paris (Sciences Po Paris), il est également titulaire d’un mastère de management de HEC Paris (conduite du changement et coaching), d’un diplôme de l’université d’Oxford dans la même discipline, d’un master en finance de l’IAE de Paris et d’un master en économie de l’entreprise de l’Institut d’Economie et de Management de l’université de Nantes. Il est l’auteur d’un ouvrage publié aux Editions d’Organisation «La fin du paradoxe de l’informatique».