Google Print arrive en français: de l’enthousiasme à… la frustration

Le moteur confirme ses ambitions multi-lingues, multi-culturelles. Son service d’indexation de livres, Google Print, sera localisé dans 9 pays, en 9 langues. Certes, mais à l’usage, le service démontre ses limites? Trop « pub », très frustrant !

La cible? Au monde anglo-américain, avec une version anglaise, s’ajoutent des versions localisées avec le nom de domaine de 8 pays (.de pour l’Allemagne, .at pour l’Autriche, etc. pour Belgique, Espagne, France, Pays-Bas, Italie et Suisse); les ambitions européennes de Google Print sont claires.

Le service d’indexation des livres de Google sera donc disponible au total dans 9 versions localisées. Cette initiative reste très controversée, car constestée avec énergie par un bon nombre de bibliothèques européennes. La version française, par exemple, annonce clairement le jeu : l’accroche « Recherchez dans le contenu des livres et découvrez de nouveaux ouvrages » s’affiche sous la zone de requêtes. Et dans le descriptif de l’offre, le moteur de recherche indique que « la société Google s’est fixé pour mission d’organiser l’information mondiale« . Il ne s’agit donc plus de ‘rechercher‘ l’information à partir des données publiques, ce qui est la vocation d’un site Web ouvert sur le monde via Internet, mais désormais de l' »organiser« . Et le moteur ne s’arrêtera pas là. « (…) Une grande partie de cette information n’est pas encore consultable en ligne. Pour qu’elle le devienne, Google envisage, dans le cadre du programme Google Print, de placer le contenu des livres là où il sera facile de le trouver… directement dans les résultats de recherche Google« . A entendre ce discours, on ne s’étonnera pas de la réaction des bibliothèques et des éditeurs: ils mettent en doute la volonté de Google de respecter les droits d’auteurs. Pourtant, le mode d’emploi de Google Print admet cette limite juridique, et la prend en compte dans sa démarche : « Si le livre est libre de droits, vous pourrez le consulter intégralement. En revanche, si des droits d’auteur sont encore applicables, vous ne verrez que quelques pages et parfois même seulement le titre, les données bibliographiques et de brefs extraits« . On peut surtout percevoir la dimension économique du projet Google Print. La présence d’un lien « Acheter ce livre » qui pointe vers les librairies en ligne est à ce titre significative. Le service propose même une option de recherche d’exemplaires d’occasion, au cas où le livre recherché serait épuisé. Google Print, séduisant… mais rapidement frustrant ! Comment ça marche ? Une requête et Google Print recherche les ouvrages pertinents qui comportent les mots clés de la requête. Le résultat s’affiche classiquement, avec juste une image en réduction de la couverture des ouvrages extraits de l’index du moteur. Les liens publicitaires ne sont pas oubliés à la droite du navigateur. La recherche avancée propose classiquement les options de recherche booléenne. Beaucoup plus intéressant, la recherche par titre, auteur, éditeur, et même numéro d’ISBN. Un clic sur un résultat proposé, et on accède à la fiche de l’ouvrage. Si ce dernier est protégé dans ses droits, nous n’irons pas plus loin, sauf à consulter les première et quatrième de couverture, et la table des matières. Une bien maigre pitance ! Il faut reconnaître cependant que, dans la version anglaise (les autres versions linguistiques disposent d’une base encore très limitée), Google Print se révèle très séduisant pour les chercheurs, car particulièrement documenté. Et surtout, il recherche DANS les livres, et à ce titre il peut proposer des extraits très pertinents. En revanche, si les livres libres de droits sont proposés intégralement, pour les autres il faut passer par un module d’identification ‘Google Compte‘, avec une adresse e-mail et un mot de passe. Nous avons souhaité tester cette option en créant un compte, mais l’absence de réactivité du moteur ne nous a pas permis d’aller plus loin, notre mot de passe n’est toujours pas reconnu ! On s’interroge donc sur cet accès qui nous ouvre des perspectives pour découvrir des parties cachées de livres (sans doute en raison des droits réservés). Comment fonctionne-t-il ? Que nous réserve-t-il ? Nous cherchons encore des réponses. Passé l’étape de séduction et d’enthousiasme, c’est un nouveau sentiment qui nous envahit: la frustration ! En effet, quelle que soit la requête (technique ou littéraire), Google Print révèle l’étendue de la production des éditeurs. Mais alors, pour ceux soumis aux droits, plus rien ne nous est dévoilé… Autre très forte frustration, l’impossibilité de qualifier une recherche sur les ouvrages libres de droits (à moins que cette option nous ait échappé?). Par exemple, les requêtes ‘William Shakespeare‘, ou ‘Romeo and Juliet‘, voire ‘Molière‘, ne renvoient que sur des ouvrages récents. Les droits de ces deux auteurs sont pourtant depuis bien longtemps épuisés et tombés dans le domaine publique ! Il en résulte un sentiment d’arnaque commerciale : Google Print ne proposerait-il en priorité que des liens vers des ouvrages récents, donc aux droits protégés, dans le seul but de privilégier ses liens sponsorisés, sur lesquels le moteur est intéressé ? De quoi revenir au moteur classique (et abandonner sa version Print ?), autrement plus riche en contenu ‘accessible’ sur toutes les thématiques? En particulier sur des classiques libres de droits. Une requête ‘Romeo and Juliet‘ nous a permis, passée la pollution publicitaire des premiers résultats (Amazon, ebook payants, eBay, etc.), d’accéder à une version complète téléchargeable gratuitement de la célèbre pièce ! Et puis, les travers du moteur ne sont pas écartés: les liens sponsorisés sont présents sur toutes les pages de Google Print, hormis sur la page de requêtes. Au final, Google Print prend des allures d’immense librairie en ligne, où seules les couvertures sont proposées, et où l’unique option pour découvrir les ouvrages est de passer par un Amazon.com. A se demander si à trop vouloir faire du business, Google n’est pas qu’un immense index vide, un cumul de fiches, ce qui dans l’immédiat est bien loin de représenter le danger d’une épée de Damoclès suspendue au dessus des cultures européennes. Lien ->version française: https://print.google.fr/